20/05/05 (B299) LE MONDE : Les syndicats et la Société des journalistes de RFI dénoncent un « acte de censure ». Remous à Radio France International à propos de « l’affaire Borrel ». (Info lecteurs)

Les rebondissements judiciaires sur la mort mystérieuse du juge Bernard Borrel, il y a dix ans à Djibouti, suscitent des remous à Radio France Internationale (RFI). Mercredi 18 mai, les syndicats CFDT, SNJ et CGT, ainsi que la Société des journalistes (SDJ) ont dénoncé un cas de « censure » dans les informations diffusées par cette radio. Selon les syndicats et la SDJ, la direction de RFI a déprogrammé, le 30 mars, une heure avant son passage à l’antenne, un reportage consacré au combat de la femme du juge Borrel pour faire reconnaître « l’assassinat » de son mari. Selon la SDJ, Bernard Brigouleix, directeur de l’information, a déprogrammé ce reportage car il souhaitait en changer la fin qui demandait « si les services secrets français étaient impliqués » dans la mort du juge.

Alertée, la SDJ a obtenu que le reportage soit reprogrammé le 27 avril avec, comme c’est l’usage à RFI, la mise en ligne d’un article sur le site Internet de la radio. M. Brigouleix a validé l’article dont la fin a été reformulée avec l’accord de l’auteur, David Servenay, et le chef du service Internet, Philippe Couve. Or trois jours plus tard, l’article a été soudainement retiré du site. M. Couve, qui n’a obtenu aucune explication de ce retrait, a demandé à être relevé de ses fonctions. Sa demande a été acceptée et l’article n’a pas été remis en ligne.

Pour la SDJ et les syndicats, ce retrait est un cas avéré de censure. « Vient-elle du PDG de RFI ? De la direction de l’information ? Du Quai d’Orsay ? Ou bien du président djiboutien, réélu à 96 % ? », interroge-t-elle dans un communiqué. Selon la CFDT, la nouvelle direction de RFI ­ arrivée en juin 2004 avec le PDG Antoine Schwarz ­, est « aux ordres du Quai d’Orsay » et estime que l’indépendance rédactionnelle de l’antenne est « une fois de plus menacée ».


De leur côté, le SNJ et la CGT se demandent dans un communiqué commun si l’affaire Borrel est « interdite d’antenne à RFI » et si « les affaires africaines empêchent toujours la rédaction de prouver son indépendance ».


MOTION VOTÉE À L’UNANIMITÉ


Réunis, jeudi 19 mai, en assemblée générale à l’appel de tous les syndicats, les journalistes de RFI ont voté à l’unanimité une motion qui « condamne et dénonce la censure exercée à l’encontre de la rédaction dans l’affaire Borrel ». Ils exigent également « la remise en ligne, dans les vingt-quatre heures, de l’article de David Servenay, tel qu’il a été validé, le 29 avril 2005, par le directeur de l’information » et « dénoncent l’attitude des directions dans cette affaire qui porte atteinte aux principes déontologiques du journalisme et qui va à l’encontre de la Charte de RFI ». Enfin, les journalistes expriment leur « défiance vis-à-vis de la présidence et de l’ensemble de la direction ».


Sollicitée jeudi après-midi par Le Monde, la direction de l’information de RFI n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.