13/11/03 (B220) Un lecteur (XYZ) nous transmet, avec ses commentaires dessous, le texte du jugement d’appel qui a confirmé la condamnation de DAF dans le cadre d’une plainte qui a été déposée à Djibouti par le Général Zakaria. Ce jugement pose la question de l’indépendance de la Justice djiboutienne et on peut se demander si une Justice indépendante aurait statué de la même façon ?

A la demande du
juge, nous publions cette semaine l’arrêt rendu par la Cour d’Appel
du tribunal de Djibouti contre DAF, pour Zakaria et la Troupe Harbi.

I) Exposé des
faits :
Par l’intermédiaire de son conseil, Maître Aref Mohamed
Aref et par lettre datée du 19/04/03, le Général Zakaria
Cheik Ibrahim, porte plainte à l’encontre de Monsieur Daher Ahmed Farah
pour l’avoir gravement diffamé dans un article publie aux pages 3 et
4 du numéro 475 de l’hebdomadaire « Le Renouveau Djiboutien »
du jeudi 17 avril 03.

Lors de son audition
par les enquêteurs, le Général Zakaria Ibrahim a soutenu
que Daher Ahmed
Farah a publié dans son journal « Le Renouveau Djiboutien »
des propos diffamatoires et des faits portant
atteintes à sa vie privé et à son honneur et celle du
personnel féminin de la Troupe « Harbi ».

Daher Ahmed Farah quand
à lui, a précisé qu’il posait uniquement de questions
au Général Zakaria
Cheik Ibrahim pour savoir s’il est vrai que des membres féminins de
la troupe « Harbi » continuait comme
par le passé, à le servir à son « mabraz »
du CCO en tenue de sport.

Il souligne qu’il participe
à un débat sur la neutralité et le caractère apolitique
de l’armée et de ses
chefs.

II) Procédure
:
Par réquisitoire introductif en date du 20/04/03, le Ministère
Public requiert qu’une information soit ouverte pour diffamation. Par réquisitoire
supplétif du 17 mai 03, le Ministère Public a requit de continuer
l’information en tenant compte des plaintes de quinze (15) membres de la troupe
« Harbi » et de leur chef qui se plaignent d’être diffamé
par l’article paru dans le « Renouveau Djiboutien ». Par Ordonnance
de renvoi du 22/06.03, le juge d’instruction chargé de l’affaire a
renvoyé Daher Ahmed Farah devant la Chambre Correctionnelle du TPI
de Djibouti pour diffamation. Faits prévus et réprimés
par les articles 425 à 427 du Code Pénal et les articles 16,
77, 94 à 110 de la loi du 15/09/92 sur la communication et l’article
32 de la loi du 29/07/01. Par citation directe (RP 1869/03) mesdames Amina
Abdi Ibrahim, Amina Osman Guelleh, Fatouma Dini Ali, Fatoum Hassan Mohamed
et Moumina Bourhan Bouh ont fait cité Daher Ahmed Farah devant la Chambre
Correctionnelle du TPI de Djibouti pour diffamation. Monsieur Daher Ahmed
Farah a comparu devant la Chambre Correctionnelle du TPI de Djibouti le 16/06/03.
Par jugement numéro 320/03 du 23/06/03, la Chambre Correctionnelle
du TPI de Djibouti a :

-Joint les deux procédures
(RP 1869/03 et le dossier du cabinent d’instruction)

– Déclaré
Monsieur Daher Ahmed Farah non coupable du délit de diffamation.

– En conséquence,
l’à relaxé les liens de la prévention

– Mis les dépens
à la charge du Trésor Public.

Par acte numéro
309/03 du 24/06/03, le Ministère Public a relevé appel du jugement
de relaxe.
L’affaire a été audiencée pour le 09/07/03. Toutes les
parties ont comparu. Le présent arrêt
contradictoire à l’égard de toutes les parties au procès.

III) Motifs de la Décision
: Considérant que le Ministère Public a interjeté appel
du jugement numéro 320/03 du 2 » juin 03. Considérant
que le Maître Aref a relevé appel du même jugement sur
les intérêts civils
, pour le compte de toutes les parties
civiles. Considérant que ces appels portent donc sur l’action publique
et sur les intérêts civils. Considérant que se sont ces
deux points de la décision attaquée qui seront examinés.

Sur la régularité
de la citation : Considérant que Monsieur Daher Ahmed Farah a été
cité régulièrement à comparaître en personne
le 09/07/03 à 08h30 du matin devant la Cour d’Appel de Djibouti. Considérant
que cette citation lui a été remise le 01/07/03.

Considérant que
Maître Omar, conseil de Monsieur Daher Ahmed Farah a remis en cause
la régularité de la citation délivrée à
son client. Considérant que Daher Ahmed Farah a comparu volontairement
devant la Cour d’Appel. Considérant que le Procureur Général
a soutenu que la comparution volontaire du prévenu suffisait pour déclarer
la citation régulière. Considérant que la Cour adopte
la même position que le Ministère Public et déclare la
citation régulière. Considérant que la Cour trouve en
la cause des éléments suffisants pour reformer le jugement dont
appel dans son intégrité.

Considérant qu’il
convient d’ordonner la jonction de deux procédures qui sont devant
la Cour.

Sur l’Action Publique
:
Considérant qu’il ressort des débats à l’audience
et des écrit versé au dossier que Monsieur Daher Ahmed Farah
a proféré des diffamations et porté atteinte à
la vie privée du Général Zakaria Cheik Ibrahim. Considérant
qu’il est établi également que Monsieur Daher Ahmed Farah a
porté atteinte à l’honneur et à la considération
du Général Zakaria Cheik Ibrahim et une partie du personnel
féminin de l’Armée Nationale sous une forme déguisée
et par voie d’insinuation. Considérant que la diffamation est punissable
même si elle exprimée sous forme dubitative ou sous forme déguisée
et par voie d’insinuation. Considérant que l’ensemble de ces faits
constitue le délit de diffamation prévu et réprimé
par les articles 425 à 427 du Code Pénal, articles 16, 77, 94
à 110 de la loi numéro 2/AN/992/2èL du 15/09/92 relative
à liberté de communication et l’article 32 de la loi du 29/07/81.
Considérant qu’il échet donc de déclarer Daher Ahmed
Farah coupable du délit de diffamation. Considérant qu’en
répression, la Cour le condamne à la peine de six (6) mois d’emprisonnement
dont trois (3) fermes et 200. 000 FD à titres d’amende ferme.
Considérant
que le les faits reprochés au prévenu sont grave que son incarcération
s’impose. Considérant que la Cour estime nécessaire de décerner
en son encontre un mandat de dépôt.

Sur les Intérêts
Civils :
Considérant que la Cour trouve en la cause des éléments
suffisant pour reformer également le jugement dont appel sur les intérêts
civils. Considérant qu’il convient donc de recevoir le Général
Zakaria Cheik Ibrahim, le personnel féminin de la troupe « Harbi
» de l’Armée Nationale et de la chef en leur constitution de
partie civile. Considérant qu’il échet donc de condamner
Daher Ahmed Farah à payer au Général Zakaria Cheik Ibrahim
la somme de 1.000.000 FD à titre de dommages et intérêt
pour la préjudice subi.
Considérant qu’il échet de
le condamner également a payer à :

v Ali Dirieh Egal ; Fatouma
Houssein ; Deka Miguil Atteyeh ; Kadidja Guelleh Miguil ; Amina Djama Idleh
; Amina Ismael Rabileh ; Fatouma Mohamed Obsieh ; Hawa Abdillahi Cheik ; Neiman
Ismael Rabileh ; Fathia Ali Saleh ; Sirad Molow Galad ; Oubah Hassan Abdallah
; Hinda Doualeh Elmi ; Loula Omar Elmi ; Faiza Ali Darar ; Sahra Abdi Saad
; Amina Osman Guelleh ; Fatouma Hassan Mohamed ; MouminaBoulhan Bouh ; Fatouma
Dini Ali ; Zahra Abdi Saad, la somme de 500.000 FD à chacun à
titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi,
soit une somme globale de 12.000.000 FD.

Sur la publication de
l’Arrêt : Considérant que la Cour estime qu’il y a lieu d’ordonner
la publication du
présent arrêt dans les deux numéros du journal «
Le Renouveau Djiboutien » sous peine d’astreint de
20.000 FD par jour de retard, ainsi que deux autres journaux paraissant à
Djibouti au choix des requérant
et au frais du prévenu dans le même format et avec les mêmes
caractères que les articles incriminés,
conformément à l’article 107 alinéa 3 de la loi du 15/09/02,
en matière des diffamation.

Sur la Suspension du Journal
« Le Renouveau Djiboutien » : Considérant qu’à
cause des nombreux articles diffamatoires parus dans le même journal
« Le Renouveau Djiboutien », sa suspension provisoire s’impose.
Considérant qu’il est dont nécessaire d’ordonner la suspension
du journal « Le Renouveau Djiboutien ». Considérant que
cette suspension commencera la 01/08/03 et s’achèvera le 31/10/03 (3
mois). Considérant que la partie qui succombe au procès doit
supporter les dépens.

IV) Décision
: Par ces Motifs

La COUR : Statuant publiquement,
contradictoirement, en matière correctionnelle et en dernier ressort.

-Dit recevable en la forme
l’appel du Ministère Public et celui du Conseil des parties civiles.

Reformant : – Ordonne
la jonction des deux procédures. ‘ Dit la citation régulière.

Sur l’action publique
: – Déclare Daher Ahmed Farah coupable du délit de diffamation
(délit prévu et réprimé par les articles 425 à
427 du Code Pénal, article 16, 77, 94 à 100 à 110 de
la loi numéro 2/AN/992/2èL du 15/09/92 relative à liberté
de communication et l’article 32 de la loi du 29/07/81. ‘ En répression,
le condamne à la peine de six (6) mois d’emprisonnement dont trois
(3) ferme et à la somme de 200.000 FD d’amende ferme. ‘ Décerne
en son encontre un mandant de dépôt.

Sur l’action civile :

– Reçoit le Général
Zakaria Cheik Ibrahim en sa constitution de partie civile.

– Reçoit également
le personnel de la Troupe « Harbi » de l’Armée nationale
y compris les retraitées et
leur Commandant en leur constitution de partie civile.

‘ Condamne MonsieurDaher
Ahmed Farah à payer au Général Zakaria Cheik Ibrahim
la somme de
1.000.000 FD à titre de dommages et intérêt pour la préjudice
subi.

‘ Le condamne également
à payer à chacune des autres parties civiles la somme de 500.000
FD à titre
des dommages et intérêts pour la préjudice subi, soit
la somme totale de 12.000.000 FD.

– Ordonne la publication
du présent arrêt dans les deux numéros du journal «
Le Renouveau
Djiboutien » sous peine d’astreint de 20.000 FD par jour de retard,
ainsi que deux autres journaux
paraissant à Djibouti au choix des requérant et au frais du
prévenu dans le même format et avec les mêmes
caractères que les articles incriminés, conformément
à l’article 107 alinéa 3 de la loi du 15/09/02, en
matière des diffamation.

– Ordonne la suspension
du journal « Le Renouveau Djiboutien » pendant trois (3) mois
à compter du
01/08/03.

– Condamne le prévenu
aux entiers dépens.

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Commentaire d’un lecteur

Sur la forme:
Les lecteurs apprendront désormais que , grace à cet arrêt,
il appartient non pas au juge instructeur de procéder à la régularisation
de la requête mais au prévenu !!!

En effet, l’irrégularité
d’une citation, qui est quand même un vice de forme conséquent
( regardé de plus près les délais, et on remarque que
le conseil de Daf ne pouvait pas élaborer une défense correcte…)
est en l’espèce absorbé par le fait que Daf se soit présenté.
Or cette irégularité doit être soulevée d’office
par le juge, puisqu’elle est d’ordre public. De même que les particuliers
ne peuvent transiger avec un moyen qui est d’ordre public.

Au fond:
Les lecteurs
apprecieront aussi l’absence totale de motivation de la part de la Cour d’Appel,
qui semble évoquer l’affaire au fond. Cette absence totale de motivation
est une cause de cassation à elle seule.

D’autre part le fait que
le juge d’appel reforme le jugement aurait pu nous inciter à croire
que ce dernier allait préciser en quoi les propos tenu par le justiciable
en cause étaient diffamatoires.

Enfin le lecteur
pourra s’attarder sur la proportionnalité des peines prononcées
avec les faits eux même. Il semble qu’il yait une certaine disproportion
entre une simple diffamation et une peine de prison ferme assortie de dommages
et intêret faramineux pour un djiboutien moyen.

Cette décision
est en tout état de cause, tout simplement, mauvaise.

XYZ