26/07/2011 (B614) Dans la série des interviews (presque) imaginaires, Monsieur Yacin Elmi Bouh a reçu une équipe de l’ARDHD à laquelle il n’a rien caché.

ARDHD : Monsieur l’Ambassadeur, votre Excellence, merci de nous avoir accordé cet entretien.

Jusqu’au dernier remaniement ministériel, vous étiez Ministre, en charge des finances de la République, puis de l’intérieur et de la décentralisation, poste clef dans la stratégie du Gouvernement, en particulier pour veiller au bon déroulement des scrutins et à la sécurité publique. Vous avez affirmé dans un courrier à l’ARDHD que le ministère de l’intérieur n’avait ni les moyens techniques ni les moyens légaux de pratiquer des écoutes téléphoniques et qu’il n’y en avait pas. Pourtant vos compatriotes pensent le contraire … Comment expliquez-vous ce décalage ?

Yacin Elmi Bouh : ce n’est pas à vous que j’apprendrai que Djibouti est la ville des rumeurs les plus folles. La rumeur nait dans un quartier, puis elle se propage à une vitesse fulgurante, d’abord dans la capitale, puis dans les villes de province. Moi, je suis un serviteur de l’état, intègre et j’ai toujours dit la vérité à mes compatriotes. Croyez-moi, je suis sincère quand je dis qu’il n’y a pas d’écoutes téléphoniques à Djibouti. C ‘est la pure vérité.

ARDHD : nous prenons acte de votre déclaration. Mais nous sommes un peu surpris, car à notre connaissance, aucun état ne peut se passer d’écoutes téléphoniques, ne serait-ce que pour contribuer à la sécurité de sa population. Que ce soient les grandes démocraties ou des états dictatoriaux. Djibouti serait-il à part ?

YEB : bien sur. Notre grand homme d’état, je parle d’Ismaël Omar Guelleh a tenu personnellement à ce que la population ne soit jamais écoutée et qu’elle puisse gérer tranquillement ses affaires et s’exprimer librement. Même s’il n’est pas encore « écouté », notre maître incontesté veut donner une leçon de démocratie au monde en montrant que l’on peut gouverner un pays sans écoutes téléphoniques, un pays où tous les citoyens, sans aucune exception, puissent bénéficier de tous leurs droits légitimes garantis par la Constitution et par les traités et chartes internationaux que nous avons signés. Un pays où la volonté populaire exprimée lors des différents scrutins est parfaitement respectée. Croyez-moi, car je vous dis la vérité, rien que la vérité.

ARDHD : mais s’il y avait des écoutes et vous nous assurez qu’il n’y en a pas, en auriez-vous été informé ? Après tout, les écoutes relèvent souvent des services secrets et elles sont donc secrètes …

YEB : Là, je vous arrête. Vous faites fausse route. Bien sur que je n’aurais pas été obligatoirement informé, puisqu’elles auraient été placées sous l’autorité de mon excellent ami Hassan Saïd, dans les bureaux du SDS au plateau du Serpent. Mais puisque je vous dis qu’il n’y en a pas et qu’il faut mettre un terme à ces rumeurs stupides. D’ailleurs je compte sur vous pour cela.

ARDHD : on dit aussi que certains sites Internet seraient censurés à Djibouti. Est-ce vrai ?

YEB : encore une fois, je m’inscris en faux contre ces allégations mensongères et honteuses. Croyez-moi encore une fois, car il n’y a pas de censure d’aucun site internet à Djibouti. Ce n’est pas possible. Mon excellent confrère, enfin ex-confrère, qui est le ministre en charge des télécoms n’a lui aussi, aucun moyen technique ni légal de censurer des sites internet. Chaque djiboutien peut s’informer librement : il a des sites d’information objectifs et totalement indépendants à sa disposition : l’ADI, la RTD, La Nation, qui l’informent heure par heure ..et qui sont accessibles en permanence.

ARDHD : mais les sites de l’opposition ?

YEB : ils sont tous accessibles. Regardez, je vais vous faire la démonstration immédiatement. Prenons le vôtre, je clique www.ardhd.org. Il s’affiche immédiatement. Vous êtes convaincus ?

ARDHD : votre démonstration est convaincante. Pourtant depuis le cyber café où nous avons travaillé en attendant l’heure de notre rendez-vous, notre site n’était pas accessible.

YEB : que voulez-vous que je vous dise de plus ? Une panne de réseau, c’est toujours possible. Nos amis et partenaires chinois travaillent beaucoup pour garantir la fluidité du trafic et pour veiller à la totale liberté de l’Internet. Ils ont une longue expérience dans ce domaine spécifique. Il peut arriver qu’ils soient contraints de suspendre provisoirement l’accès à Internet pour des périodes très courtes, afin d’améliorer la qualité de leurs filtres. Mettons la faute « à pas de chance », comme vous le dites, les Français.

ARDHD : certainement … Alors terminons sur cette note qui a suscité votre agacement. Vous l’aviez bien écrite ou non ?

YEB : je n’ai jamais écrit cette note. Croyez-moi quand je vous le dis. Je n’ai jamais menti au peuple djiboutien qui me fait confiance et je ne lui mentirai jamais. C’est promis !

ARDHD : hum ! Nous on penserait plutôt que quelqu’un a organisé volontairement une fuite. Comme il y a un destinataire : la Présidence et un émetteur, votre secrétariat ou votre ancien secrétariat, la fuite ne peut provenir que de l’un de ces deux points. Pourrait-on imaginer, comme vous le suggérez d’ailleurs que quelqu’un cherche à vous nuire, soit dans votre ancien ministère, soit à la Présidence ?

YEB : puisque je me tue à vous répéter que cette note n’a jamais existé, ne cherchez pas un coupable à mon ancien ministère ni à la Présidence (A voix basse : l’idée n’est pas stupide, il faudra que je fasse mon enquête). Mais c’est vrai qu’il y a la volonté de me nuire et je vous assure que les coupables seront traités comme il se doit. Avec de tels individus, on ne prend pas de gants : on les torture et on les incarcère ensuite. C’est radical et cela fait taire les oppositions.

ARDHD : pure supposition de notre part. Si c’était Guelleh lui-même qui avait organisé la fuite, pour vous donner le courage de rejoindre la représentation diplomatique de Moscou ou d’ailleurs, que feriez-vous ?

YEB (s’enfonçant dans son fauteuil, une larme à l’œil) : non, cela n’est pas possible. Elle ne peut pas m’avoir fait cela, à moi, qui les ai toujours servi loyalement et qui a toujours partagé loyalement toutes les recettes à 50/50. Non je ne pourrais pas le croire. Foutez-moi le camp immédiatement, bande de malfaisants … ! Pour cette fois, je ne vous ferai pas arrêter ..

De qui parlait-il ? Mystère, car c’est ainsi que s’est terminé cet entretien (presque) imaginaire