17/09/08 (B465-B) La dépêche du midi / Somalie. Les dessous de l’opération. La France a employé la manière forte pour sauver les otages.
Dominique Delpiroux
Les commandos Hubert sont des unités d’élites particulièrement efficaces. Photo AFP.Le commando Hubert ? Il subit, selon les spécialistes, la formation la « plus extrême » de l’armée française. Pas vraiment de la bleusaille. Son épreuve mythique s’appelle la Cuve. Une plongée en apnée dans une eau à 8° après 50 mètres de nage. Et dans le noir… Brrr !
Autant dire que les Somaliens avaient autant de chances que leurs lointains ancêtres pirates face à Obélix et Astérix. Car non seulement, ils avaient en face des nageurs de combat surentraînés, mais l’opération qui a permis de libérer les deux otages français avait été minutieusement préparée, sous la haute surveillance de l’Élysée. Depuis plusieurs jours, la frégate Courbet croisait dans les parages.
Le bateau a été repéré, identifié, quasi radiographié. Et en pleine nuit de lundi à mardi, le commando fort de 30 hommes a fondu sur le voilier de 16 mètres. Les pirates n’étaient que sept, mais croulant sous les kalachnikovs et les RPG. Il n’a fallu que dix minutes pour libérer les Français. Un des preneurs d’otages a été tué, les six autres faits prisonniers.
« Pour le Ponant, on a montré nos muscles, explique un militaire. Ici, on a considéré que la discrétion et la surprise étaient des critères déterminants. » On a tapé vite et fort.
Mais c’était le moment ou jamais. Sinon, le bateau aurait été avalé dans l’antre d’Eyl, ce port de l’angoisse où ne règne que la loi des forbans. Là, sont déjà retenus plusieurs navires et des dizaines d’otages des tous pays qui attendent que les rançons soient versées. Dans ce « nid de frelons », à 800 km de Mogadiscio, « on ne maîtrisait plus rien » avouent les forces françaises.
Opération réussie, soulagement général ! Les autorités du Puntland, ce territoire incertain où rien n’est contrôlé « se félicitent de l’action des commandos français contre la piraterie. »
Bonheur aussi de la famille de Bernadette et Jean-Yves Delanne, ces deux passionnés de voile, qui convoyaient le « Carré d’As » entre l’Australie et La Rochelle. « Je suis sûr que les pirates ont été contents de voir partir mon père. Il est teigneux, costaud, grande gueule… » plaisantait son fils Cédric. Mais au moment même de l’assaut, une autre attaque avec d’autres pirates avait lieu non loin de là, sur un chimiquier de Hongkong avec 22 personnes à bord. Les affaires reprennent…
Sarkozy : « Un avertissement »
À Paris, Nicolas Sarkozy a tenu hier à préciser la position de la France : « Cette opération est un avertissement pour tous ceux qui se livrent à cette activité criminelle. La France n’acceptera pas que le crime paye et c’est un appel à la mobilisation de la communauté internationale. »
Il a appelé à la création d’une « police des mers », soulignant que « la France ne pouvait porter seule » le poids d’une surveillance de cette région maritime, une des plus dangereuses du monde. « Dès demain, un bâtiment de la marine nationale française entamera l’accompagnement des bateaux qui traversent le golfe d’Aden. »
Hier soir, Bernard Kouchner a proposé le lancement en décembre d’une mission militaire aéronavale avec un bateau et trois avions de reconnaissance. L’Union européenne a approuvé le principe d’une cellule de coordination.