04/06/10 (B554) FreeDjibouti -> La corbeille de CRABES

Par FreeDjibouti

Retrouvez l’intégralité des chroniques
de FreeDjibouti : lien

On a souvent signalé la singularité de Djibouti: un pays d’hommes intrépides incarnant les prodromes de la fin de l’empire colonial français, leur avait-on aussi appris. Malgré l’évolution constatée depuis trente deux ans, cette singularité demeure fortement ancrée dans les esprits.

Si je reviens au rappel de ce fait, c’est pour que dans notre pays, les jeunes générations, deviennent plus réalistes dans leur approche de la marche du monde.

C’est pour qu’ils ne confondent pas la fable et la réalité. L’homme réaliste est celui qui connaît ses forces et ses faiblesses et peut aller de l’avant. Cela ne peut pas se produire pour ceux qui vivent dans la naïveté, le verbalisme tapageur et l’illusion.

La singularité (il y en a peut-être d’autres) que je viens d’indiquer nous a conduit à un immobilisme proprement djiboutien et sans équivalent dans la région Est-Africaine : deux Présidents de la République en trente deux ans, sans aucune contrepartie positive pour le pays. Les singularités djiboutiennes expliquent cette situation. Contre toutes apparences, les djiboutiens sont gens qui croient et s’accrochent à ce qu’on leur dit et pas à ce qu’ils peuvent concrètement constater.

Or le constat de nos trente deux années d’indépendance est globalement négatif.

C’est avec tristesse que n’importe quel djiboutien peut faire ce constat et on doit le faire. Cela ne constitue pas un dénigrement de notre pays que nous aimons tous j’en suis convaincu. Mais la thérapie qui consiste à voir Djibouti telle qu’elle est, peut nous aider à nous changer nous- mêmes pour changer Djibouti.

Notre pays et notamment ses dirigeants, depuis trente deux ans ressemblent à une corbeille de crabes. Tout le monde connaît ces crustacés qui marchent de côté au bord de l’eau. Pêchés et recueillis dans un panier, les crabes qui ont la vie dure, essaient chacun de remonter les parois du panier pour s’échapper en se gênant les uns et les autres et finissent par retomber tous au fond du panier.

Au sens figuré, le panier de crabes est un groupe d’individus qui se dressent mutuellement des embûches, qui cherchent à se nuire les uns aux autres.

C’est cette image qu’offrent les djiboutiens depuis trois décennies.

L’opportunisme, l’absence totale de vision d’un avenir commun, la préservation de petits intérêts particuliers ont fait que même en se réclamant de l’unité nationale, des djiboutiens ont toujours contrecarré d’autres qui pouvaient avoir un sens élevé de la question nationale.

C’est ce panier de crabes qui a parfois conduit à l’arrestation et à la liquidation physique à gabode ou ailleurs à Djibouti, de djiboutiennes et de djiboutiens: Cadres, hommes d’affaires, citoyens moyens, femmes qui ne baissaient pas le regard devant les satrapes tropicaux et les satyres voluptueux du Parti-Etat. Le comportement de panier de crabes existe toujours. C’est toute cette ambiance de médiocrité générale bien assise d’affairisme et de débrouillardise qui explique l’immobilisme de Djibouti. Et pourtant, il ne manque pas des personnalités hélas rares de premier plan.

L’immobilisme a conduit à cette situation que soulever des objections sur la politique du Président ou d’un Ministre entraîne la suspicion de ceux qui se croient les gardiens de l’authenticité patriotique. On gagnerait cependant plus pour Djibouti à s’écouter les uns et les autres, surtout les leaders de l’opposition.

Autrement, comment comprendre que Djibouti soit l’un des pays, sinon le pays de l’Afrique de l’Est où le mécontentement de la population contre ses dirigeants est permanent. Certes, dans tous les pays existent des mécontents mais dans notre pays, le niveau de mécontentement est élevé bien qu’il n’ait jamais abouti vraiment à des changements.

Cette situation devrait cependant amener les satisfaits à se poser des questions, surtout s’ils habitent d’autres pays où ils disposent des éléments de comparaisons. Le patriotisme ne consiste pas à tout approuver si l’on aime son pays.

On ne respire plus depuis que les adorateurs de Guelleh nous assure celui dit « être à l’écoute des aspirations du peuple » compris que l’urgence à Djibouti était la modification de la constitution. Bon, une constitution n’est pas immuable, mais de là à « toiletter », à « modifier », à « amender », à « harmoniser », à « réviser » une constitution qui ne demandait pas moins que d’être appliquée pour qu’à l’expérience on en voit toutes limites et qu’on la révise en tout état de cause à la lumière du développement du pays avec ses nouvelles exigences et surtout en harmonie avec un peule de plus en plus mature aguerri, responsable, démocrate.

Mais voilà : c’était en oubliant que nous vivons dans le pays de certains qui ont toujours le temps. Qui en ont tellement, qu’ils ont depuis presqu’un quart de siècle au moins le temps d’avoir le temps de rédiger un véritable projet de société pour un pays qui mérite mieux et à juste titre. Ils ont tellement le temps, qu’ils ont pris le temps, sans que personne ne les force vraiment, d’écrire une constitution plus problématique que reflet de la maturité durement acquise du peuple djiboutien.

Ils ont eu tout le temps qu’il fallait pour constater seulement lors du deuxième et constitutionnellement dernier mandat du pire dirigeant qu’un pays ait pu avoir que le peuple (lequel on se demande bien) s’était trompé en limitant les mandats présidentiels. Si on les écoute bien, on entendrait que le peuple avait été dupé en 1992. Bon, il a fallu du temps pour s’en rendre compte.

Mais il faudra vraiment du temps pour panser les blessures des familles qui depuis quelques jours paient le lourd tribut devant Dieu et les hommes pour les batailles de goinfres qui n’ont pas le temps de se rassasier du pouvoir et qui prennent le temps de préparer ou une épouse devenue entre-temps « Madame la Présidente » à défaut de « Madame la Cheffe de l’Etat », ou des enfants qui ne sont pas meilleurs forcément que le reste des enfants de Djibouti éparpillés de par le monde.

Mais qu’ils le sachent : ils auront le temps de répondre de leurs actes, de leur gestion devant l’Histoire et s’ils lui échappent devant le Seigneur qui jugera les vivants et les morts. Et ils auront tout le temps qu’ils voudront et qu’ils haïront de vomir le temps qu’on passe en enfer : l’éternité.

En attendant, les tirs croisés de critiques sont justifiés. Guelleh et ses partisans doivent y réfléchir. L’Etat-spectacle ne mène nulle part. La prise à bras-le-corps des problèmes de gestion de la chose publique est la seule qui vaille. Et seuls des Djiboutiens compétents de l’intérieur comme de l’extérieur peuvent le faire.

C’est l’un des points de critiques qui apparaît très souvent sur ce gouvernement comme sur d’autres avant : l’occupation de postes de compétence par des gens qui n’en ont aucune et qui ne comptent que sur leurs bonnes volontés et les sacrifices prescrits par des devins mais qui s’empressent toujours (au cas où…) de faire fortunes sur le dos de l’Etat par divers détournements.

La bonne volonté affichée, la danse du ventre, n’ont jamais pu faire avancer un pays. On a toujours pensé à Djibouti, que la bonne volonté et l’intention affichées de réussir peuvent remplacer la compétence acquise après des années "d’apprentissage". Il n’en a rien été mais cette pratique se poursuit toujours. Comme toujours, dans un premier temps, des hommes politiques, satisfaits de leur sort, assis dans des fauteuils de commandement du peuple djiboutien se sentiront comblés de ce qu’ils estiment être de l’honneur alors qu’ils ne réalisent pas que l’indignité de leurs fonctions est personnifiée par des ménagères inquiètes en permanence pour la pitance quotidienne de leurs familles.

Et dire que ‘Djibouti a besoin de moi’ ‘Que j’ai un pays à construire et une population à nourrir. Je veux être jugé sur mes résultats’ dans Jeune Afrique est une insulte à la dignité du peuple djiboutien.

Jugeons-le sur ses résultats ?

Simple exemple : Djibouti a soif et pire encore les habitants du quartier de Balbala ont manqué de quoi laver leur défunt (source la RTD) Est-ce que ce fantasme est-il un gage absolu de bonne gouvernance?

Les partis d’oppositions doivent rendre un service à Djibouti. Celui de préparer l’alternance pour 2011au lieu de se manger comme les crabes. Ils montreront ainsi que l’image du panier de crabes n’a plus cours à Djibouti.

Djiboutiennement.

FreeDjibouti

freedjibouti@windowslive.com

http://afraissas.over-blog.com