17/07/2014 (Brève 421) Courrie des lecteurs. Un message signé « Che ». Le mal djiboutien

Le mal djiboutien

Les esprits s’affaissent et se régénèrent dans les eaux profondes de la paresse humaine, c’est tellement facile d’avoir des certitudes quand tout vous semble confus! Et avant, les généralisations toutes faites, les regards restreints, les demi vérités qu’on fait passer pour des grandes vérités. 

Quel est le but?
Celui de faire avancer un pays ou de patauger dans les émotions inutiles? Celui de surpasser des différences fabriquées ou de les renforcer à coups d’analyses pâteuses et sans fondements ? Celui de lâchez l’homme ou de le tenir dans des chaînes imaginaires mais non fatales?

Je me demande comment compte-t-on faire avancer le pays quand on l’ôte d’une partie de ses membre? Comment compte-t-on redonner souffle à un peuple qui arrive à peine à respirer? Comment compte-t-on éduquer un peuple que ses leaders subjuguent et déchirent en leur fabriquant des différences fatales afin de se maintenir au pouvoir? Sûrement pas en imitant ce jeu de division dont ils se sont fait les maîtres incontestés!

Il est vrai que le tribalisme érigé en forme de gouvernance -non pas pour profiter à une ethnie ou un clan spécifique- a malheureusement des effets dévastateurs, faisant croire à certains d’être des « exclus » tout en miroitant à d’autres un quelconque sentiment « d’inclusion », voilà comment les colons ont divisé pour mieux régner et voilà comment nos pseudo leaders continuent avec une assiduité remarquable une politique nauséabonde des plus anachroniques. Au final, aucun clan, aucune ethnie n’y gagne sauf une petite minorité non représentatif d’aucun clan /ethnie. La triste affaire, les damnés de la terre s’entrechoquent pour des histoires de clopinettes tandis que les maîtres fouettards se partagent ses restes.  

Une grande partie de nos maux sont d’ordre clanique/ethnique ou pour être plus précis résulte de l’exploitation exacerbée de différences clanique/ethnique par un appareil d’Etat Djiboutien dont les moyens financiers/répressifs/légales restent sans contrepoids dans un contexte de paupérisation élevée d’une très grande majorité de la population. Dans un tel contexte de pauvreté en tout points, les esprits sont prompts à la manipulation, aux divisions, aux conflits orchestrés par une poignée de puissants, à la guerre de tous contre tous. 

Certes comme tous les groupes humains, nous avons des différences, nous sommes issus de différentes communautés mais nous partageons aussi des valeurs communes qui n’ont à rien envier à nos différences! Pour saisir la portée de nos différences et par conséquent valoriser et mieux apprécier nos valeurs communes, devrions nous encore comprendre ce qui nous fait mal.

D’abord l’absence d’un leadership clairvoyant et visionnaire, maintenant le peuple dans l’obscurité, la manipulation, et les divisions, pis un leadership qui malgré ses ronronnements poursuit un système de gouvernance coloniale, quelle ironie! Mais aussi la duplicité d’une très grande partie des alphabétisés qui se fondent dans le moule préconçu de l’appareil d’Etat, participant parfois avec un zèle répugnant à une manière de gouverner qui emprunte honteusement aux périodes les plus sombres de notre histoire.

La compartimentation commence au sommet de l’Etat, un chef de l’Etat issu de la communauté issa, un premier ministre issu de « la communauté afar », suivi de ministres de la communauté issa ou afar, enfin l’attribution d’un poste ministériel pour chacune des communautés issak, gadaboursi et arabe. L’affectation des postes de dirigeants des grandes entreprises publiques suit à peu près le même schéma.

Ceci tout le monde le sait, voilà qui réjouira les aficionados de la clarté clanique/ethnique. Cependant, est ce que ce type de gouvernance profite à une communauté particulière? Aucunement! Aucun groupe n’en tire bénéfice, excepté une minorité non représentatif d’aucun groupe ; par représentatif, j’entends représentant et défendant les intérêts d’un groupe particulier. Même si à premier abord, il peut sembler à certains esprits que ce système profite à une communauté et discrimine envers les autres, il n’en est rien en vérité, pour solde de toute compte, la population djiboutienne dans toutes ses différences et dans sa grande majorité vit dans la misère !.

Mais ciel! Pourquoi donc nous discriminons les uns envers les autres, je veux dire, nous les jeunes, moins jeunes, vieux, moins vieux, alphabétisés ou non? Pourquoi nous nous regardons différemment selon qu’on soit d’un clan ou d’une ethnie autre que la notre? 

Parce que nous ne réclamons pas justice mais des faveurs, nous empruntons cette idéologie étatique qui nous divise tant, nous sommes affectés par les mêmes injustices que nous affligeons. Nous reportons nos maux les uns sur les autres au lieu de nous en débarrasser ensemble. Il est une chose que de reconnaître nos différences, il en est une autre que de nous stigmatiser pour ces différences.

Si nous voulons un pays, ce n’est sûrement pas en compartimentant, en figeant dans un rôle préconçu les uns et les autres que nous formerons un pays digne de ce nom. Tant que nous ne rejetterons pas les sectarismes, tant que nous accepterons une forme de gouvernance tribale, nous n’arriverons jamais à entreprendre quoi que ce soit!

Che