14/09/08 (B465) AFP / Piraterie en Somalie: Michel Barnier demande une réunion interministérielle
Les armements français de pêche au thon s’alarment d’une recrudescence de la piraterie au large des côtes somaliennes, après l’attaque d’un de leurs navires, et demandent aux marines occidentales de traquer les pirates dans cette zone stratégique pour eux.
Le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Michel Barnier, semblait les avoir entendus dimanche soir. Dans un communiqué, il a demandé au Premier ministre François Fillon d’organiser « une réunion interministérielle d’urgence » sur la piraterie maritime « afin de déterminer les mesures susceptibles d’être mises en oeuvre rapidement pour sécuriser l’activité des navires et de leurs équipages » dans les eaux internationales de l’océan Indien.
Après deux attaques de pirates en trois jours contre des thoniers espagnol et français, les armements réclamaient une réunion avec les pouvoirs publics.
La cinquantaine de navires de pêche européens actifs au large des côtes somaliennes, une zone riche en poissons mais réputée dangereuse, ont décidé de rentrer à leur port d’attache de Mahé, aux Seychelles. « Il s’agit (…) de protester contre le manque de moyens pour assurer la sécurité », a déclaré Pierre-Alain Carré, directeur d’exploitation de la CMB, l’armement du thonier français Le Drennec, attaqué samedi matin.
Yvon Riva, président d’Orthongel qui regroupe les producteurs de thon congelé, a réclamé l’aide de la Marine nationale pour « surveiller la zone ».
« Ce qui était une piraterie locale près des côtes se transforme en industrie organisée, à partir vraisemblablement de bateaux mère » qui lancent des petites vedettes rapides pour aller à l’assaut des navires loin des côtes, a-t-il expliqué.
« On est bouté en dehors de notre zone de pêche. Les pirates ont désormais un rayon d’action sur plus de la moitié de cette zone » au moins aussi grande que la France, s’est alarmé Ronan Bargain, capitaine d’un thonier espagnol, joint par téléphone aux Seychelles.
Selon lui, les pêcheurs européens sont dans une impasse car ils ne peuvent se priver des ressources de thon situées dans l’ouest de l’océan Indien, et qui représentent environ 30% de la ressource mondiale, contre 55% pour l’océan Pacifique et 15% seulement pour l’océan Atlantique.
La vingtaine de navires français qui pêchent le thon albacore et listao dans les eaux tropicales de l’océan Indien emploient près d’un millier de pêcheurs, dont plus de la moitié sont originaires des pays riverains. A cela, s’ajoutent une trentaine de navires espagnols.
Les captures des gros thoniers, tous dotés de moyens de congélation, servent à l’élaboration des boîtes de conserve ou des plats préparés vendus en Europe.
« On ne pourra pas redéployer une flottille de cette envergure. La seule solution est de rester sur place, mais les marins ne veulent pas retourner en mer pour se faire tuer », estime M. Bargain.
Selon lui, il faudrait que les navires militaires occidentaux, qui sécurisent les routes maritimes stratégiques des cargos et pétroliers près du golfe d’Aden, s’occupent aussi de la zone de pêche.
« Il n’y a jamais eu autant d’attaques de pirates parce qu’ils peuvent y procéder en toute impunité, c’est devenu un business rentable », constate ce capitaine, pour qui la profession se sent aujourd’hui « délaissée ».
« On nous a promis deux ou trois navires militaires, mais on ne les a jamais vus », affirme-t-il.
« Au mois d’avril, on a transmis notre inquiétude au Préfet maritime, une prise de conscience existe, mais on ne voit rien » sur le terrain, a expliqué le responsable des thoniers tropicaux à la CFDT Bretagne, Armand Quentel.