15/01/09 (B482) Ethiopie : de nombreux gouvernements et organisations demandent la libération de Birtukan Mideksa, opposante politique, remise en prison, après que la mesure de grâce dont elle avait bénéficiée en 2007, ait été annulée récemment par les autorités éthiopiennes, au motif d’une déclaration qu’elle aurait faite en Suède …
Citons entre autres (sans que cette liste ne soit limitative) :
– un communiqué du Gouvernement sudédois,
– une déclaration d’un membre du congrés américain : Donald M. Payne, Chairman of the Subcommittee on Africa and Global Health;
– Un communiqué « The Ethiopian People Patriotic Front » (EPPF)
_____________________________ Article IPS
ADDIS ABEBA, 14 jan (IPS) – Bertukan Mideksa est réputée en Ethiopie comme une politicienne compétente, mais les électeurs ne pourront pas lui accorder des voix à la prochaine élection présidentielle. La révocation de sa grâce de 2007 a envoyé un frisson au sein des partis de l’opposition de l’Ethiopie
Après les élections de 2005, des manifestations de l’opposition contre les irrégularités dans les bureaux de vote étaient suivies par des affrontements dans les rues. Plus de 100 leaders de l’opposition ont été arrêtés. Mideksa a été inculpée, entre autres, de trahison, d’outrage à la constitution, incitant à la rébellion armée.
Elle a passé deux ans en prison avant d’être déclarée coupable et condamnée à la prison à vie en juillet 2007 avec 34 autres. Ils ont été immédiatement graciés par le président Girma W. Giorgis; le gouvernement a annoncé qu’ils ont demandé la grâce et ont exprimé des remords pour leurs actes.
En novembre 2008, alors qu’elle était en tournée en Europe, Mideksa a nié avoir demandé la grâce de l’Etat pour les violences post-électorales. Et à son retour en Ethiopie, elle a déclaré aux partisans du parti, l’Unité pour la démocratie et la justice (UDJ), que sa libération de prison était le résultat de négociations politiques, et non de la sympathie du gouvernement.
Le gouvernement a furieusement réagi avec un ultimatum demandant qu’elle revienne sur ses déclarations dans l’intervalle de trois jours, autrement sa grâce sera révoquée.
« Je dois cependant réfléchir, et prendre une décision », a indiqué Mideksa à IPS, dans un entretien téléphonique à Addis Abeba le 28 décembre, juste un jour avant qu’elle ne soit envoyée dans une prison fédérale.
Signe d’inquiétude pour l’opposition
Sa nouvelle arrestation a créé une grande indignation parmi les politiciens de l’opposition qui ont condamné l’acte comme faisant partie d’une stratégie préélectorale habituelle du parti au pouvoir pour intimider ses opposants avant les élections prévues pour mai 2010.
Mideksa n’est pas la seule politicienne de l’opposition à être récemment jetée en prison. Le 30 octobre, la commission fédérale de la police a arrêté Bekele Jirata, le secrétaire général d’un autre parti de l’opposition, le Mouvement fédéraliste démocratique de Oromo. Il est accusé d’avoir un lien caché avec le groupe rebelle, le Front de libération de Oromo (Oromo Libration Front – OLF).
Les politiciens de l’opposition s’inquiètent que le signal envoyé par ces arrestations ne renforce ceux qui pensent qu’un changement politique pacifique en Ethiopie n’est pas viable.
Après leur libération en 2007, Mideksa et Dr Berhanu Nega, à l’époque maire élu d’Addis Abeba, ont discuté de cette question. Nega était sorti de prison croyant que la lutte armée est la seule manière de parvenir au pouvoir politique en Ethiopie. Mideksa s’est opposée avec véhémence à cette idée. Nega est aujourd’hui aux Etats-Unis, dirigeant le Ginbot 7, un nouveau parti politique.
Une partie de l’opinion publiée dans Addis Neger’, le plus grand hebdomadaire en Amharic, en réaction à l’ultimatum du gouvernement, a affirmé que les actions du gouvernement donneraient raison à Nega.
« Le gouvernement est en train de nous réduire totalement à néant », déclare le professeur Beyene Petros, député de l’opposition et président des Forces démocratiques unies éthiopiennes. « Le parti au pouvoir qui est d’abord arrivé par un coup d’Etat est en train de dire indirectement à l’opposition de faire de même; que obtenir le pouvoir par les urnes est impossible ».
Le vieux politicien voit le pays en train de reculer en termes de création d’un paysage politique compétitif. « La porte qui était à moitié ouverte pendant les élections de 2005, est totalement fermée maintenant », a-t-il dit.
Petros n’est pas le seul leader de l’opposition qui a une image sombre de ce qui doit arriver. L’ingénieur Gizachew Shiferaw, vice-président de l’UDJ de Mideksa, partage son inquiétude. « L’arrestation de Mideksa est un signe d’intimidation clair », a-t-il confié à IPS. « Nous participerons seulement à la prochaine élection si elle est libre et équitable ».
L’incarcération d’une mère a exacerbé l’impasse politique actuelle entre l’opposition et le gouvernement avec des critiques officielles de dénigrement. L’opposition insiste que son arrestation fait partie d’un plan du parti au pouvoir pour créer une suprématie de parti unique dans le pays, évitant le système de multipartisme.
Le gouvernement rejette les déclarations de l’opposition selon lesquelles le parti au pouvoir est en train de saboter le système de multipartisme.
« Son arrestation est légale et non politique », affirme le ministre de la Justice.
Mais la décision de plusieurs leaders importants de l’opposition de l’Ethiopie de rester en dehors du pays indique l’espoir pâlissant qu’une opposition pacifique portera de fruit. La plupart de ceux qui restent dans le pays espèrent très peu des élections nationales l’année prochaine.
La crainte est qu’un nombre croissant peut décider plutôt de suivre la voie de la lutte armée comme l’a fait l’OLF depuis des années.