19/05/04 (B247) Comment passe-t-on du statut de Père de la Nation à celui de Traitre ? (Lecteur)

Comment est-on passé
du statut de père de la Nation à la traîtrise ?

Cette question nous taraudait,
quand Gouled fut obligé de quitter son trône, abandonnant le
pays aux gangs mafieux.

Une image presque banale,
furtive et silencieuse. On se croyait en Ouganda ou au Zimbawé. Il
est si loin le temps où le père de la nation, tout bleu vêtu,
qui parlait la langue des pauvres et qui offrait à son peuple un pays
débarrassé des colonisateurs et de leurs discriminations.

Un pays qui devait être
un havre de paix, où les habitants pourraient manger à leur
faim, s’habiller, s’instruire, et ne plus vivre aux basques des Français
avec la peur du lendemain, au ventre.

Gouled allait devenir
le populaire  »père ». Il croyait en son étoile, et les Djiboutiens,
les yeux fermés, croyaient en lui. C’était le temps de la décolonisation,
de la libération et de ces hommes africains qui affrontaient la France
en uniforme, dominante et étendant son emprise sur une grande partie
de l’Afrique.

Gouled avait les accents
du sauveur, sa maison était le rendez vous des humbles. Il avait de
l’espoir plein la tête, et les tribus buvaient ses discours fédérateurs.
Gouled étaient le petit frère de Siad barré qui avait
réuni à unifier les Somaliens et qui promettait la fin de l’esclavage
moderne.

Puis un jour est venu
le temps des gangs mafieux, dirigés par Ismael Omar, né dans
la poussiére et le dénuement des bas quartiers de Diré
dawa. Armés par le Président, incités à la haine
par la voix du Président, les exécuteurs des basses oeuvres
ont infligé les pires tortures dans la villa Saint Christophe, à
quiconque osait émettre la moindre critique à l’encontre d’un
pouvoir devenu tyrannique, qui terrorise et qui pille Djibouti.

Prêts à se
battre jusqu’au bout maintenant depuis que leur Chef a pris sa retraite. Sur
leurs mains, il y a le sang de nombreux opposants, étudiants, journalistes,
défenseurs des Droits de l’Homme, étrangers, commerçants
et leaders politiques. Il suffisait d’un mot de Gouled, même codé,
pour que les milices d’Ismael Omar administrent la Mort comme des yennes dressées
à tuer.

Un pays livré à
des mafieux, voilà ce que laisse derrière lui l’ancien Chef
déchu, parce qu’il a renié ses idéaux et qu’il ne voyait
plus que les mirages de la puissance, de l’argent et de la gloire. Gouled
s’imaginait Président à vie. Il bâillonnait les bureaux
de vote, il trempait dans les trafics et surtout, il restait aveugle et sourd
face à la souffrance des Djiboutiens.

Il n’était même
plus une brebis de sa tribu. La seule chose qui comptait encore à ses
yeux était l’argent qu’il possédait, le pouvoir auquel il s’accrochait,
dans la droite lignée des dictateurs de l’Afrique.

On est saisi devant l’itinéraire
de cet homme qui a eu finalement si peu d’estime pour son Peuple. Il n’a su
que laisser un peuple désabusé en proie aux cauchemars les plus
morbides. C’est ce qu’il nous reste maintenant à sauver.