10/10/1999: La justice britannique a de nouveau infligé un grave revers à Augusto Pinochet.

Feu vert à l’extradition de PINOCHET.
La justice inflige un revers à Pinochet

La justice britannique a de nouveau infligé un grave revers à Augusto Pinochet en autorisant vendredi son extradition vers l’Espagne pour l’ensemble des accusations de tortures lancées par Madrid contre l’ancien dictateur chilien.

La défense a désormais deux options qui légalement ne peuvent être menées de front: soit un appel, soit un recours direct au ministre de l’Intérieur Jack Straw demandant une libération du général, âgé de 83 ans, pour des raisons médicales.

« Nous allons faire appel », a immédiatement annoncé l’un des proches conseillers de Pinochet, Fernando Barros. Les avocats de Pinochet comme ceux du gouvernement chilien se refusaient à confirmer que tel était en effet la stratégie retenue.

A Santiago, un responsable de la droite d’opposition, Alberto Cardemil, a pour sa part assuré qu' »en ce moment même à Londres, à l’ambassade, on est en train de préparer une lettre du gouvernement chilien » à M. Straw.

Pinochet, excusé de l’audience pour raisons de santé, a immédiatement réagi au verdict en qualifiant de « politiquement motivée » la demande de la justice espagnole, qui veut le juger pour 34 cas de torture et conspiration commis pendant les derniers mois de sa dictature (1973-90).

Le juge Ronald Bartle a pour sa part souligné le caractère essentiellement technique de son jugement au tribunal londonien de Bow street: « Je dis fermement que cette procédure n’est pas destinée à décider de la culpabilité ou de l’innocence du général Pinochet ». Il a fait remarquer qu’il se prononçait uniquement sur le point de savoir si les crimes imputés à Pinochet étaient extradables.

« Aucune preuve n’a à être produite, le gouvernement de Madrid n’a pas l’obligation de démontrer le bien-fondé des accusations », a-t-il dit. Ce qui n’a pas empêché Pinochet de protester que « l’Espagne n’a pas produit un seul début de preuve montrant qu’il était coupable ».

Le juge Bartle a également rappelé que la convention internationale contre la torture, adoptée par la Grande-Bretagne en 1988 était « universelle », quoique Pinochet assure que l’Espagne n’a « pas de juridiction » sur le Chili.

Le sénateur à vie « ne bénéficie d’aucune immunité » pour les tortures qui lui sont reprochées, a encore estimé le juge.

« C’est un jugement qui va à l’encontre de l’impunité des dictateurs du monde entier », s’est réjoui Vincente Allegria, de l’organisation nationale des exilés chiliens à Londres. L’universalité du cas Pinochet est l’un des chevaux de bataille des organisations de défense des droits de l’homme telle Amnesty international, partie civile au côté de l’Espagne dans cette affaire.

Le jugement de vendredi « est professionnellement impeccable. Il est si solide qu’il sera très difficile pour un appel de réussir devant la Haute Cour », a estimé un avocat représentant Amnesty, Jeffrey Bindman.

Les partisans de Pinochet reconnaissaient eux aussi la portée du jugement, en affirmant qu’il « créait un précédent funeste dans les relations entre les nations ». « Un Etat est en train de tenter de juger l’histoire d’un autre pays », a encore accusé dans un communiqué un groupe de sénateurs de centre-droit chiliens venus à Londres soutenir la cause de l’ancien dictateur.

Le juge Bartle a conclu en déférant « le cas du sénateur Pinochet au ministre de l’Intérieur » Jack Straw, auquel revient la décision finale. Le verdict, survenant après un an d’imbroglio politico-judiciaire, a été salué par quelque 200 manifestants anti-Pinochet massés devant le tribunal, qui ont mêlé dans une clameur vengeresse l' »Assassin » et son indéfectible alliée « Lady Thatcher ».

(Source AFP du 8/10/1999)