07/04/2016 (Brève 733) RFI / Présidentielle à Djibouti: pas de suspense mais des craintes d’irrégularités

Lien avec l’article original : http://www.rfi.fr/afrique/20160408-election-presidentielle-djibouti-observateurs-craintes-irregularites-guelleh

Les Djiboutiens sont appelés aux urnes ce vendredi pour le premier tour de l’élection présidentielle. Au pouvoir depuis 17 ans, le président Ismaïl Omar Guelleh est candidat à sa propre succession, malgré ses promesses répétées de ne pas le faire. La Constitution l’y autorise depuis la modification de 2010 qui a supprimé la limitation du nombre de mandats. Un scrutin sans grand suspense puisqu’il est donné largement vainqueur notamment en raison des divisions au sein de l’opposition. Cette semaine, une équipe de la BBC a été interpellée puis expulsée sans explication de ce pays classé 170e sur 180 en matière de liberté de la presse par Reporters sans frontières. Si le pouvoir se dit confiant et satisfait de l’organisation du scrutin, certains craignent des irrégularités.

Parmi les candidats en lice, nombreux sont ceux qui dénoncent des « entraves » dans leurs campagnes. D’autres craignent des irrégularités dans l’organisation du scrutin, selon eux trop favorable au candidat sortant Ismaïl Omar Guelleh.

Des inquiétudes que partage le Parti socialiste français. Le parti du président Hollande a exprimé « la plus vive inquiétude » vis-à-vis du scrutin. Le PS appelle « les organisations internationales (…) à adopter une position ferme (…) et à agir ensemble pour préparer de véritables élections ».

Le communiqué interpelle en particulier l’Union africaine, qui a déployé une équipe d’observateurs sur le terrain. Des représentants de la Ligue arabe, de l’IGAD (Autorité intergouvernementale sur le développement) et de l’Organisation de la coopération islamique sont aussi présents.

Quant à l’Union européenne, qui proposait l’envoi d’experts sur le terrain, « les délais n’étaient pas respectés et nous n’acceptons pas les experts qui n’ont de compte à rendre à personne » ont précisé les autorités.

Les chancelleries occidentales sont également invitées à observer le scrutin. « Je ne sais pas comment faire plus transparent que cela », a déclaré le porte-parole du gouvernement.

Silence pour l’instant de la part des Etats-Unis qui disposent à Djibouti de leur seule base militaire sur le continent. Quant à la France qui y loge son contingent le plus important à l’étranger, le ministère des Affaires étrangères affirme « suivre avec attention » le déroulement du scrutin.

 Un Etat stratégique dans la corne de l’Afrique
Ce petit pays de 23 200 kilomètres carrés de la corne de l’Afrique revêt une importance stratégique pour la sécurité de l’une des routes du commerce mondial les plus fréquentées, notamment par des tankers transportant le pétrole brut. Et cette position est l’un des atouts économiques de Djibouti.

Avec la montée de la piraterie au large de la Somalie au milieu pendant la deuxième moitié de la décennie 2000, Djibouti est devenu un Etat pivot dans la lutte contre les pirates. Depuis, plusieurs navires militaires ont accès à son principal port. Et des pays comme les Etats-Unis et le Japon disposent aujourd’hui d’une base militaire à Djibouti, rejoignant les militaires français présents depuis l’indépendance du pays en 1977. Le droit de stationnement des troupes françaises et l’aide au développement rapportent aujourd’hui à Djibouti au moins 150 millions d’euros par an, soit 10% de son PIB.

Pratiquement dépourvu de terres agricoles, Djibouti se nourrit grâce aux importations. Le pays a connu une croissance annuelle de plus de 4% ces cinq dernières années. Une progression tirée par les grands projets d’infrastructures. « Nous avons déjà développé depuis 2005 les infrastructures portuaires. Djibouti veut jouer le rôle de hub régional, explique Amina Houssein Guireh, de l’agence nationale pour la promotion des investissements. Djibouti joue déjà très bien ce rôle parce que l’Ethiopie, grand pays par sa population, utilise les infrastructures djiboutiennes pour toutes ses importations et ses exportations. »

Mais les revenus de ce pays profitent à une minorité : 42% des 900 000 Djiboutiens, soit près d’un habitant sur deux, vivent sous le seuil de pauvreté.