06/01/2014 (Bréve 348) RFI Assassinat du juge Borrel: le principal témoin se dit victime de nouvelles pressions de Djibouti
Par Florence Morice
Le témoin clé dans l’affaire de la mort du juge français Bernard Borrel en 1995 à Djibouti, détenu récemment au Yémen, a confirmé à RFI avoir « déposé plainte la semaine dernière au tribunal fédéral de Bruxelles pour séquestration contre les gouvernements du Yémen et de Djibouti ».
Dans un entretien vendredi au site d’informations Mediapart, Mohamed Alhoumekani, ex-membre de la garde présidentielle djiboutienne, affirmait avoir fait l’objet de nouvelles pressions de Djibouti pour revenir sur son témoignage. Les pressions du gouvernement djiboutien ont fait suite à une interview qu’Alhoumekani avait accordée à RFI en octobre dernier.
En février 2000, l’homme, qui réside en Belgique, avait impliqué dans la mort du juge français l’actuel président djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, et son entourage. C’est son témoignage qui avait relancé l’enquête. Il donne une nouvelle interview à Florence Morice.
RFI : Vous affirmez avoir été victime de pression après la publication et la diffusion de votre interview sur RFI ?
Mohamed Alhoumekani : Les autorités djiboutiennes et yéménites ont insisté pour que je puisse contacter Radio France Internationale pour, d’abord si c’était possible, effacer de leur site cette interview ou faire un démenti. Mais j’ai dit : « Il n’est pas question. La presse en Europe est libre ! ». Par la suite, une semaine plus tard, les autorités yéménites m’ont proposé une rencontre avec les autorités djiboutiennes. Les autorités djiboutiennes m’ont proposé un premier démenti sur ce qui s’est passé dans la région d’el-Beïda. Et pour l’assassinat du juge Borel, il fallait que je dise que ce sont des personnes malveillantes en France qui m’ont dicté mon témoignage, que j’étais dans un moment de faiblesse et que j’ai fait mon témoignage en France à des fins personnelles.
Vous avez ensuite rencontré plusieurs fois les autorités djiboutiennes ?
On ne s’est pas mis d’accord lors de la première réunion. Il y en a eu, en tout, quatre réunions. Lors de la dernière étaient présent le ministre de l’Intérieur yéménite et le procureur général, l’ambassadeur de Djibouti avec tout son staff. Monsieur Yasser al-Wardi était désigné par le président djiboutien comme son représentant dans cette affaire, pour pouvoir négocier avec moi, moi et certains membres de ma tribu.
Que vous a-t-on proposé en échange ?
Cinq millions de dollars pour moi. Et ils m’ont demandé si je pouvais faire venir Elisabeth Borel [la veuve du juge Borel]. Et que si Elisabeth Borel acceptait de retirer sa plainte elle toucherait aussi cinq millions de dollars. J’ai refusé.
Vous proposez une confrontation avec les personnes que vous mettez en cause ?
Je lance un défi aux présidents de Djibouti et du Yémen : qu’ils arrivent à démentir ce que je dis. J’ai tous les éléments avec moi pour montrer que je ne mens pas. Ces éléments seront transmis au magistrat français. Je souhaite une confrontation entre moi et toutes ces personnes citées. Je suis sûr qu’ils vont refuser. Ils vont se cacher derrière leur immunité diplomatique, comme d’habitude. Cela veut dire qu’aujourd’hui, quand on est président ou on est responsable des services de renseignements, on peut tuer, on peut voler. Si Ismaïl Omar Guelleh est innocent, mais pourquoi ne vient-il pas se présenter devant cette justice française et dire : « voilà, je suis là pour clarifier les choses » ?
Pourquoi s’acharne-t-il sur moi et sur ma famille ?
Quelqu’un qui n’a rien à se reprocher ne devrait pas faire tout ça. Je pense qu’aujourd’hui on va sans doute arriver à trouver les assassins. Je l’espère en tout cas. J’espère pour Elisabeth Borel qu’un jour la justice française va bien déterminer cela.