17/05/05 (B298) LIBERATION : Polémique autour de la visite du président de Djibouti à Paris.

mardi 17 mai 2005 (Reuters – 12:37)


PARIS – La visite officielle en France du président de Djibouti Ismaël Omar Guelleh relance la polémique entourant l’enquête sur la mort du magistrat français Bernard Borrel dans ce pays en 1995.

Alors que le président Guelleh rencontrait Jacques Chirac à l’Elysée, l’un des avocats de la famille du magistrat, Me Olivier Morice, annonçait avoir demandé l’audition comme témoin du président djiboutien.


« Il est incompréhensible et scandaleux d’imaginer que l’Etat français tolère la venue de M. Guelleh sur le territoire national », écrit Me Morice dans un communiqué.


« Depuis dix ans, Mme Borrel attend que les commanditaires et que les exécutants de ce crime odieux soient enfin mis en cause et pendant ce temps l’Etat français déroule le tapis rouge à des dirigeants soupçonnés d’être mêlés à cet assassinat », ajoute-t-il.


Le président Guelleh a évoqué le dossier avec Jacques Chirac, qui lui a fait état d’une intervention du parquet visant à accélérer l’instruction.


« Le président (Chirac) a rappelé que la justice est indépendante et conduit l’instruction dans le respect de ce principe. Le parquet a demandé au juge d’instruction de mener celle-ci, qui se prolonge depuis maintenant dix ans, dans les meilleurs délais », a déclaré le porte-parole de l’Elysée, Jérôme Bonnafont.


« Il n’y a pas de tension entre nous et la France », a assuré de son côté aux journalistes le président Guelleh.


Le dossier est important sur le plan diplomatique, Djibouti renfermant la principale base militaire française en Afrique.


Le corps carbonisé du juge Borrel, coopérant français à Djibouti et conseiller technique auprès du ministère de la Justice djiboutien, a été retrouvé le 19 octobre 1995 à 80 kilomètres de la capitale. L’hypothèse du suicide avait été initialement privilégiée mais la justice s’est ensuite orientée vers la piste de l’assassinat, après des expertises médico-légales.


Des témoignages d’opposants djiboutiens, dont la validité est contesté par Djibouti, laissent penser qu’Ismaël Omar Guelleh pourrait être impliqué.


Des documents des services secrets français, récemment déclassifiés et versés au dossier, prennent aussi en compte cette hypothèse.


En février, le juge d’instruction chargé de l’enquête, Sophie Clément, avait refusé de remettre à Djibouti une copie du dossier, expliquant que cette mesure « compromettrait les intérêts fondamentaux de la France et la sécurité de ses agents ».