11/03/09 (B489) Le journal de la Flibuste. La Cour d’appel de Paris doit rendre son verdict sur la demande d’annulation à l’encontre des pirates arrêtés par les forces françaises au moment de la libération du Ponant. (2 articles en Français)
_______________________________ 2 – AFP
Ponant: les pirates somaliens présumés se disent victimes d’une détention illégale
Détenus pendant cinq jours à bord d’une frégate française hors de tout cadre légal et en violation de leurs droits fondamentaux selon leurs avocats, les pirates somaliens, auteurs présumés de la prise d’otages du Ponant, demandent l’annulation des poursuites.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a examiné mardi cette requête en annulation déposée par les avocats des six pirates présumés, en détention provisoire dans des prisons françaises depuis 11 mois. Elle a mis sa décision en délibéré au 6 avril, selon les avocats.
Ces hommes ont été capturés le 11 avril 2008 par des forces spéciales françaises en territoire somalien alors qu’ils prenaient la fuite à bord d’un 4X4 peu après avoir libéré contre rançon les trente membres d’équipage du Ponant. Ce voilier de luxe français de la CMA-CGM avait été détourné une semaine auparavant alors qu’il croisait dans le golfe d’Aden.
Les membres de cette milice de mer, âgés de 22 à 47 ans, ont ensuite été transférés et détenus pendant cinq jours à bord de la frégate Jean-Bart.
Ce n’est que le 16 avril que les six hommes, transférés par avion depuis Djibouti, sont formellement remis à la justice à leur arrivée à Paris: placés en garde à vue, ils sont mis en examen et incarcérés deux jours plus tard.
Poursuivis notamment pour "arrestation et séquestration de plusieurs personnes comme otages en vue d’obtenir une rançon" en bande organisée, ils encourent la réclusion à perpétuité.
Si l’interpellation en territoire somalien a été autorisée par les autorités locales, la détention à bord d’un navire militaire français s’est effectuée en toute illégalité, plaident leurs avocats.
Pendant ces cinq jours, "on les a privés de toute liberté sans aucun cadre légal", estime Me Timothée Phélizon.
Un avocat s’exprimant sous couvert de l’anonymat a pour sa part dénoncé une "lettre de cachet" à l’encontre des six Somaliens.
"Ils ont été retenus indépendamment de toute autorité judiciaire, leurs droits fondamentaux n’ont pas été respectés", plaide Me Romain Ruth.
"Pendant ces cinq jours, il n’y a eu aucun contrôle, alors pourquoi pas un mois, deux mois ou trois mois?" s’interroge-t-il.
Sans évoquer formellement le spectre de Guantanamo, l’avocat dénonce "le pouvoir de l’exécutif qui permet d’écarter les voies de droit classique pendant une période indéterminée".
"C’est choquant mais ce n’est pas illégal", estime Me Olivier Metzner? l’avocat de la CMA-CGM, partie civile dans l’enquête. Jurisprudence de la Cour de cassation à l’appui, il affirme que "la procédure pénale française ne s’applique que sur le territoire, il n’y a aucun problème là-dessus".
Sur le navire, les Somaliens faisaient l’objet d’une rétention administrative, avait à l’époque affirmé le parquet de Paris.
Le parquet général considère pour sa part que les six Somaliens ont été pris en charge selon les règles de procédure pénale dès leur arrivée sur le territoire et que la justice n’a pas à connaître des faits qui se sont passés avant leur arrivée à Paris, rapportent les avocats.
Pour Me Phélizon, cette affaire est "un défi à l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif". "La fin ne justifie pas les moyens", dit-il.
La semaine passée, confrontée à un casse-tête juridique sur le sort à réserver à neuf pirates somaliens interceptés dans le golfe d’Aden, la justice allemande a préféré se dessaisir et les transférer vers le Kenya.
_______________________________ 1 – Nouvel Obs avec AP
Pirates du "Ponant": décision le 6 avril sur la validité de la procédure
La cour d’appel de Paris se prononcera le 6 avril sur la demande d’annulation de la procédure judiciaire suivie contre six pirates somaliens, mis en examen et incarcérés depuis avril dernier pour leur participation présumée à la prise d’otage de l’équipage du voilier "Le Ponant, a-t-on appris mardi de source judiciaire. Leurs avocats la jugent illégale.
Le ministère public s’est opposé à cette demande, estimant que la décision d’engager les forces militaires françaises en Somalie s’analyse comme un acte de gouvernement, qui ne relève pas du contrôle de l’autorité judiciaire.
Les six Somaliens ont été arrêtés le 11 avril 2008 en territoire somalien par l’armée française et, sont arrivés le 16 avril à Paris où ils ont été placés en garde à vue. Ils ont ensuite été présentés à un juge d’instruction qui les a mis en examen le 18 pour "arrestation et séquestration de plusieurs personnes comme otages en vue d’obtenir une rançon commise en bande organisée". Aucun d’eux n’était présent mardi devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Les avocats de la défense contestent notamment la légalité de la détention de ces six personnes par l’armée française, avant qu’elles soient remises aux autorités judiciaires. Ils considèrent qu’ils ont été privés de leurs droits les plus élémentaires avant d’être placés en garde à vue.
En décembre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé d’une année supplémentaire une mesure autorisant les pays tiers à entrer dans les eaux territoriales somaliennes, et à utiliser "tous les moyens nécessaires" pour déjouer les actes de piraterie en mer. En vertu de la résolution adoptée à l’unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité, presque tous les pays ont le droit d’intervenir contre les pirates au large des côtes somaliennes.
Six autres pirates somaliens, arrêtés en septembre 2008, ont été transférés en France et mis en examen pour avoir pris en otage et retenus deux Français sur leur voilier dans le golfe d’Aden.