16/02/2000 – ET LA LIBERTE DE LA PRESSE ? Pour quand ?

Tous les observateurs ont suivi avec intérêt la signature de l’accord cadre le 7 février à Paris. Beaucoup se sont interrogés sur les véritables raisons de la précipitation apparente : affaire BORREL, obligation de satisfaire aux conditions imposées par le FMI en terme de démobilisation, image de marque internationale, lassitude des combattants sur le front, …. Plusieurs raisons sont certainement imbriquées … mais à l’heure actuelle, nous sommes réduits à émettre des hypothèses.

Dans les faits, la connaissance de ces raisons est-elle si importante ? Oui et Non !

Non,
car ce qui est capital, c’est le processus de Paix qui a été initié avec ce premier accord conclu entre les deux forces. Nous savons tous combien il est difficile de faire les premiers pas vers la réconciliation après une décennie de combats et d’horreurs …

Le processus est encore très fragile et mal défini. Chaque djiboutien voudrait y insérer, ses propres espérances : libéralisation du régime, instauration de la véritable démocratie, fin de la dictature et de toutes les violations des D.H., liberté d’expression, liberté de la presse, … Nous avons eu connaissance d’interrogations, et même de déceptions, de doutes, voire de critiques … parce que les choses n’avancent pas assez rapidement et surtout probablement parce qu’elles ne sont pas clarifiées !

Mais ce processus est la base de ce qui peut devenir demain une grande réforme et un grand soulagement pour le peuple djiboutien. C’est la raison pour laquelle nous devons le soutenir…

Oui,
car beaucoup ont l’impression que le processus aurait mal démarré et qu’il pourrait patauger aujourd’hui, faute d’un accord sur un échéancier précis et sur des points concrets de mise en application : les mots utilisés dans l’accord sont choisis pour que chacun puisse y trouver la réponse qu’il attend, mais ils ne constituent pas un engagement véritable sur des réformes précises en terme de liberté et de démocratie.

L’accord donne l’impression d’avoir mal commencé puisque nous avons assisté dès les premières heures qui ont suivi la signature, à des mesquineries pour la libération des prisonniers : la libération a été repoussée de plusieurs jours, tous les prisonniers ne sont toujours pas libérés (voir notre liste), d’autres ont d’abord été condamnés avant d’être libérés (Djibouti est l’un des quelques pays où les décisions de justice peuvent être connues officiellement avant les audiences publiques …)

Au total 39 prisonniers ont bien été libérés au lieu des 47 que le Chef de Cabinet de M Guelleh avait annoncé lundi 7/02 devant les caméras. L’impartialité commande de constater que la sortie de 39 personnes de l’enfer de Gabode, est déjà un résultat. C’est un premier pas que nous saluons, mais les conditions dans lesquelles il a été franchi, pourraient laisser supposer que les parties signataires (ou l’une d’entre elle) n’ont pas véritablement la volonté de réaliser la grande réconciliation nationale.

D’où l’intérêt évident de connaître les motivations de chacun : car les raisons qui ont motivé ‘l’urgence’ hier pourraient s’être dissipées grâce à cet accord, avec pour conséquence aujourd’hui l’enlisement de la démarche courageuse ….

Qu’attendons-nous à court terme ?

La libération de tous les prisonniers politiques,
Une amnistie générale en ce qui les concerne afin qu’ils ne soient plus soumis à une action pénale toujours en cours et au risque d’être de nouveau incarcérés,
Le droit à l’expression,

Le rétablissement de la liberté de voyager à l’intérieur (suppression des barrages et des laissez-passer) et à l’extérieur (restitution de tous les passeports),
La restauration de la Liberté de la presse d’opposition est urgente – elle ne peut plus attendre. Il faut que chacun puisse exprimer et diffuser son sentiment, sa sensibilité dans des journaux engagés et non plus uniquement sous la forme des communiqués publiés dans notre journal.
En un mot nous attendons très vite des signes forts, dans le domaine des Droits de l’Homme, qui montrent la détermination des signataires et qui crédibilisent les volontés de changement exprimés à Paris. Faute de quoi, tout sera à refaire.

Jean-Loup SCHAAL
ARDHD