17/03/2017 (Brève 942) Ismaël Omar Guelleh conduit-il Djibouti à sa perte ? – Agoravox, par Ramy)

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Djibouti, petit pays de la Corne de l’Afrique, glisse doucement vers sa perte. Dirigés par Ismaël Omar Guelleh (IOG) depuis 1999, les Djiboutiens subissent quotidiennement les conséquences des décisions insensées prises par leur président, décisions qui appauvrissent et asservissent la population. Des croisades judiciaires dispendieuses et inutiles aux retournements d’alliances géostratégiques, panorama des dernières lubies d’IOG, qui risquent fort d’envoyer son pays dans le mur. 

– L’obstination judiciaire contre Boreh et…Facebook

Depuis plusieurs années, le régime d’IOG poursuit en justice un homme d’affaires djiboutien, Abdourahman Boreh. L’affaire, qui concerne l’implication financière de Boreh dans la modernisation des installations portuaires de Djibouti, est instruite par la Haute cour de justice du Royaume-Uni. 

Malgré les déroutes successives des avocats d’IOG, le président djiboutien n’entend pas rendre les armes. L’obstination judiciaire contre Boreh a pourtant déjà coûté des dizaines de millions d’euros à Djibouti, un pays dont il convient de rappeler que 42% de la population vit sous le seuil de pauvreté absolu.

En avril 2016, la Haute cour de Londres a ainsi condamné le pays africain à payer 3 millions de livres sterling à Abdourahman Boreh, et ce alors que l’homme d’affaires s’était déjà vu attribuer la somme de 9,3 millions de livres lors d’un précédent jugement, sanctionnant un procès intenté par le régime pour trahison et corruption. Selon plusieurs sources, le régime aurait déboursé entre 70 et 90 millions de dollars dans le but de poursuivre M. Boreh, et ce alors que ce dernier ne met plus les pieds dans son pays depuis des années. 

Alors que le régime d’IOG a tenté d’impliquer son ancien allié et désormais opposant dans un attentat terroriste ayant frappé la capitale, Djibouti City, en 2009, la Haute cour de Londres accuse l’avocat de l’Etat djiboutien, un certain Peter Gray, d’avoir sciemment présenté à la cour des « preuves » dont la date avait été modifiée. Un comportement que la Haute cour a qualifié, en mars 2015, de « répréhensible »

Ces déroutes en cascade rencontrées par l’accusation ne semblent pas freiner la croisade judiciaire d’IOG contre Abdourahman Boreh. Après le Royaume-Uni, c’est en Irlande que ses avocats ont déporté l’action judiciaire, puisqu’ils ont attaqué le réseau social Facebook afin de le contraindre à effacer des contenus jugés « offensants » et « diffamatoires ». Les conseils d’IOG ont ainsi demandé à la Haute cour de justice irlandaise, pays où le siège social de Facebook est implanté, de suspendre les comptes accusés d’avoir diffusé ces contenus, mais encore de révéler les noms, comptes mail, numéros de téléphone et adresse IP des comptes visés par la plainte. 

Pendant que la « chasse aux sorcières » continue sur le terrain judiciaire, IOG continue son rapprochement avec la Chine, repoussant ses anciens alliés historiques au mépris des conséquences pour l’avenir de son pays.

– L’encombrant nouvel allié chinois

Pour de nombreuses puissances occidentales, à l’instar de la France ou des Etats-Unis, Djibouti fait figure de place-forte stratégique. Les deux pays y disposent chacun d’une base militaire, profitant de la localisation de choix qu’offre la Corne de l’Afrique dans le maintien de la paix au niveau régional ou la projection de forces vers les théâtres de conflit au Moyen-Orient. Malgré la présence historique des militaires américains, ces derniers ont été priés par le régime d’IOG d’abandonner une partie de leurs quartiers et de rapatrier leurs 4 000 hommes vers le seul Camp Lemonnier. 

La raison d’un tel « déménagement » forcé ? Alors que les Américains avaient investi 14 millions de dollars dans la modernisation et l’extension du port de Obock, le régime djiboutien a décidé d’offrir cet endroit aux quelque 10 000 militaires chinois de l’Armée de libération du peuple – une première pour la Chine, qui ne disposait jusqu’alors d’aucune installation militaire sur le continent africain.

Malgré le courroux provoqué à Washington par ce changement d’alliance stratégique, IOG ne se prive pas de répéter publiquement que la Chine est « l’un des investisseurs les plus importants dans son pays ».  Un mantra qu’adopte son gouvernement, à l’image du ministre des Finances djiboutien, selon qui « ce que nous obtenons de la part de la Chine est bien plus important que n’importe quel partenariat de longue date ». Un message clair, qui risque bien d’être entendu pour ce qu’il est par la nouvelle administration Trump : une invitation à partir.

– L’administration Trump prête à lâcher Djibouti ?

Il n’est un secret pour personne que Donald Trump se méfie de la Chine. Dans un de ses livres, publié en 2011, celui qui n’était pas encore président des Etats-Unis écrivait que la Chine était un « ennemi » de l’Amérique, affirmant même que « les dirigeants chinois ne sont pas nos amis ». Durant la phase de transition entre son équipe et celle de Barack Obama, Donald Trump était conseillé par Pete Hoekstra, ancien président de la Commission du renseignement à la Chambre des représentants, qui n’a jamais mâché ses mots contre l’influence grandissante de Pékin à Djibouti : « notre politique de désengagement à Djibouti a diminué notre capacité à combattre le terrorisme », écrivait-il ainsi le 24 janvier 2017, accusant également la Chine d’avoir financièrement contribué à la victoire contestée d’IOG lors des dernières élections.

Alors que l’AFRICOM, la force africaine de l’armée américaine, vient de signer un accord pour augmenter sa présence au Sénégal, les errements stratégiques d’IOG pourraient bien coûter encore davantage au peuple djiboutien.