10/11/09 (B524) Yémen Express (10 articles en Français)

_____________________________ 10 – Le Monde

Yémen : un jeune dirigeant conteste le président

Cheikh Hamid reçoit volontiers à Sanaa dans sa vaste demeure installée dans le quartier des puissants. Hadda Madina s’étend au pied les montagnes ocre qui enserrent la capitale. Des murailles y protègent des regards les palais, qu’on devine de belle taille, des grands noms du pays. Pour préserver l’intimité des jardins intérieurs, ces murs sont rehaussés çà et là de paravents métalliques.

Cheikh Hamid y est en bonne compagnie, à côté du chef militaire de la région nord ravagée par la guerre de Saada, Ali Mohsen Al-Ahmar, non loin du vaste complexe d’un marchand d’armes, Farez Mana. On accède au cheikh après avoir reçu l’agrément de gardiens scrupuleux, conformément à un dispositif aussi défensif que le discours du maître des lieux est tourné vers l’attaque. Avec une cible à la hauteur de son ambition : le président Ali Abdallah Saleh.

La liberté de ton est affaire courante dans le huis-clos des maquils, ces réunions, entre gens de la bonne société de Sanaa, où l’on mâche longuement des feuilles de qat.

Cheikh Hamid, 40 ans, ne s’embarrasse pas de circonlocutions pour dire publiquement tout le mal qu’il pense des choix politiques de l’homme fort du Yémen, « patron » du nord du pays depuis 1978 et du Yémen unifié depuis 1990, dont l’instinct sans pareil a longtemps expliqué l’incroyable longévité dans un pays où la politique se calque souvent sur ses reliefs tourmentés et rocailleux.

Il est vrai que cheikh Hamid Ben Abdallah Al-Ahmar n’est pas le premier venu. Son père Abdallah Al-Ahmar, décédé en 2007, avait traversé avec panache près de quatre décennies faites d’assassinats politiques et de guerres intestines avant d’être terrassé par la maladie. Chef de la grande confédération tribale des Hashid, son appui avait été déterminant lorsqu’un jeune militaire, le président actuel, avait accédé au pouvoir.

Les deux hommes avaient ensuite chevauché les années de conserve, sans jamais pour autant aliéner leur liberté, gérant leurs différends épisodiques avec un savoir-faire consommé. Le chef tribal, fondateur du parti islamiste Al-Islah (la réforme), avait ainsi conservé sa fonction de président du Parlement en dépit de la défaite de sa formation aux élections de 1997, rangée depuis dans l’opposition.

Une autre époque, car pour son fils, le cheikh Hamid, rien ne vaut désormais l’offensive sabre au clair. « Le Yémen mérite mieux » qu’un régime devenu, selon lui, « une source de danger ». « Le président a concentré tous les pouvoirs dans ses mains, il ne délègue rien et ne veut pas admettre qu’il échoue » dans sa guerre contre les miliciens du chef rebelle Abdel Malik Al-Houthi, dans le nord du pays, comme dans les affaires courantes du pays, assure cet homme trapu aux gestes vifs, qui porte selon la tradition yéménite un large poignard d’apparat plaqué sur l’abdomen.

La joue gonflée par les tendres feuilles de qat, il dévide son argumentaire, calé sur les coussins du salon dans lequel il reçoit les visiteurs, couvé du regard par le rédacteur en chef du journal du parti islamiste. « Autrefois, mon père et d’autres avaient une influence, le président écoutait, mais cette époque est révolue. Les règles républicaines ne sont plus respectées et le président se contente de dire : c’est moi ou la Somalie, moi ou Al-Qaida, moi ou l’Iran. La seule chose qu’il pourrait écouter à la rigueur, c’est la recette pour se maintenir au pouvoir », assène-t-il.

Très en verve, le cheikh va jusqu’à considérer que l’aide des pays étrangers au Yémen, l’un des plus pauvres au monde, parce qu’elle bénéficie aussi au président, « ne rend pas service aux Yéménites ».

Décidé à se faire entendre, le cheikh, député du parti Al-Islah, compte parmi les animateurs d’un « dialogue national », ouvert aux forces vives du pays et qui doit théoriquement faire émerger une alternative dans le courant de l’année prochaine. Car le cheikh n’a plus confiance dans les soubresauts d’un système électoral sur lequel, selon lui, le pouvoir pèse de tout son poids. La décision du président, au printemps, de repousser de deux ans les élections législatives avait d’ailleurs été interprétée comme le signe de la volonté d’en découdre pendant cette période avec les houthistes.

Le dialogue prôné par le cheikh doit en principe être ouvert aux rebelles comme aux principaux porte-parole de la contestation qui se développe également dans le sud, quinze ans après la guerre civile qui avait mis fin à une tentative de sécession des cadres de l’ancien Yémen socialiste.

A l’en croire, depuis sa dernière entrevue infructueuse avec le président, en mai, les ponts sont rompus. Non sans quelques conséquences, selon ses propres dires, sur les affaires du nouveau trublion. En marge de la politique, ce dernier s’est en effet taillé un petit empire dans les secteurs des télécommunications, de la banque, de l’industrie, des cimenteries et du tourisme, empire qui ne se limite pas, prend-il soin de souligner, aux frontières du Yémen.

A dire vrai, comme le souligne avec un peu d’ironie une figure de l’opposition qui oeuvre à ses côtés, cheikh Hamid ne manque pas de relais auprès du président grâce à sa nombreuse et influente fratrie. Si son frère aîné, Sadeq, a repris, comme le veut la coutume, les fonctions tribales de son père, au moins quatre autres Ahmar gravitent autour du système présidentiel, y compris, selon ce responsable, dans sa garde personnelle. « Ce qui est presque certain, commente un journaliste indépendant, c’est que Hamid a plus d’avenir politique que l’opposition elle-même. »

Gilles Paris

_____________________ 9 – AFP

Yémen: l’Arabie saoudite poursuivra ses raids jusqu’au repli des rebelles

L’Arabie saoudite poursuivra ses raids contre les rebelles yéménites jusqu’à leur repli « à des dizaines de kilomètres de la frontière » commune, a affirmé mardi le ministre-adjoint de la Défense, le prince Khaled Ben Sultan Ben Abdel Aziz.

« Nous n’arrêterons les frappes aériennes que lorsque les (rebelles) houthis se replieront à des dizaines de kilomètres de la frontière », a déclaré le prince Khaled lors d’une tournée d’inspection des troupes saoudiennes près de la localité frontalière de Khobah.

Il semble confirmer l’affirmation par les rebelles zaïdites, connus aussi comme des houthis, selon laquelle l’armée saoudienne mène ses raids en territoire yéménite.

Cette rébellion chiite a affirmé plus tôt dans la journée que des avions de combat saoudiens avaient repris leurs raids dans le nord du Yémen, tuant deux femmes et blessant un enfant qui se trouvaient dans une maison touchée par une bombe.

Le prince Khaled a par ailleurs affirmé que son gouvernement ne permettrait le retour dans leurs foyers des Saoudiens ayant fui les combats que « lorsque nous serons certains que leurs régions sont sûres et qu’il n’y a plus d’infiltrations de la part des bandes » rebelles.

L’Arabie saoudite est intervenue ouvertement le 3 novembre dans la guerre en cours depuis le 11 août entre les rebelles zaïdites, une branche du chiisme, et l’armée yéménite, après la mort d’un garde-frontière saoudien tué par des rebelles qui s’étaient infiltrés à Jebel al-Doukhan, une région montagneuse à cheval sur l’Arabie saoudite et le Yémen.

_____________________ 8 – Le Figaro avec AFP

Al-Qaida fustige la « menace » chiite

Le chef d’un groupe lié à al-Qaida dans le Golfe met en garde la communauté musulmane contre la « menace » chiite, plus importante selon lui que celle des juifs et des chrétiens, selon un centre de surveillance des sites islamistes.

« La menace (des chiites) contre l’islam et son peuple est bien plus importante que celle des juifs et des chrétiens », affirme dans un enregistrement sonore Mohammed ben Abdel Rahmane al-Rachid, à la tête du groupe al-Qaida dans la péninsule arabique (AQAP), selon le SITE Intelligence group.

« Nous appelons la nation à être aux côtés des (sunnites) avec tous leurs moyens contre le danger de l’Iran et des fidèles à la foi (chiite) dans la région », ajoute-t-il dans cet enregistrement de plus de 20 minutes.

« Ne voyez-vous ni n’entendez-vous les aspirations des Houthis au Yémen et leur incursion contre les sunnites? » dit-il, en allusion aux rebelles chiites menés par Abdelmalek al-Houthi, cibles d’une offensive gouvernementale dans le nord du Yémen.
Il accuse les chiites d’avoir facilité les interventions américaines en Afghanistan et en Irak. « Ils (les chiites) sont menés par la cupidité pour prendre le pouvoir dans les pays musulmans et veulent annihiler les sunnites ».

Les sunnites, courant dont est issu le chef du réseau extrémiste al-Qaida, Oussama ben Laden, sont au pouvoir dans l’ensemble des pays de la région, sauf en Iran et en Irak.

_____________________ 7 – France Diplomatie

Yémen : incursions sur le territoire saoudien de la rébellion houthiste (9 novembre 2009)

Nous avons pris connaissance avec beaucoup de préoccupation des incursions sur le territoire saoudien de la rébellion houthiste à partir du Yémen et des violences qui ont suivi et qui ont fait plusieurs victimes au sein des forces de sécurité saoudiennes.

Nous condamnons avec fermeté toute violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Arabie saoudite.

S’agissant du conflit qui se poursuit au Yémen, nous réaffirmons par ailleurs notre appel à l’arrêt immédiat des combats et à un règlement politique qui permette le rétablissement de la paix, de la stabilité et de l’autorité de l’Etat yéménite sur l’ensemble de son territoire.

______________________ 6 – 24 heures

Yémen: nouveaux raids saoudiens selon les rebelles, silence à Sanaa

Les rebelles chiites yéménites ont fait état de nouveaux raids aériens saoudiens lundi contre leurs positions à l’intérieur du Yémen, tandis que Sanaa maintenait le silence sur les opérations militaires à la frontière avec l’Arabie saoudite.

Pour sa part, un responsable saoudien a affirmé que les forces du royaume avaient réduit l’intensité de leur assaut après avoir atteint leur objectif et qu’elles avaient capturé « des centaines » de rebelles zaïdites.

« Les raids aériens saoudiens ont repris ce matin peu après 08H00 (05H00 GMT). Les avions de combat saoudiens ont mené dimanche soir d’intenses raids contre les zones frontalières en territoire yéménite », a déclaré à l’AFP le porte-parole des rebelles, Mohammad Abdel Salam, contacté au téléphone.

Selon lui, ces raids visent depuis dimanche « Malahidh, située à 7 kilomètres (de la frontière), des villages frontaliers dont Hassameh et Chida, ainsi que plusieurs villages autour de Jebel al-Doukhan », une région montagneuse à cheval entre le Yémen et l’Arabie saoudite.

« L’armée saoudienne a utilisé dans ses raids nocturnes des bombes au phosphore, incendiant des régions montagneuses », a affirmé le porte-parole.

A Ryad, un conseiller du gouvernement saoudien ayant requis l’anonymat a démenti ces informations. « Nous avons simplement utilisé des fusées éclairantes », a-t-il dit à l’AFP.

Il a par ailleurs indiqué que les forces saoudiennes avaient réduit leurs opérations après avoir atteint leur objectif. « Les bombardements intensifs (saoudiens) sur la région ont pris fin. Des unités tactiques sont actuellement déployées et nous voulons être sûrs qu’ils (les rebelles) ont été neutralisés », a-t-il dit.

Il a assuré que les rebelles avaient essuyé « des lourdes pertes » dans leurs rangs et indiqué que les Saoudiens avaient capturé un grand nombre d’entre eux.

« Au cours des dernières 48 heures, beaucoup d’entre eux se sont rendus (…) ils se comptent par centaines », a-t-il dit.

L’Arabie saoudite était intervenue ouvertement le 3 novembre dans la guerre en cours depuis le 11 août entre les rebelles zaïdites, une branche du chiisme, et l’armée yéménite, après la mort d’un garde-frontière saoudien tué par des rebelles qui s’étaient infiltrés à Jebel al-Doukhan.

« Nous sommes toujours présents à Jebel al-Doukhan », a dit le porte-parole des rebelles, démentant les affirmations de Ryad qui a annoncé avoir repris le contrôle de cette zone.

Selon un bilan saoudien provisoire, les combats à la frontière se sont soldés par sept morts saoudiens, dont trois militaires.

Le ministre adjoint saoudien de la Défense, le prince Khaled ben Sultan, avait reconnu samedi que quatre de ses soldats étaient portés disparus à la frontière, soulignant cependant qu’ils n’avaient pas été capturés.

Par ailleurs, les rebelles ont fait état de plusieurs attaques de l’armée yéménite contre leurs positions dimanche.

Selon un communiqué de la rébellion, ces attaques ont eu lieu à Harf Sufyan, à 70 km au nord de Sanaa et autour de leur fief de Sadaa, à 240 km au nord de la capitale.

Le communiqué posté sur le site internet des rebelles est accompagné de vidéos montrant des soldats en train de courir sous des tirs nourris. Il s’agit, selon eux, de soldats saoudiens fuyant le combat.

Pour la deuxième journée consécutive, l’armée yéménite n’a pas donné de détails sur les opérations militaires dans le nord du pays hormis une mise au point dimanche affirmant qu’un avion de combat que les rebelles disent avoir abattu s’est écrasé en raison d’une défaillance technique.

Il s’agit du troisième avion que les rebelles disent avoir touché et abattu et que les autorités yéménites affirment avoir perdu en raison d’ennuis techniques

______________________ 5 – Le Monde

Les faits L’armée saoudienne continue ses raids aériens contre les rebelles yéménites

Guerre pratiquement sans images, celles contrôlées par les autorités yéménites et les rebelles mises à part, mais elles sont invérifiables, la guerre de Saada est également une guerre sans bilan. Cette carence vaut tout d’abord pour les pertes humaines, qu’il s’agisse de la question hautement sensible pour le pouvoir des militaires tués sur le front, des rebelles, mais également des civils. Interrogé sur ce point, le vice-premier ministre chargé de la sécurité, Rashad Al-Aleimi, se refuse ainsi à la moindre estimation. Au terme des cinq phases précédentes, le chiffre de 10 000 morts était régulièrement avancé.

L’ignorance prévaut tout autant à propos de la situation des civils piégés par les combats ou sur l’ampleur des destructions accélérées ces derniers mois par l’utilisation intensive des bombardements aériens par l’armée yéménite. Selon les organisations humanitaires des Nations unies, la guerre du Nord, au cours de ses phases successives, a provoqué au total le déplacement forcé de plus de 170 000 personnes. « La majorité de ces déplacés se trouve en dehors de la dizaine de camps ouverts pour la circonstance et se déplace sur de petites distances en fonction des combats », assure un observateur, qui précise que l’ouverture de points de distribution de nourriture crée des afflux de déplacés difficilement maîtrisables.

Gian Carlo Cirri, responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) à Sanaa, estime qu’en dépit de l’intensité croissante des combats, l’accès aux déplacés s’est amélioré au cours des derniers mois, dans un contexte cependant compliqué à la fois par le relief montagneux et par les complexes mécanismes tribaux. Les obstacles rencontrés par les personnels humanitaires se sont accentués au fil des mois, surtout après l’enlèvement près de Saada, en juin, avant la reprise des combats à la mi-août, d’un groupe d’étrangers, dont un coopérant allemand et sa famille, installée de longue date sur place. Les corps de trois membres de ce groupe avaient été retrouvés après avoir été exécutés. Le sort des six autres captifs reste inconnu. Les autorités yéménites ont accusé la rébellion houthiste, qui a nié toute implication dans cet enlèvement comme dans les exécutions.

Environ un tiers des ressources du PAM pour le Yémen est désormais consacré aux déplacés du Nord. Car cette guerre frappe un pays où la malnutrition chronique ou aiguë atteint déjà des records.

Gilles Paris

______________________ 4 – Courrier international

Le ton monte avec Téhéran à propos du Yémen

L’opposition descend dans la rue à Téhéran « Un soldat saoudien tué à la frontière yéménite, onze autres blessés », titre le quotidien saoudien Al-Watan. Il aurait été tué par des rebelles agissant au Yémen. C’est la première fois que ce conflit déborde les frontières. Rien ne permet de savoir si ce sont les rebelles qui ont pénétré sur le territoire saoudien ou si ce sont les soldats saoudiens qui ont fait une incursion en territoire yéménite. Cette rébellion resurgit par intermittence depuis 2004 et connaît une escalade depuis quelques semaines. Elle oppose les Houthistes du nord du pays aux forces du gouvernement central d’Ali Saleh.

La situation ressemble de plus en plus à une guerre par procuration entre Riyad et Téhéran, la presse saoudienne du 5 novembre n’hésitant pas à parler d' »assaut des agents de l’Iran contre la frontière ». Les Saoudiens accusent les Iraniens de vouloir étendre l’influence chiite dans la région en fournissant armes et argent aux rebelles, tandis que les Iraniens reprochent aux Saoudiens de soutenir le régime yéménite d’Ali Saleh et de vouloir exporter la doctrine wahhabite. Les revendications de la rébellion houthiste sont à la fois sociales, régionales et identitaires, la zone qu’elle contrôle autour de Saada, particulièrement enclavée, constitue le bastion historique du zaïdisme, une branche du chiisme. Ils reprochent au président yéménite Ali Saleh, lui-même zaïdite, de permettre aux Saoudiens d’étendre leur influence dans le pays.

Cette escalade de la tension entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pourrait s’exacerber à la fin du mois, à l’occasion du grand pèlerinage. Les Saoudiens craignent que la présence des pèlerins iraniens à La Mecque donne lieu à des provocations confessionnelles. Ils viennent de publier des communiqués qui appellent les pèlerins au devoir de réserve, communiqués déjà dénoncés comme provocateurs par les Iraniens.

______________________ 3 – Le Monde

Yémen : la guerre à la frontière saoudienne s’intensifie

De rares portraits de soldats, chahids (martyrs) tombés au combat, affichés à l’arrière de voitures, les brefs rugissements des Mig-21 en partance pour les positions des rebelles, quelques points de contrôle militaires dressés la nuit tombée sur les axes principaux de la ville, la guerre du Nord se fait discrète à Sanaa. Le huis clos imposé par les autorités yéménites, qui interdisent au nom de la sécurité l’accès aux provinces montagneuses frontalières de l’Arabie saoudite qu’elle a pour théâtre, continue de faire son oeuvre.

Al-Qaida revendique un attentat au Yémen

Quatre ans après son déclenchement dans la région de Saada, cette guerre entrecoupée de trêves ne cesse de gagner en intensité. Elle menace de gangrener un Etat dont la population, surarmée par tradition, compte parmi les plus pauvres de la planète, et où un puissant système tribal n’a de cesse de défier le pouvoir central incarné par le président Ali Abdallah Saleh.

Le 4 novembre, les combats qui ont repris à la mi-août se sont étendus pour la première fois en territoire saoudien. Accusés d’avoir attaqué une patrouille et tué un soldat au cours d’une incursion au-delà de la frontière, les fidèles du chef rebelle Abdel Malik Al-Houthi ont été la cible d’une offensive de l’armée du puissant voisin. Une escalade qui ne fait qu’officialiser le soutien de l’Arabie saoudite au président Saleh. La rébellion houthiste dénonce depuis longtemps l’autorisation accordée aux chasseurs-bombardiers yéménites d’utiliser l’espace aérien du royaume pour tenter de la prendre à revers.

Samedi 7 novembre, le président yéménite, coutumier des formules à l’emporte-pièce, s’est engagé à en finir au plus vite avec les rebelles, affirmant que les opérations militaires menées au cours des cinq phases précédentes n’étaient qu’un « échauffement ».

« Encercler les rebelles »

Energique et sobre, le vice-premier ministre chargé du secteur stratégique de la sécurité, Rashad Al-Aleimi, qui reçoit dans un bureau austère au coeur de la capitale yéménite, se montre plus prudent. « Il va nous falloir du temps, l’objectif est d’encercler les rebelles, d’empêcher leur ravitaillement en armes, de les affaiblir au point qu’ils seront obligés de s’arrêter, assure-t-il. Nous, nous voulons la paix, mais ils ont toujours refusé les mains tendues. » Pour le vice-premier ministre, il ne fait pas de doute que la rébellion houthiste « a un agenda iranien ». « Ce qu’elle veut, dit-il, c’est se tailler un territoire entre les Saoudiens et nous, avec un accès à la mer, exactement comme le Hezbollah libanais », dans une zone particulièrement stratégique qui permettrait d’étendre l’influence iranienne au Moyen-Orient.

Alors que les autorités ont fait grand cas, le 26 octobre, de l’arraisonnement en mer Rouge d’un navire iranien chargé d’armes destinées, selon elles, aux rebelles, M. Aleimi assure ne pas disposer d’éléments permettant d’accuser directement Téhéran. Dans les cercles du pouvoir, certains affirment en revanche être convaincus de la présence de houthistes dans les camps d’entraînement du Hezbollah, notamment pendant la guerre contre Israël, à l’été 2006.

Il n’était pourtant question ni de Riyad ni de Téhéran en 2005, lors de la tentative d’arrestation d’un ancien député influent, Hussein Al-Houthi, qui a déclenché la guerre de Saada. Ce dernier était alors accusé d’alimenter des tensions confessionnelles entre la communauté zaïdite dont il était issu (une forme particulière du chiisme) et un courant salafiste qu’il jugeait agressif et encouragé par le pouvoir. Le président Saleh était également indisposé par les slogans hostiles aux Etats-Unis et à Israël clamés par les houthistes.

Un haut responsable yéménite, issu d’une grande famille du pays et s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, juge fondée la thèse selon laquelle Hussein Al-Houthi visait la restauration d’un pouvoir à la fois politique et spirituel millénaire, l’imamat, mis à bas dans les années 1960 avec l’instauration de la république au Yémen du Nord. Après la mort au combat de Hussein, en 2005, le flambeau a été repris par son frère Abdel Malik, et la guerre du Nord s’est enkystée.

La perpétuation de combats de plus en plus destructeurs et leur extension aux provinces proches de celles de Saada font que la guerre semble désormais alimentée par sa propre dynamique, nourrie par une somme d’intérêts convergents. Tout d’abord les dissensions entre deux grandes confédérations tribales, les Bakil et les Hashid, ces derniers étant traditionnellement proches du pouvoir. Puis l’essor d’une économie de guerre, avec une dimension parfois baroque lorsque l’un des plus importants des nombreux marchands d’armes du Yémen, Fares Manna, figure parmi les personnalités chargées des médiations entre les houthistes et les autorités. Haut responsable d’une formation zaïdite, le Parti du droit, Hassan Zeid, qui reçoit dans son mafraj (salon) au coeur de la vieille ville de Sanaa, juge enfin que si les houthistes « se battent pour se défendre parce que c’est leur seul moyen de survie », la guerre permet accessoirement au président d’affaiblir le responsable militaire de la région Nord, le puissant Ali Mohsen Al-Ahmar, pour le plus grand profit de son propre fils Ali Ahmad, chef des forces spéciales et de la garde républicaine, qu’il promet à un brillant avenir.

Pour le professeur en sciences politiques Mohammed Abdel Malek Al-Moutawakil, militant pour les droits de l’homme proche de l’opposition, la guerre du Nord est avant tout un symptôme, celui de la dérive d' »une culture autoritaire concentrée dans la personne du président ». Un sentiment partagé par certains dignitaires, pourtant très virulents vis-à-vis de la rébellion houthiste, qui s’inquiètent tout autant des tensions enregistrées depuis des mois dans le sud du pays, ancien bastion socialiste, et de l’annonce de la restructuration au Yémen, au début de l’année, de l’organisation « Al-Qaida en Péninsule arabique ».

Gilles Paris

_______________________ 2 – Le Monde diplomatique

Extension de la guerre au Yémen

Ce lundi 9 novembre, les bombardements saoudiens ont repris contre les rebelles au Yémen. D’autre part, des combats se sont déroulés à la frontière entre les deux pays, faisant au moins sept morts saoudiens, dont trois militaires.

La révolte huthiste s’est développée depuis plusieurs années parmi la population zaydite (une des branches du chiisme). Sanaa comme Riyad accusent l’Iran d’être derrière les rebelles.

_______________________ 1 – Libération avec AFP

L’armée saoudienne continue ses raids au Yémen

Les chasseurs saoudiens visent la rébellion zaïdite yéménite, désignée responsable de l’attaque d’un poste-frontalier entre les deux pays.

L’armée saoudienne a poursuivi lundi ses raids aériens contre des positions de la rébellion zaïdite (le zaïdisme est une branche du chiisme) à la frontière avec le Yémen, a annoncé le porte-parole de cette rébellion, affirmant que les raids visaient des cibles à l’intérieur du territoire yéménite.

«Les raids aériens saoudiens ont repris ce matin peu après 08h00. Les avions de combat saoudiens ont lancé dimanche soir d’intenses raids contre les zones frontalières en territoire yéménite», a déclaré à l’AFP le porte-parole, Mohammad Abdel Salam, contacté au téléphone.

Selon lui, ces raids visent depuis dimanche «Malahidh, située à quelque 7 kilomètre, des villages frontaliers dont Hassameh et Chida, ainsi que plusieurs villages autour de Jebel al-Doukhan», une région montagneuse à cheval entre le Yémen et l’Arabie saoudite.

«L’armée saoudienne a utilisé dans ses raids nocturnes des bombes au phosphore, incendiant des régions montagneuses» sur le front de guerre, a affirmé le porte-parole, qui avait déjà accusé les Saoudiens de recourir à ce type de bombes dans leur campagne contre les rebelles yéménites.

Ryad affirme avoir lancé cette campagne en représailles à une attaque mardi des rebelles d’un poste-frontalier à Jebel al-Doukhan au cours de laquelle un garde-frontière saoudien est mort et 11 ont été blessés.