24/07/08 (B457) AFP – Le juge chargé de l’enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer à Abidjan en 2004 a saisi mardi à l’Elysée un dossier sur cette affaire, un « signe fort », selon la famille du journaliste. (Par Matthieu RABECHAULT et Benjamin SPORTOUCH )(Info lectrice)
Cette visite du juge Patrick Ramaël intervient alors que le magistrat cherche à entendre comme témoin Simone Gbagbo, l’épouse du chef de l’Etat ivoirien.
Cette dernière ne s’est pas déplacée à une convocation le 10 juillet mais le magistrat cherche toujours à l’entendre et envisagerait de se rendre en Côte d’Ivoire pour l’auditionner, selon une source proche du dossier.
Pour le frère du disparu, Bernard Kieffer, le déplacement à l’Elysée est "un signe fort". "Dans la mesure où l’Elysée accepte de jouer le jeu et de remettre le dossier, on ne comprendrait pas que la présidence ivoirienne ne fasse pas de même", a-t-il expliqué.
Le juge et sa greffière se sont présentés mardi en début d’après-midi à la cellule diplomatique de la présidence de la République, au 2 rue de l’Elysée, où ils se sont fait remettre des documents relatifs à la disparition du journaliste franco-canadien le 16 avril 2004 alors qu’il enquêtait sur des malversations en Côte d’Ivoire dans la filière cacao.
Le journaliste aurait été abattu par ses ravisseurs. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Ce déplacement du juge Ramaël est le premier connu d’un juge d’instruction à l’Elysée depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.
"Un juge d’instruction s’est présenté hier rue de l’Elysée. Il lui a été remis volontairement un dossier archivé relatif à l’affaire Kieffer", a-t-on indiqué mercredi à l’Elysée, précisant qu’il s’agissait d’un "transport sur les lieux" et non d’une perquisition.
Le dossier remis au magistrat par un conseiller, "après scellés et copies d’usage", concerne des "documents antérieurs" à l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence, a ajouté l’Elysée.
Selon une source proche du dossier, ces documents comprennent de nombreux télégrammes diplomatiques ainsi que des notes des services de renseignement.
Ces dernières, classées secret-défense, ont été mises sous scellés avant une éventuelle déclassification.
Durant les derniers jours de Jacques Chirac à la présidence, les juges Fabienne Pous et Michèle Ganascia avaient vainement tenté le 2 mai 2007 de faire une perquisition à l’Elysée dans le cadre de leur enquête sur d’éventuelles pressions politiques sur la justice dans l’affaire Borrel.
"Cela montre qu’il (le magistrat, ndlr) est en train de secouer le cocotier et qu’il s’intéresse aux informations que pouvaient détenir les autorités françaises", a ajouté Bernard Kieffer, qui est partie civile dans le dossier.
"Si nous, avec internet et un téléphone, pouvons avoir des informations, les services de renseignements, le Quai d’Orsay peuvent aussi en avoir", a-t-il estimé.
La saisie de ce document fait suite à l’audition vendredi comme témoin, révélée par Libération, de l’ancien conseiller pour les affaires africaines du président Chirac, Michel de Bonnecorse.
Les enquêteurs ne soupçonnent pas le couple présidentiel ivoirien d’être impliqué directement dans cette affaire, mais certains cadres du régime liés aux milieux d’affaires, notamment ceux du cacao.
Patrick Ramaël, qualifié de "don Quichotte" par le président Laurent Gbagbo, souhaite également entendre le ministre d’Etat ivoirien du Plan et du Développement, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, dont le nom, selon une source proche du dossier, serait lié à des affaires de corruption au sein de la filière café-cacao.