19/04/08 (B444) LE MONDE Le conflit menace de reprendre entre Asmara et Addis Abeba.

Partir ? Rester, quitte à ne maintenir sur place qu’une présence symbolique ? Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’interroge sur l’avenir de la Mission des Nations unies en Ethiopie et en Erythrée (Minuee) au vu de l’impasse dans laquelle elle se trouve du fait des restrictions apportées à son travail sur place.

La question n’est pas anodine. Elle donne du crédit à ce qui n’est peut-être plus une hypothèse d’école : la reprise d’un conflit frontalier entre deux pays naguère proches et aujourd’hui ennemis jurés qui a fait, entre 1988 et 2000, près de 100 000 morts.

Dans un rapport transmis il y a quelques jours au Conseil de sécurité, M. Ban propose trois options.

La première – la plus radicale – consisterait à dissoudre la Minuee avec pour conséquence qu' »il n’y aurait plus de présence de maintien de la paix de l’ONU dans la région ».

A défaut, le secrétaire général avance deux alternatives : « Déployer le long de la frontière une petite mission d’observation chargée de désamorcer les tensions entre les armées des deux pays (et) d’observer la situation » ;

ou ouvrir des bureaux de liaison à Asmara, capitale de l’Erythrée, et à Addis Abeba, celle de l’Ethiopie, dans l’attente d’un rapprochement entre les deux pays.

En réalité, la fin de la mission de l’ONU n’est qu’une hypothèse d’école aux yeux de M. Ban, qui, selon son entourage, privilégie les deux autres options, considérées comme complémentaires.

Le Conseil de sécurité ne tranchera pas dans l’immédiat, même si des pays comme les Etats-Unis et dans une moindre mesure la France, rechignent de plus en plus à financer une mission dont on ne voit pas la fin. Les quinze membres du Conseil de sécurité devraient se contenter de publier, en début de semaine prochaine, une déclaration demandant à M. Ban de reprendre contact avec les deux parties.

Le contentieux entre l’Ethiopie et l’Erythrée (deux pays classés parmi les plus pauvres de la planète) porte sur le tracé de leur frontière. A l’issue de douze années de conflit, les deux parties avaient décidé de confier son tracé à une commission ad hoc. Les deux belligérants étaient d’accord pour considérer que les décisions de celle-ci seraient « définitives et contraignantes ».

L’engagement a volé en éclats le 13 avril 2002, le jour où la commission faisait connaître sa décision sur le tracé frontalier. S’estimant lésée, l’Ethiopie « remettait en question certains (de) ses aspects », rappelle le rapport du secrétaire général de l’ONU.

Depuis, la tension n’a cessé de croître.

En particulier du fait de l’Erythrée qui, depuis, n’a de cesse de reprocher à l’ONU et au Conseil de sécurité de « fuir leurs responsabilités alors que le régime éthiopien continue d’occuper un territoire sous souveraineté érythréenne (et que) la frontière a été dûment et clairement tracée ».

« Le gouvernement d’Erythrée ne peut accepter, sous aucune condition, des arrangements qui conduiraient à « légitimer » l’occupation d’une terre sous sa souveraineté », prévient le président de l’Erythrée dans une lettre adressée, fin mars, au secrétaire général de l’ONU dont Le Monde a eu connaissance.

De part et d’autre de la frontière, les troupes ont été renforcées. Plusieurs centaines de milliers de soldats se font face.

Jean-Pierre Tuquoi
(avec Philippe Bolopion à New York)