10/01/2019 (Brève 1255) L’Humanité : CORNE DE L’AFRIQUE. DJIBOUTI : UNE CENTAINE DE MORTS ENTRE AFARS ET ISSAS (sous la signature de Stéphane Aubouard)

Le régime d’Omar Guelleh joue la carte ethnique en vue des élections prochaines et exporte le conflit en Éthiopie.

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«À la suite d’un accident récent avec un groupe armé proche du lac Assal, l’ambassade recommande de rester sur les grands axes de circulation et de ne pas stationner dans des endroits isolés hors des agglomérations. »

Envoyé par l’ambassade de France à Djibouti, ce petit mail sécuritaire d’apparence banale et assorti de bons vœux 2019 pour ses ressortissants pourrait bien confirmer les rumeurs de conflits intercommunautaires qui se seraient produits le 23 décembre 2018, au centre et au sud de Djibouti. Le plus gros des combats ont eu lieu à la frontière orientale de l’Éthiopie.

La semaine dernière, dans un communiqué de presse, le Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (Frud) avait tenté de tirer la sonnette d’alarme. « Depuis quatre mois, tous les observateurs suivent avec effroi les préparations à visage découvert de la part des hauts dirigeants de Djibouti d’une guerre entre Afars et Issas (Somalis) en Éthiopie qui a finalement éclaté le 23 décembre sur des territoires d’Ounda Fa’o, de Gadmaytu et d’Adaytu », précise le texte.

Joint par téléphone, Mohamed Kadami, président du mouvement, évoque un bilan lourd : « Entre 80 et 100 personnes ont été tuées et une trentaine d’autres blessées », affirme l’opposant historique au régime d’Ismaïl Omar Guelleh, le président djiboutien en place depuis vingt ans.

Si cela se confirme, nous sommes loin du simple « accident » évoqué par l’ambassade de France. Certes, le conflit entre Afars et Issas ne date pas d’hier. Les crises environnementales à répétition liées aux sécheresses, endémiques dans ces territoires, ont souvent été la cause de heurts meurtriers entre les deux ethnies. Cette fois-ci, les combats pourraient bien avoir été déclenchés pour des raisons politiques.

C’est en tout cas la thèse développée par le Frud, qui accuse le chef d’État djiboutien, lui-même originaire du clan des Mamassans, composante de la tribu somalie des Issas, d’avoir mis en place cette stratégie de tension « officiellement pour venir en aide aux Issas d’Éthiopie ».

Avec deux cibles : tout d’abord, montrer ses capacités de nuisances à Abiy Ahmed – en six mois, le jeune premier ministre éthiopien a changé la donne dans la région en renouant avec l’Érythrée et la Somalie. Les ports érythréens devenant de nouveau opérationnels, au grand dam de Djibouti qui avait misé sur une zone franche maritime monopolistique.

Et ensuite, s’attirer des voix identitaires pour les prochaines échéances électorales. Hier, le président djiboutien, grand ami de la France, a annoncé qu’il n’excluait pas de se présenter pour un cinquième mandat dans deux ans !