08/04/08 (B442) MOCI : Enlèvement du voilier Le Ponant: aucun interlocuteur officiel
Ecrit par jf Tournoud
Alors que le voilier français Le Ponant est toujours aux mains des pirates somaliens qui s’en sont saisi, la tâche des diplomates français est ardue car aucun officiel somalien digne de ce nom peut intervenir. En effet, depuis la chute du dictateur Syad Barré en 1991, la Somalie est un trou noir où aucun grand pays occidental ne veut remettre les pieds.
Qui plus est, la Somalie est un pays éclaté en plusieurs Etats indépendants autoproclamés. Après des années de conflits entre seigneurs de la guerre locaux, un gouvernement transitoire de la république fédérale de Somalie a été établi.
En fait, il ne gouvernait pas au-delà de la petite localité où il était établi. Entre temps, des talibans locaux, dénommés tribunaux islamistes, avaient pris le pouvoir et contrôlaient une bonne moitié de la Somalie. Grâce à l’aide du puissant voisin éthiopien, toujours intéressé d’interférer dans les affaires somaliennes pour couper cours à toute revendication sur la province éthiopienne voisine de l’Ogaden, chassa les tribunaux et réinstalla à Mogadiscio, la capitale, le gouvernement transitoire.
Celui-ci ne tient qu’à l’aide la la présence militaire éthiopienne.
Comme leurs cousins talibans, les tribunaux se réinstallent peu à peu dans le paysage, au point d’avoir eu l’audace il y a quelques semaines de lancer trois roquettes sur le siège du gouvernement transitoire. La France ne reconnaît que cette structure (il y a même une Ambassade de Somalie à Paris, qui délivre des visas, et qui est probablement totalement subventionnée par le Quai d’Orsay) mais son influence est quasi-nulle.
Plus au nord, le pays est morcélé, comme un lointain héritage de la période coloniale où il y avait un Somaliland britannique, le reste du territoire étant sous administration italienne (du moins jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale). Actuellement, au nord, il y a un Somaliland autoproclamé (http://fr.wikipedia.org/wiki/Somaliland).
Bien que non reconnu internationalement, c’est le territoire somalien qui ressemble encore le plus à un Etat.
Il est même relativement bien géré. Son porte de Berbera est largement utilisé par l’Ethiopie. Le pays exporte essentiellement du bétail vers l’Ethiopie et la Péninsule Arabique, y compris jusqu’à Dubaï. Visiblement, tout le monde, Américains compris, semble s’acommoder de cet îlot de stablité. Le Somaliland entend se séparer complètement du reste de la Somalie et obtenir sa complète indépendance.
Ensuite, la Corne de l’Afrique abrite le Puntland (Pays de Pount) qui descend jusqu’au milieu de la côte somalienne au sud (http://fr.wikipedia.org/wiki/Puntland).
A l’époque pharaonique, les Egyptiens allaient se fournir en or, ivoire, plumes d’autruche et animaux exotiques au Pays de Pount qui devait se situer au sud de l’actuel Soudan, étant entendu que le territoire était bien plus humide il y a 3 000 ans.
Le Puntland a donc repris ce nom un peu mythique et fabuleux. Il a toutes les apparences d’un Etat (président, gouvernement, parlement, drapeau, etc – www.puntlandgovt.com).
Tout en étant indépendant, il affirme qu’il rejoindra une Somalie fédérale. Comme si cela ne suffisait pas, le Puntland a subi une sécession l’été dernier. Un nouvel Etat autoproclamé s’est créé aur la côte nord du Puntland: l’Etat Maakhir de Somalie (http://en.wikipedia.org/wiki/Maakhir) dont le charmant drapeau représente un bateau sur une mer bleu ciel.
Autant dire que personne ne l’a reconnu.
Donc, la France n’a aucun représentant officiel à qui s’adresser dans la zone (à la frontière sud du Puntland) où les pirates ont fait relâche. Pire même, certains ports de cette zone (officiellement sous administration du gouvernement provisoire) sont en fait contrôlés par des islamistes, dont une des activités favorites est le piratage de bateaux.
Reste à savoir si une forte rançon suffira à les amadouer.