14/03/10 (B542) FreeDjibouti -> Rien n’est encore perdu

Par FreeDjibouti

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Je souhaite partager avec vous une évaluation de l’impasse dans laquelle se trouve notre pays et vous faire part de mes espérances pour la refondation. Jamais dans notre histoire commune, nous n’avons été confrontés à une telle violence systémique avec des rêves brisés, des espoirs trahis, des vies volées, des destins confisqués; tout se passe comme si le peuple djiboutien était condamné à une fatalité qui lui coupe les ailes et rend illusoire toute aspiration à une vie décente. Je m’inscris contre ce destin de résigné !!!…Rien n’est perdu.

Djibouti a besoin d’un nouveau leadership pour entrer dans la modernité.

Le monde qui s’ouvre devant nous est plein d’opportunités et d’incertitudes. Il requiert un nouveau type de leadership et de gouvernance capables d’anticiper et de mobiliser la société autour d’une vision orientée vers l’amélioration des conditions de vie des citoyens.

En effet, la concurrence entre les nations sera de plus en plus féroce. Les certitudes du passé sont aujourd’hui bousculées par la persistance de la pauvreté de masse dans nos pays, la crise économique et alimentaire au niveau international, la guerre pour le contrôle des matières premières, les bouleversements technologiques et démographiques ainsi que la montée en puissance des diasporas, et l’émergence de l’Asie comme pôle incontournable de la mondialisation.

Au moment où une nouvelle génération de leaders émerge partout dans le monde pour mieux faire face aux défis d’un monde en perpétuelle mutation, notre pays ne saurait poursuivre son enracinement inexorable dans le passé sous la férule de la génération entrée dans la vie publique au lendemain des indépendances.

A son actif, cette génération a su préserver notre pays des conflits qui ont ravagé nombre de pays africains. Malgré l’espoir suscité par Guelleh lors de son accession à la présidence en 1999, le pays a fait un grand bond en arrière.

Compte tenu de son incapacité à enclencher le développement, la génération du Président Guelleh doit passer la main pour libérer les énergies créatrices et accroître les chances de modernisation du pays. En lieu et place des motions de soutien et des agapes pré-électorales dignes de l’époque stalinienne, nous souhaitons que s’affrontent dorénavant à Djibouti des projets de société mettant le citoyen et la jeunesse en particulier au cœur du développement économique et social.

Chaque génération a rendez-vous avec l’histoire. Nous devons prendre notre destin en main pour ensemble reconstruire Djibouti.

Donner des opportunités à la jeunesse

Permettez-moi avant de faire le point sur l’état de la nation, de jeter un regard sur cette jeunesse, celle de la majorité silencieuse que représentent des millions de jeunes djiboutiens qui n’exerceront jamais leur talent, car vivant dans une société aux critères de promotion sociale entièrement verrouillés, sans opportunités, ni perspectives de développement et rêvant en permanence d’exil pour se libérer de la misère.

Nombreux sont ceux qui à 30 ans révolus, bardés de diplômes, assoiffés de réussite n’ont jamais eu la chance de servir leur pays et pourront difficilement fonder une famille, en raison de la précarité de leur condition. Je pense en particulier aux vendeurs à la sauvette, aux étudiants, aux chômeurs et aux villageois démunis ainsi qu’à tous les jeunes désœuvrés dans les villes et campagnes. Pour redonner espoir à cette jeunesse, il est indispensable de remettre en marche, l’ascenseur social en transférant dans les autres domaines de la vie nationale, les valeurs de progrès et la reconnaissance du mérite.

Sortir de trois décennies de léthargie

Notre pays est à reconstruire après trois décennies de léthargie. La principale source du mal provient de notre dispositif institutionnel qui date d’une époque révolue. Reposant sur un système monocentriste fondé sur une hégémonie présidentielle qui écrase tous les autres pouvoirs, les institutions de la République sont dévoyées et destinées à servir d’instruments politiques pour mettre hors d’état de nuire toute voix discordante.

Les mécanismes de contrepouvoir, en l’occurrence, le système judiciaire, le parlement et les partis politiques ont été caporalisés. Nos libertés fondamentales et notre sécurité sont menacées au quotidien par une violence d’Etat qui a érigé l’arbitraire et l’intimidation en modes de gouvernement, au point de mobiliser occasionnellement les forces de troisième degré face à une population aux mains nues. Djibouti semble revenu aux heures sombres où des prisonniers politiques sont traités pire que de vulgaires brigands au mépris des règles de l’Habeas Corpus*.

Après avoir obtenu une réduction substantielle de la dette des différents organismes, Djibouti constitue une curiosité économique, avec une croissance anémique qui trouve ses origines dans le pilotage à vue et l’improvisation qui caractérisent les politiques publiques.

  • Le tissu économique est devenu exsangue à cause d’un environnement des affaires inadéquat, d’une pression fiscale insoutenable et du délabrement des infrastructures.
  • La consommation d’électricité par tête d’habitant et le pourcentage de routes bitumées sont largement inférieurs à la moyenne des pays à faible revenus. Incapable de créer des emplois, le Gouvernement recrute massivement dans la fonction publique et l’armée dans l’improvisation totale, sans tirer les leçons des errements du passé ayant conduit le pays dans l’ajustement structurel.

Pire, dans ces corps ossifiés depuis la période coloniale, il n’y a aucun plan de carrière pour les fonctionnaires et nos forces de défense dont beaucoup partent à la retraite sans avoir eu l’opportunité d’exercer la plénitude de leurs talents. Erigées en secret d’Etat, les revenus du port et de l’aéroport n’ont pas permis d’améliorer les conditions de vie des camerounais.

En raison de l’absence de politique de santé publique ambitieuse, les hôpitaux sont devenus de véritables mouroirs et l’espérance de vie des djiboutiens se rétrécit inexorablement. Gangrenée par la corruption et l’inadaptation aux défis du monde moderne, l’école de la République est aujourd’hui incapable de fournir à la nation les esprits éclairés et la masse critique de leaders et de main d’œuvre indispensables au développement. En matière d’emploi et d’accès aux Grandes Ecoles de la République, le RPP a institutionnalisé le népotisme en s’évertuant à faire la part belle aux enfants de la nomenklatura au détriment des djiboutiens de la base qui n’ont pour seule arme de mobilité sociale que le savoir et la soif de réussir.

Jadis respecté à l’étranger, notre pays a disparu de la scène internationale. Il n’est plus reconnu que pour son rang en matière de corruption et des faux rapports.

Toutes ces dérives se traduisent par la dégradation quotidienne des conditions de vie des populations, ainsi qu’en témoignent la paupérisation dans nos villes et nos campagnes.

A cet égard, mes pensées vont particulièrement vers tous nos compatriotes victimes de sinistres divers au cours de l’année écoulée en raison de la démission des pouvoirs publics de leurs missions régaliennes. Compte tenu de l’absence de clarté du recensement de la population, Djibouti ne saurait sereinement se projeter vers l’avenir, car il s’apparente à une famille qui élabore quotidiennement son budget sans savoir le nombre de personnes vivant sous son toit. La vérité est que si notre pays en est arrivé à ce niveau de recul, c’est principalement à cause d’un mode de gouvernance régressif et de notre passive complicité.

C’est dans ces conditions que s’annonce la troisième République. Le choix qui s’offre aux Djiboutiens est de savoir s’ils veulent –pour eux et leurs enfants- que les trente prochaines années soient un simple prolongement des trois dernières décennies marquées par la misère, l’exclusion, le culte de la médiocrité et l’absence d’opportunités pour un grand nombre.

La transition piégée

La route qui mène vers la troisième République est semée d’embûches. Au cours du mandat qui s achève, oubliant qu’il était le président de la Nation toute entière, le président de la République a renforcé le repli identitaire du régime. Dans l’histoire de Djibouti moderne, jamais un groupe n’avait concentré autant de leviers du pouvoir. Sous la première République, le Président FEU Gouled s’était entouré de fidèles, reflétant les composantes de la nation. La deuxième République a institutionnalisé le sectarisme dans la gestion de l’Etat.

Deux constats permettent d’étayer cette conclusion. En premier, le renouvellement des élites sous le RPP ne s’est opéré que dans l’aire géographique du président. Dans les autres provinces, le Président Guelleh s’est entouré de quelques caciques de sa génération cantonnés aux fonctions périphériques. En second, le président a confié les principaux leviers du pouvoir politique, économique et militaire aux ressortissants de son environnement géopolitique et surtout tribal, qu’il s’agisse des postes de souveraineté au gouvernement (Défense, Sécurité, Economie et Finances et Affaires Etrangères, etc) ou encore des principaux postes au sein des administrations centrales, de l’armée, de la police et des entreprises publiques. Ce népotisme institutionnalisé a eu un impact limité sur les conditions de vie des populations des provinces du Nord et du Sud.

Face aux desseins funestes du régime, nous avons probablement fatigué le ciel de nos imprécations. C’est maintenant qu’il faut s’organiser pour ne pas subir notre destin tel que concocté par le régime de Guelleh. Notre diversité fait notre richesse et notre force. Jamais, nous ne devons céder aux manipulations ou aux démons de la division d’ordre ethnique ou linguistique.

A un an des élections, l’opposition n’a pas présenté de plan d’action. Malgré la répression ambiante, les medias sont devenus aujourd’hui la source de contrepouvoir. Désabusée, la jeunesse espère secrètement le changement sans y croire et s’accommode de plus en plus de l’anomie qui a généralisé le mal-vivre dans toutes les couches sociales. En réalité, Il manque à ce grand mouvement d’espérance, l’incarnation d’un leadership assumé. Le président Guelleh croit à son destin. Je ne vois pas pourquoi, en ce qui nous concerne, nous ne croirons pas à notre pays. Contre la farce électorale qui se prépare pour bientôt, faites la mesure de votre engagement.

Au lieu de nous mettre discourir sans fin sur les manquements du RPP, nous devons nous poser la question de savoir ce que nous devons faire pour l’arrêter et proposer un projet d’alternance. Car Djibouti a besoin d’une ambition nationale pour un nouveau départ s’appuyant sur un souffle nouveau. (Je partagerai avec vous des propositions pour les chantiers de la Refondation de Djibouti dans un autre article)

La démarche du Changement

Il est temps de passer de la gestion de la pénurie à la création de richesses et du népotisme à la méritocratie. Il n’y a pas de Djibouti du Nord et celui du Sud. Il y a une seule nation avec un destin commun. Notre diversité constitue une richesse inestimable que nous transformer en réalité. Pour construire une nation prospère, solidaire, fière de sa diversité et offrant des opportunités à tous, il est indispensable de mettre un terme à l’expérience du RPP. Cela m’amène à partager avec vous la démarche du changement.

Le premier impératif est l’unité dans l’action. Nous devons, si vous le voulez bien, travailler au plus grand rassemblement jamais réalisé dans l’histoire politique de Djibouti. Pour ce faire, il est important d’aller au-delà des composantes actuelles de l’opposition pour englober les forces politiques et sociales, notamment la société civile, les intellectuels, les jeunes, les avocats, les artistes, les masses rurales et urbaines, les travailleurs des secteurs non structurés et toute la majorité silencieuse des camerounais, sans oublier la diaspora qui constitue un vecteur important du changement.

Le deuxième impératif à satisfaire porte sur la mise en place d’un projet politique alternatif. J’ai la ferme conviction que pour relever le défi de l’unité, il faut s’adosser sur un projet politique qui, dans son essence, doit marquer une véritable rupture.

Cette rupture par rapport à l’ère du RPP est un défi de gouvernance, celui de notre capacité à fonder l’action publique sur des valeurs et des principes partagés à partir desquels nous bâtissons l’élan collectif pour une prospérité partagée.

Pour ce faire, je propose que les forces du Changement lancent le plus tôt possible 2010, les Assises Nationales de la Refondation pour définir ensemble un projet alternatif sous la conduite d’un groupe de personnalités de l’intérieur comme de l’extérieur ayant une autorité morale et représentatif des composantes politique, économique, sociale et culturelle de Djibouti.

Il ne s’agit nullement de promouvoir un esprit revanchard ou de faire une chasse aux sorcières. Il s’agit plutôt de marquer une différence nette avec les motions de soutien par l’organisation d’une série de Tables Rondes ayant pour objectif de définir les politiques à mettre en œuvre dans les différents domaines de la vie nationale pour améliorer les conditions de vie des djiboutiens.

Compte tenu des spécificités de notre pays, il est indispensable de dédier un site internet aux Assises de la Refondation pour que des djiboutiens de l’intérieur et de la diaspora puissent apporter leur contribution au projet pour l’alternance. Une telle démarche doit s’appuyer sur une communication efficace en association avec les média et les artistes, ainsi qu’une mobilisation dans nos villes et campagnes pour sensibiliser les populations sur le changement et les aider à se faire enregistrer sur les listes électorales.

La capacité et la détermination des djiboutiens et de la jeunesse en particulier à défendre le droit de vote garanti par la constitution constitue un levier fondamental du changement. Je suis conscient des obstacles à surmonter sur le terrain et des moyens limités de nos compatriotes de l’intérieur. Je demeure néanmoins serein quant à notre capacité à réussir le changement, car le monde autour de nous est en pleine mutation.

L’usage démesuré de la force pourrait engager la responsabilité individuelle des mandataires et de leurs mandants auprès de la communauté internationale. Les ressources sont mobilisables, à condition de convaincre un grand nombre autour d’un dessein national.

Ce constat m’amène naturellement à réitérer à l’endroit de mes compatriotes vivant à l’étranger que le Djibouti a besoin de votre énergie, de votre intelligence et de votre action pour mener à bien le Changement. Mieux que quiconque, vous connaissez les difficultés que traverse notre pays.

Malgré vos multiples sacrifices pour subvenir aux besoins de vos familles restées à Djibouti, il n’y a aucune politique cohérente visant à améliorer durablement leurs conditions de vie, à faciliter votre intégration à Djibouti ou à vous permettre d’exercer pleinement vos droits de citoyens. En misant sur le Djibouti, nous pouvons avoir un meilleur impact pour nous-mêmes, nos familles et notre avenir commun.

Il est temps que nous mettions de côté nos égoïsmes et les clivages divers qui du reste sont la création du régime, pour nous mettre au service de notre cause commune: Djibouti. Pour ce faire, je travaille très étroitement avec nos compatriotes de l’Europe et envisageons de fédérer nos efforts en un forum de coordination des djiboutiens de l’étranger pour constituer une force de proposition, de lobbying et de mobilisation de ressources financières et humaines pour agir.

Je n’en doute pas, une démarche concertée autour des Assises Nationales de la Refondation pourrait tracer les sillons d’un espoir collectif par lequel notre pays sortira de l’impasse. Il faut vous en persuader et en convaincre tous les sceptiques afin que tous ensemble nous soyons pénétrés par la force invincible de l’espérance.

Car lorsque, de nouveau, le peuple djiboutien commencera à vivre avec espoir, il n’aura aucune peine à trouver l’énergie salvatrice qui permettra à notre pays de se réconcilier avec lui-même et de voir l’horizon d’un monde nouveau s’ouvrir pour tous ses citoyens, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes.

Je terminerai sur ceci :

On dit des Africains qu’ils ne sont pas prêts pour la démocratie, alors, en reprenant une formule déjà utilisée, je m’interroge : ont–ils jamais été prêts pour la dictature ? » Wole SOYINKA

Djiboutiennement

FreeDjibouti

freedjibouti@windowslive.com

http://afraissas.over-blog.com

*L’Habeas corpus Act est une loi (bill), votée par le Parlement anglais en 1679 sous le roi Charles II d’Angleterre, qui stipule que toute personne arrêtée par un puissant doit être présentée dans les trois jours devant un juge, qui peut décider de sa libération.