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11/10/2013 (Brève 282) ALERTE ROUGE / Revue de presse Le Progrès (édition de l’AIN) l’appel à l’aide de la veuve du juge Borrel

Mohamed Alhoumekani, l’ancien numéro 2 de la garde présidentielle de Djibouti, a été visé jeudi matin par une série de tirs de kalachnikovs au sud du Yémen.

Il est un témoin clé dans l’affaire Borrel, du nom du magistrat assassiné à Djibouti le 19 octobre 1995.

Sa veuve, Elisabeth Borrel, magistrate dans l’Ain, en appelle à l’Union européenne pour le rapatrier en toute sécurité

Rappelez-nous en quoi Mohamed Alhoumekani est un témoin-clé dans l’affaire de l’assassinat de votre mari…

Le lendemain de l’assassinat, il a assisté à une réunion entre l’actuel président de Djibouti Ismaël Omar Guelleh, deux terroristes internationaux, le chef du renseignement de l’époque et Alain Romani, ancien grand argentier de Djibouti, où il a été question de l’effacement des preuves du meurtre.

Il ne s’est décidé à parler qu’en fin d’année 1999 aux autorités belges après avoir fait une demande du statut de réfugié politique. Aujourd’hui, les deux terroristes ont disparu. Si Alhoumekani venait à disparaitre, il ne resterait plus de témoin direct de cette scène et l’instruction en France pourrait être enterrée.

Avez-vous des contacts avec lui ?
Je l’ai rencontré une fois dans le cabinet de son avocat en Belgique en présence de mes avocats, c’était au moment où j’ai appris son existence. Depuis, nous sommes restés régulièrement en contact. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, c’était en juillet, il était heureux à l’idée d’aller au Yémen (NDLR : après avoir été déchu de la nationalité djiboutienne, il avait demandé la double nationalité belge et yéménite où il a de la famille), son fils allait concourir pour les championnats mondiaux de boxe thaï.

Il a été arrêté par les autorités yéménites au moment où il entrait dans le pays.

Quelles sont vos marges de manœuvre pour demander la protection de ce témoin ?
Aucune ! La protection des témoins n’existe pas en droit français. J’ai contacté cet été Daniel Cohn-Bendit, Corinne Lepage, des députés européens, mais ça n’a rien donné. L’année dernière, Christiane Taubira avait promis de me recevoir, elle ne l’a pas fait. Toutes les personnes dont j’ai les coordonnées ont été averties de la situation.

Moi aujourd’hui, je suis un pion, une balle de ping pong dans cette affaire. Je ne peux que demander à l’Union européenne de rapatrier Mohamed Alhoumekani en Belgique le plus rapidement possible.

Continuer à parler de lui publiquement, c’est assurer aussi sa protection.

Propos recueillis par Johanna Nezri

10/10/2013 (Brève 282) Revue de presse (RFI une longue interview de Med Aloumékani après la tentative d’attentat)

_________________________ RFI

Affaire Borrel: le témoin clé victime d’une embuscade


Par Pierre Pinto

En exil depuis 15 ans, le Belgo-Yéménite Mohamed Saleh Alhoumekani, dont le témoignage met en cause directement le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh dans l’enquête sur la mort du juge Borrel, à Djibouti en 1995, vient de passer un mois et demi en prison au Yémen, réclamé par Djibouti pour des délits mineurs.

Cet ancien officier de la garde républicaine djiboutienne est tombé dans une embuscade, ce jeudi matin, alors qu’il se rendait dans sa ville natale.

RFI : Vous êtes au Yémen, où vous avez été libéré mardi. Ce matin, alors que vous vous rendiez dans votre ville natale, vous êtes tombé dans une embuscade. Que s’est-il passé ?

Mohamed Saleh Alhoumekani : Ce matin nous avons été invités dans la région de ma ville natale. Et à notre entrée on nous a tirés dessus à balles réelles. On a été obligé de rebrousser chemin. Il y a même eu un blessé. Ils étaient habillés en soldat. C’était un piège tendu pour qu’on puisse arriver et que je puisse mourir ici.

Pour vous, qui se cache derrière l’attaque que vous avez subie ce matin ?
C’est Ismail Omar Guelleh qui est derrière cela ! Parce qu’ils ne peuvent plus m’arrêter. Ils ne peuvent plus m’incarcérer. Ils ne peuvent plus m’extrader. Donc ils n’ont plus qu’un seul choix, c’est de m’éliminer maintenant.

Pourquoi ?
Parce que si on m’élimine au Yémen, Ismail Omar Guelleh va se laver les mains, pour dire : ce n’est pas moi. Il n’est pas de mon territoire, il est sous la responsabilité des Yéménites.

Revenons à présent sur votre arrestation à Sanaa, au Yémen il y a un mois et demi. Quel motif a-t-on invoqué à ce moment-là ?
Dès mon arrivée, j’ai passé douze heures à l’aéroport. Ces messieurs ont voulu me garder, parce qu’ils savaient parfaitement qu’un avion arrivait de Djibouti pour pouvoir m’extrader. Et heureusement que j’avais des amis qui m’ont dit que la loi ne leur permettait pas de me garder à l’aéroport. Il fallait que je sois à la brigade criminelle, à laquelle une enquête pouvait être ouverte.

J’ai été transféré à cette brigade et je suis resté six jours dans la cellule, sans savoir les motifs !

Mais les motifs j’ai pu les savoir par le directeur d’Interpol. Il m’a dit que je fais l’objet de deux délits. Le premier c’est falsification en 2004. Et j’ai rigolé. Le deuxième c’est une bagarre en 93.

Alors je lui ai dit : d’abord en 2004 je n’étais pas à Djibouti pour falsifier quelque chose. J’ai quitté Djibouti en 98. Il m’a dit : OK.

Pour le deuxième cas, en 1993, même s’il y avait quelque chose ce serait prescrit.

Et je ne peux pas faire l’objet d’une fiche rouge pour une simple bagarre. Il m’a dit : moi je suis venu vous voir pour savoir si vous maintenez surtout, votre nationalité yéménite ou belge. J’ai dit : pourquoi ?

Et il me dit : si vous me dites que vous êtes Belge, il y a un avion qui est à l’aéroport de Sanaa, on vous extrade immédiatement. Si vous dites que vous maintenez votre nationalité yéménite, la Constitution yéménite ne permet pas de vous extrader. J’ai dit : je suis Yéménite.

Et puis le lendemain matin, sans l’ordre du parquet, j’ai été kidnappé de cette cellule de la brigade criminelle à la grande prison du Yémen, où figurent des terroristes à l’intérieur, des criminels. J’ai été parmi tout ce beau monde, et sans l’accord du parquet !

Je suis resté trente-quatre jours dans cette cellule ! Après j’ai fait intervenir ma tribu, il y a eu un peu de pression. On a ramené un dossier au parquet.

Et le substitut du procureur qui m’a auditionné a estimé que je devais être libre. Mais vingt-quatre heures plus tard, il n’y a rien d’officiel. J’apprends que peut-être on m’interdirait de quitter le territoire yéménite. Je ne vois pas pourquoi on va m’interdire de quitter le territoire yéménite. Je l’ai compris ce matin. Le fait de me garder sur le territoire yéménite, dans un territoire où tout le monde est armé, je deviens une cible potentielle pour me faire descendre

Je ne pense pas que le gouvernement yéménite soit complice. Mais sans doute un groupe de personnes fait pression sur certains membres du gouvernement pour que je reste ici. Mais je ne pense pas que le gouvernement yéménite soit complice pour qu’on m’assassine. Ismail Omar Guelleh a des tentacules au Yémen. J’ai eu la visite de personnes à la grande prison au Yémen, qui sont venues me dire que nous avons des intérêts à Djibouti. La seule chose qu’on vous demande c’est de rectifier votre témoignage. Et j’ai refusé. J’ai dit non !

Alors justement, vous êtes cité comme témoin, dans l’enquête sur la mort du juge Borrel à Djibouti. Dans votre témoignage, vous impliquez directement Ismail Omar Guelleh, devenu depuis le président de Djibouti. Est-ce que vous maintenez vos déclarations encore aujourd’hui ?

Bien sûr ! Je n’ai jamais changé et je ne rectifierai jamais ! D’abord, je n’ai jamais mis en cause Ismail Omar Guelleh comme assassin. Je ne l’ai jamais dit. J’ai dit que j’ai été témoin d’une discussion au palais présidentiel, dans laquelle Ismail Omar Guelleh était présent, avec tous les responsables cités : Hassan Saïd, le chef de sécurité, le colonel Mady, Monsieur Alain Romani et deux présumés terroristes. Ça, je le maintiens. Je ne changerai pas !

Ces personnalités qui sont venues me voir m’ont dit que je serai libre et que Ismail Omar Guelleh paiera tous mes soucis, en particulier à moi et ma famille. Et j’ai refusé ! Et je refuserai ! Je l’ai dit, même si on me met la corde au cou pour me tuer, je ne changerai même pas une virgule ! Je le dis devant la justice française. Et ça ne concerne en aucun cas le Yémen. Ça concerne Djibouti et la France. Je ne vois pas pourquoi le Yémen va m’arrêter, m’incarcérer et faire pression sur moi pour ce témoignage.

Je demande aujourd’hui aux autorités européennes, françaises et surtout belges, d’assurer ma protection, parce qu’on m’interdit de voyager et de quitter ce territoire, mais ils doivent être responsables de cela, parce qu’ils n’ont rien fait. Et ils doivent bouger immédiatement pour ma sécurité et que je quitte le territoire. J’ai été libéré et je ne vois pas pourquoi je vais rester, pour être une cible. Et si je meurs aujourd’hui, ce sera sous la responsabilité du gouvernement yéménite qui m’a libéré pour être une cible, et surtout du silence des Européens, de la Belgique et de la France.

28/01/05 (B282) Le FIGARO : l’enquête sur l’assassinat du juge Borrel gêne les autorités locales, qui pourraient prendre des mesures de rétorsion contre la base militaire française (Isabelle Lasserre)

La
crise couve entre Djibouti et la France

Isabelle
Lasserre
[28 janvier 2005]


C’est une histoire à rebondissements, mais la diplomatie et la Défense
françaises sont à nouveau embarrassées par les tensions qui
caractérisent les relations franco-djiboutiennes. Depuis le début
de l’année, elles se sont brusquement dégra-dées : six coopérants
français ont été expulsés de Djibouti, l’émetteur
de RFI a été fermé. Et, dans sa dernière édition,
Le Canard enchaîné évoque l’hypothèse d’une fermeture
de la base militaire française de Djibouti.

A
l’origine de la crise, la mort du magistrat français Bernard Borrel, à
Djibouti, le 19 octobre 1995. Djibouti a classé l’affaire comme étant
un suicide. Mais la justice française privilégie la thèse
de l’assassinat. Après avoir rouvert le dossier, la chambre d’instruction
de la cour d’appel de Versailles a ordonné, le 10 janvier, l’audition du
chef des services secrets djiboutiens, Hassan Saïd, pour subornation de témoins.
L’enquête se rapproche aussi dangereusement de l’entourage du président
djiboutien, Ismaël Omar Guelleh.

La
volonté exprimée par la justice française d’entendre des
personnalités djiboutiennes a exaspéré le pouvoir, qui réplique
par des mesures de rétorsion contre Paris. Entre la nécessité
d’une enquête judiciaire indépendante et ses intérêts
stratégiques dans la région, la marge de manoeuvre de la France
est étroite. Le sujet est extrêmement sensible, puisqu’il touche
à la plus grande base militaire de la France en Afrique : 2 850 hommes,
un accès sur la mer Rouge et le golfe d’Aden.

A
Paris, on tente de minimiser la crise. «Il y a une forte crispation des
autorités djiboutiennes. Et ce d’autant plus qu’il y a une élection
présidentielle à Djibouti en avril prochain. Mais ce n’est pas la
première fois que cela arrive», explique une source au ministère
français de la Défense. La crispation djiboutienne pourrait-elle
aller jusqu’à la fermeture de la base française ? «La très
grande nervosité des autorités de Djibouti pourrait les pousser
à prendre des décisions désagréables, de nature à
porter atteinte à la coopération avec la France. Mais à quoi
cela servirait-il ?» poursuit cette source.

A
l’état-Major des armées, on ne peut se résoudre à
cette extrémité. «Il n’est pas question de fermer cette base
stratégique. Les relations entre la France et Djibouti ont toujours eu
des hauts et des bas. Actuellement, nous sommes plutôt sur un pic. Mais
en général ça finit toujours par retomber», explique
un officier.

Certains
s’inquiètent cependant de la nouvelle «concurrence» américaine
dans la région. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis
ont positionné 1 500 soldats à Djibouti dans le cadre de la lutte
antiterroriste. Désormais très en vogue, Djibouti a les moyens de
faire pression sur la France, qu’elle menace à mots couverts de changer
d’alliances si sa justice n’abandonne pas les poursuites.

Au
ministère de la Défense, on ne considère pourtant pas la
présence américaine à Djibouti comme un danger pour la France.
«La seule chose qui intéresse les Américains, c’est la lutte
antiterroriste. S’ils ont choisi Djibouti pour y installer leur base, c’est justement
parce que le pays a été stabilisé par la présence
française.»

Mais
«la nature a horreur du vide», souligne un officier français.
Il craint l’existence d’un lien de cause à effet entre l’attitude de Djibouti
«et les dollars versés par les Américains». Il rappelle
aussi que «le monde et l’Afrique ont changé et sont encore en train
de changer». «Notre base à Djibouti est indispensable sur le
plan stratégique. Si les Européens perdent ce point d’appui, l’Afrique
courra de gros risques. L’Europe doit se mobiliser pour l’empêcher.»

Car
à la faveur de la crise ivoirienne, la légitimité de la présence
française en Afrique a été remise en cause, par des journaux
africains mais aussi par des personnalités comme le président libyen,
Mouammar Kadhafi. Au ministère français de la Défense, on
refuse le parallèle. «Le cas ivoirien est un problème politique.
Le cas djiboutien est un problème de nature psychologique, lié à
l’affaire Borel.»

Pour
l’avocat de la veuve du juge Borrel, Olivier Morice, l’enjeu de «cette affaire
d’Etat» se résume à la question suivante : «La France
va-t-elle ou non lâcher le président djiboutien ?» L’avocat
dénonce les «pressions» et les «intrusions» du
pouvoir politique dans le pouvoir judiciaire.

La
dernière visite de la ministre française de la Défense à
Djibouti, en juillet 2004, n’augure pas vraiment une prise de distance vis-à-vis
du régime. Bien au contraire : Michèle Alliot-Marie y a annoncé
le doublement de la convention financière annuelle versée par Paris.
Il est vrai que depuis l’arrivée des Américains, les prix ont grimpé…

27/01/05 (B282) Le Canard Enchainé : juges et diplomates sombrent dans un polar franco-djiboutien. (Signé Louis-Marie Horeau)

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Transcription effectuée par un ami de l’ARDHD

Depuis
l’assassinat du Juge Bernard Borrel, il y a neuf ans, tout a été
fait pour cacher la vérité. Y compris par des magistrats français
aujourd’hui ridiculisés.

Les
militaires français n’excluent plus l’hypothèse d’un retrait pur
et simple de Djibouti, leur plus importante base en Afrique.

Les
relations avec Ismaël Omar Guelleh, actuel président, se sont encore
dégradées ces derniers jours. Six coopérants français
ont été expulsés, et, le 21 janvier, l’émetteur local
de Radio France Internationale a été coupé. Principal motif
de la fureur des autorités djiboutiennes , la décision de la Cour
d’Appel de Versailles d’ordonner l’audition du chef des services secrets, Hassan
Saïd, compromis dans l’assassinat du juge Borrel, magistrat français
retrouvé mort le 19 octobre 1995 à 80 km de Djibouti.

Au
grand désespoir de l’Etat Major français qui voit déjà
les Américains s’installer à notre place, la crise n’est pas près
de se tasser. Car la Ministre de la Défense, Michèle Alliot Marie,
vient d’accepter de déclassifier quelques documents  » confidentiel
défense  » qui dormaient sagement dans les archives de la DPSD (ex-Sécurité
militaire). Certains de ces papiers vont faire encore monter la pression. Notamment
une note, rédigée en mars 2000 par un officier, qui dresse un tableau
peu ragoûtant des mœurs politico-judiciaires locales (notre document).

Il
aura fallu près de dix ans pour que la justice et l’armée acceptent
de laisser poindre la vérité sur la mort du juge Borrel. On comprend
aujourd’hui ; il s’agissait de haute diplomatie et d’intérêts stratégiques.
L’enquête sur la disparition du magistrat a été sacrifiée
à la raison d’Etat.
Car l’obstination de la veuve de Bernard Borrel
et l’accumulation des maladresses, voire de grossières manipulations, ont
abouti à ce brillant résultat ; la crise diplomatique est là.
Et, en prime, une véritable affaire d’Etat, mettant en cause le fonctionnement
de la justice et l’attitude de plusieurs magistrats qui risquent … des poursuites
judiciaires.

Epidémie
de myopie.
Dés les premières heures qui ont suivi la découverte
du corps à demi calciné du juge Borrel, alors détaché
à Djibouti pour préparer une réforme du code de procédure
pénale, les opérations d’étouffement ont commencé.
Les gendarmes arrivés les premiers sur les lieux, rédigent, alors
qu’ils ne sont pas saisis de l’affaire, deux procès-verbaux au ton catégorique
:  » Le suicide est l’hypothèse la plus vraisemblable, d’autant qu’aucun
élément ne permet de penser le contraire…  » Puissamment
raisonné !

Bien
que seule la justice djiboutienne soit saisie, ce sont des militaires français
qui emportent le corps, et plus précisément le médecin-chef
du centre hospitalier des Armées. Une autopsie devait être pratiquée.
C’est du moins ce qu’on avait annoncé à la famille. En fait,
les médecins militaires ne font que quelques radios. Lesquelles seront
perdues : la justice ne les verra jamais. Et déjà se pose la question
de la dissimulation délibérée de preuves. Car il est acquis
aujourd’hui, après expertises, que le juge Borrel avait une fracture du
crâne et l’avant-bras cassé. Ce qui suggère, dit aujourd’hui
un collège d’experts, un coup porté par un instrument contondant,
et un geste de défense avec le bras. Même le plus nul des radiologues
n’aurait pu passer à côté de ces fractures. Pourquoi les médecins
militaires se sont-ils tus, avant de perdre les clichés ?.

Pendant
cinq ans, avec une obstination et une constance qui forcent l’admiration, la justice
ne s’accrochera qu’à la thèse du suicide. Deux juges d’instruction,
Marie-Paule Moracchini et Roger Le Loire, vont témoigner d’un dévouement
de tous les instants pour réunir les preuves en ce sens. Ils iront jusqu’à
effectuer deux reconstitutions sur place. La seconde, organisée le 11 mars
2000, a été filmée.

Un
suicidé acrobate.
On peut voir, sur la cassette vidéo, les
dignes magistrats batifoler dans les pierrailles où a été
retrouvé le corps de leur collègue. Ils tentent d’expliquer, notamment,
que le suicidé, après s’être aspergé d’essence, a pu,
le corps en feu, dévaler les 15 mètres sans blesser ses pieds nus.
Après avoir descendu la pente abrupte, avec lenteur et maintes précautions,
l’un d’eux montre triomphalement ses orteils intacts à la caméra.

La preuve
est faite.
L’enquête prend un nouveau tour lorsqu’un ancien garde
du président djiboutien affirme qu’il a surpris, au lendemain de la mort
du juge, une conversation d’où il ressort que le chef des services secrets
de l’époque ( devenu chef de l’Etat) aurait commandité le meurtre
du petit  » juge fouineur « . Lequel s’intéressait à un
attentat commis à Djibouti contre un café français, et était
en relation à ce sujet avec son collègue … Le Loire.

Dans
un premier temps, la juge Moracchini estime l’audition de ce témoin inutile.

Elle
consent tout de même à l’entendre et se rend pour cela en Belgique.
Mais, selon un avocat présent, elle tente de le convaincre qu’il prend
de grands risques en tenant ces propos. Peu après, le chef de la grade
présidentielle de Djibouti témoigne  » spontanément  »
que ce témoin n’est qu’un fieffé menteur. En réalité,
cette tentative pour le discréditer lui a été soufflée
par Hassan Saïd, l’actuel chef des services secrets de Djibouti.

La
manœuvre est suivie d’une démarche du procureur de la République
djiboutienne, qui conseille vivement au témoin de revenir sur ses déclarations.
Pure coïncidence, ledit procureur de Djibouti et Mme Moracchini se tutoient,
et s’embrassent comme du bon pain.

Offensive
judiciaire.
En dépit de nombreux efforts conjugués la vérité
va peut être enfin surgir. Dessaisis en juin 2000, les magistrats Le Loire
et Moracchini sont remùplacés par le juge Parlos, puis par Sophie
Clément. C’est cette dernière qui vient d’obtenir la communication
de documents classifiés. Et elle envisage de lancer des mandats d’arrêt
internationaux contre le chef des services secrets de Djibouti. Avant de mettre
en cause le chef de l’Etat ?.

Pour
parachever le désastre diplomatique, une autre procédure judiciaire
a été ouverte à Versailles pour  » subornation de témoin
« . Une juge est chargée d’éclaircir le ballet des aimables
 » conseillers  » autour du fameux témoin entendu en Belgique.
Elle a interrogé comme  » témoins assistés  » ses
collègues Le Loire et Moracchini. Elle tremblait un peu à l’idée
de convoquer le procureur de Djibouti et le chef des services secrets. D’autant
que le parquet de Versailles, toujours à la pointe du combat pour la vérité,
s’opposait à ces auditions. Mais la Cour d’Appel vient, en deux arrêts
successifs, d’ordonner à la juge de les interroger. Bien entendu, ils ne
se rendront pas aux convocations.

En
d’autres temps, on aurait envoyé l’armée. Mais elle y est déjà.
Et c’est elle qui sera peut-être obligée de se retirer en bon ordre
….

Louis-Marie
Horeau.