1977-2002,
il y a 25 ans d’intervalle. C’est le temps d’existence d’un bout de territoire.
C’est la durée
qu’ont régné deux chefs d’Etat ou deux chefs d’une bande
clanique de mafieux; l’un est toujours là.
Mais c’est aussi le
temps d’un système, qui a broyé et qui continue de broyer
tout le monde : les opposants, pour le seul fait de proposer d’autres
politiques que celles d’aujourd’hui; les étudiants, par peur de
constituer la franche contestatrice de la population – comme disent les
marxistes ils sont peut être les seuls à prendre conscience
qu’il faut agir donc s’opposer au système -; les travailleurs,
pour ne pas connaître une vie meilleure et pour ne pas faire des
demandes que les dirigeants refusent de satisfaire alors qu’ils peuvent;
à la population, pour ne pas se rebeller contre ces charognards
de dirigeants qui ne laissent pas une miette.
On n’a pas tort de
parler de l’existence d’une bourgeoisie, si on observe bien la structure
administrative et militaire, autrement dit les chefs de ces structures.
La division de l’ancienne STID en deux sociétés, la poste
et la société de téléphone montre quelque
chose qui est plus qu’un système et étaye la thèse
de la bourgeoisie. Par décision paternelle, le fils aîné
de IOG devient le principal actionnaire de la nouvelle société
de téléphonie mobile Evantis. Avant c’était tel oncle,
tel neveu; maintenant c’est tel père, tel fils. Observez le changement
qui en dit long sur la nature du pouvoir politique et économique
et la famille Guelleh. On réduit la distance qui sépare
entre celui qui détient le pouvoir et le futur prétendant.
Mais c’est une vision
pathétique des relations sociales plus que politiques et économiques
de la famille d’IOG : vivre dans le sang – que ce soit les assassinats
et l’exploitation des hommes et être corrompus de père en
fils, de mère en fille. Vivre aussi dans la peur au ventre : perdre
tout d’un coup. Cette famille a établi un lien fort entre être
au sommet du pouvoir et contrôler la vie économique du pays.
Aussi sans détenir les deux pouvoirs en même temps et au
même moment, c’est la fin de la vie pour ses membres.
25
ans, c’est le moment de faire un bilan plus sérieux que celui effectué
chaque année ou à la moitié d’un mandat.
Je vous propose le mien, à vous, lecteurs de ce journal, de le
juger. Sur le plan politique, la recherche de l’unité nationale
s’est transformée en un enfer pour beaucoup d’hommes politiques.
C’est plutôt
la sécurité d’un groupe de dirigeants ou du système
qui a pris le dessus sur la construction nationale. Hassan Gouled parlait
dans ses discours de "l’unité nationale" comme un fait
qui existe déjà, et ce à partir du moment qu’il y
a eu la déclaration d’indépendance. La grande erreur vient
de là. Or pour faire l’unité nationale, ni le parti unique
ni le discours creux sans des actions concrètes ne servent à
quelque chose. Il fallait autre chose, une vraie dynamique politique et
sociale. Et celle-ci devait s’appuyer sur la participation de tous les
citoyens, sans distinction régionale, de sexe et d’ethnie ou de
clan. Le mythe de l’unité nationale a plutôt permit la constitution
et le maintien d’un système de domination politique et économique,
basé sur le clan, l’espionage, la paranoïa de la sécurité
et la force militaire. Son calcul politique était basé sur
une l’unité nationale de façade.
Sur le plan "industriel",
il y avait jusqu’à la fin des années 1990 3 usines : l’usine
de l’Eau de Tadjourah, la Laiterie de Djibouti et celle des produits pour
le bétail… Aucune n’existe aujourd’hui. Elles n’ont pas disparu
à cause de la guerre civile de 1991 ou les arguments avancés
par les dirigeants de "situation de guerre imposée",
mais à cause de la gabegie, de la mal gestion et surtout de la
corruption qui détruit le tissu socio-économique et humain.
En 25 ans aucun
projet agricole
n’a donné des résultats positifs. Le PK 20 a plus englouti
de l’argent public qu’il n’a apporté des bénéfices
à l’Etat et à la population, qui reste dépendante
pour les fruits et légumes de l’Ethiopie et de la Somalie. Or nourrir
sa population est la première politique que doivent privilégier
les dirigeants du pays.
En matière
énergétique et hydraulique, le tableau est très
sobre; l’EDD est dirigé de la même qu’une maison personnelle
ou d’une famille par un membre de sens de la bourgeoisie. La gestion est
tellement fatale et désastreuse que la population a été
soumise à des coupures fréquentes du courant durant trois
étés, avec toutes les conséquences que l’on connaît.
Malgré les ressources énergétiques que disposent
le pays, la facture de l’électricité est trop chère
pour les sociétés, qui ne peuvent donc pas investir le pays
et comment alors créer des emplois. C’est la même chose une
grande très partie de la population, privée de courant parce
que le kilowatt est excesivement élevé.
Ce qui amène
à certains de faire des branchements sauvages, ce qui est normal
parce que du fait de la corruption et de la gabegie, certains ne paient
pas ou ne bénéficient pas des avantages incalculables comme
les ministres ou le Directeur de l’EDD, qui dispose des climatiseurs partout
dans sa villa cosue. La géothermie n’a jamais été
exploitée pour réduire la lourde facture du pétrole
importé … de la France. Elle a plutôt constitué
une nouvelle base de la corruption de la classe politique comme l’est
depuis 5 ans l’exploitation du sel du Lac Assal.
Quant à
l’établissement de l’eau, l’ONED, il est dirigé par
un membre affilié à la famille régnante par la mariage,
donc un duc. Là aussi les tarifs sont élevés et pour
les entreprises et pour les citoyens. C’est un lieu où le favoritisme
prend une autre forme; on confie, certains travaux que l’ONED effectue
normalement parce qu’ils relèvent de ses compétences techniques,
à une entreprise détenue par un membre de la première
famille du pays.
Les deux établissements
constituent un lieu idéal d’une manipulation des membres du système,
inconnue du grand public. Et elle fait des dégats importants dans
la vie de beaucoup de personnes. Il s’agit d’accorder un traitement de
faveur à un nouveau directeur de l’administration centrale; on
passe les factures d’électricité et d’eau de ce dernier,
mais il doit verser de l’argent, en fait ce qu’il doit payer aux établissements,
dans une caisse invisible dont il ignore les bénéficiaires.
Et quand il perd son poste, ceux qui lui ont donné la faveur lui
présentent une facture salée, somme dont il aura du mal
à payer par la suite. C’est une face que connaissent seulement
certains initiés du système ou qui ont collaboré
directement ou indirectement avec ses tenants.
Sur le plan économique,
c’est 25 ans de destruction. L’économie est sous profusion
financière étrangère particulièrement française
et arabe. Les taux de croissance avancés par les autorités
maintenant comme hier paraissent des fantaisies pour beaucoup de monde;
parce que ces taux n’existent pas ou ne se concrètisent pas dans
la vie de la majorité. Les équilibres budgétaires,
longtemps avancés et présentés comme un grand succès
du parti et de son chef, el Hagi président, n’étaient que
des bleufs de ces monsieurs qui poursuivaient des objectifs personnels
: se constituer une fortune financière sur le dos des travailleurs
et des simples gens. Les finances publiques étaient dans le rouge
depuis fort longtemps et non pas seulement à partir de 1992. Faut-il
insister que la guerre n’explique pas tout. Cependant elle explique d’une
part la baisse du budget du ministère de l’éducation nationale
et celui du ministère de la santé et des affaires sociales
et d’ature part l’augmentation du budget pour les violations de tous genres
et surtout de la mort, je veux parler du fameux ministère de la
défense et des services secrets de la famille.
Sur le plan social,
on assiste à un désastre. De la tentative d’imposer
autoritairement des nouvelles structures sociales et une autre éducation
durant la période coloniale, on est passé à la destruction
de celles qui ont toujours existé. Par exemple, la valeur de la
solidarité s’est perdue à cause d’un système qui
écrase les gens et qui détruit les initiatives individuelles
et collectives. Comment pratiquer la solidarité quand un grand
de personnes d’une même famille sont au chomâge? Autre exemple
l’importance et le respect dû au droit ont aussi disparu à
cause de l’apparition d’un droit soumis à une forte manipulation,
à une justice qui fait des procès iniques, des procès
politiques, qui pénalise les gens sans défense et sans soutien.
A cela il faut
ajouter un système éducatif des plus catastrophiques
de toute l’Afrique. Des enfants de 10 ans sont exclus de l’école
primaire parce qu’ils ne peuvent pas reprendre une classe deux années
de suite, le redoublement n’est pas autorisé aux gens des familles
pauvres. Une rigueur qui n’existe pas pour les enfants des dirigeants
et autres riches de ce pays. Quelle société construisons
nous quand nos enfants ne peuvent pas aquérir une éducation
minimale soit-elle, comment pouvons acquérir les nouvelles techniques
agricoles, industrielles et commerciales pour notre bien être, pour
notre futur, celles des générations à venir? C’est
une société d’ignorants qui est en marche depuis longtemps
dans ce pays.
Une
question principale se pose : comment s’est maintenue et maitient encore
cette situation désastreuse?
Ces ingénieux dirigeants ont trouvé les moyens à
leur politique : tuer les opposants, la liste des assassinats pratiqués
est très longue, on les pousse à l’exil dans les années
1980 et 1990; arrêter les travailleurs et les leaders syndicaux
sans raisons et sans les juger; priver la bourse aux étudiants
à l’étranger, priver toute éducation (par le maintien
du système sélectif et corrompu) et tuer ceux qui protestent
dans le pays ( A Ali-Sabieh un collegien est mort d’une balle tirée
par un policier il y a 4 de cela); penaliser doublement les travailleurs
de l’Etat et du secteur privé: imposer des fortes taxes ou cotisations
à la guerre que les dirigeants politiques mènent contre
le peuple, supprimer les primes et autres indemnités et enfin réduire
les salaires et en leur versant tous les 4 à 5 mois, sinon plus;
caser les toutes les structures sociales et professionnelles du pays comme
les syndicats en arrêtant leurs responsables et certains de leurs
militants et ce sans preuves ni jugement ou encore harceler les associations
et leurs dirigeants comme le cas de l’association Iris.
Donc c’est la mort
à feu doux des forces vives du pays, des plus faibles et ceux
qui veulent changer les choses pour le bien de tout le monde, y compris
pour celui de ceux qui dirigent le pays. Dans le même temps voitures
de luxe et villas ultra cosues des corrompus se montrent ostensiblement.
Pire on construit des routes privées pour le seul bénéfice
du Monsieur alors que celles qui servent à la population et à
l’économie sont en mauvais état depuis fort longtemps, c’est-à-dire
depuis 25 ans. Quelle logique y-a-t-il à construire une route goudronnée
dans une zone non habitée et pour un événement annuel?
Un ami me disait dans lors d’une discussion dans un café qu’il
y a pas de logique à chercher dans les régimes politiques
et en particulier les régimes autoritaires dont la volonté
d’Un s’impose et s’applique sur le terrain.
Hassan Gouled disait
quelques mois avant son départ de la scène politique qu’il
était "heureux de voir le peuple djiboutien uni et de retrouver
sa fierté…". J’ignore s’il était conscient du
sens des mots qu’il avait prononcés à cette époque
là. Son successeur disait dans une interview au fameux journal
La Nation qu’il est "conscient des réalités de notre
pays". Et d’ajouter que "je ne suis pas porté
au pessimisme. Je peux mesurer l’ampleur du travail qui nous attend. J’ai
été élu parce que j’étais porteur d’espoir,
parce que j’ai parlé le langage de notre peuple…".
Depuis trois ans,
il dirige le pays, son optimisme s’est traduit à la catastrophe,
à son enrichissement, à des bétises personnelles,
à l’imoralité (priver des paralysés le maigre salaire
qu’ils perçoivent et de les tuer sans que les responsables de sa
sécurité rapprochée, j’appelle les fascistes qui
l’entourent, soient poursuivis ou au moins rappelés publiquement
à l’ordre). L’espoir dont il parle n’existe pas, le pessimisme
est dominant même ceux qui profitent du système pensent ainsi.
Il ne parle pas le langage du peuple, mais le langage des pieurs du pays,
des corrompus, des "malhonnêtes nés".
L’un comme l’autre
sont en porte à faux avec la réalité politique et
sociale du pays. Ils parlent dans le vide ou se parlent à eux-même,
s’écoutent, s’applaudissent eux-mêmes. Il y a un fait à
prendre en considération, depuis la fin des années 1980,
ils circulent avec des voitures superblindées. Ils se ferment de
tout contact humain alors que pour être conscient des réalités
que connaissent le pays et son peuple, il faut être en contact avec
lui. Mais il est illusoire de demander à des paranoïaques
d’avoir des relations sociales normales.
Il n’y a pas lieu
d’être heureux quand la situation socio-économique est catastrophique.
Il n’y a pas lieu de dire être conscient des réalités
quand dans le même temps on ne construit pas les bases d’une situation
meilleure que celle des décennies passées sur tous les plans.
Les réunions et autres séminaires des membres du gouvernement,
comme celui des 3 au 9 février dernier au Palais du Peuple, constituent
que des spectacles pour les acteurs d’une scène politique, autoritaire
et excluante. IOG n’est pas conscient des réalités du pays
quand il se déplace en avion pour visiter les villages et les chefs
lieu des districts ou encore quand il décide de faire construire
des routes privées avec les fonds publics et d’ignorer celles qui
servent le développement soci-économique du pays.
Que signifie l’anniversaire
d’une date, certes importante pour un pays et un peuple, quand celui-ci
vit dans une pauvreté extrême à cause de la gabegie
de la corruption, érigée en système de gouvernement
par les dirigeants politiques?
Quel sens peut-il
avoir ce vingt-cinquième anniversaire de l’indépendance
quand la population est exclue des festivités ?
Le lieu et les conditions
de sécurité voulus par Monsieur exclue les citoyens, n’importe
qui ne peut assister à cause de la distance et du terrain. L’année
prochaine ce sera peut-être les festivités de l’anniversaire
auront lieu dans l’espace; Monsieur a les moyen de se payer un voyage
espacial. Le FMI, La Banque Mondiale et les pays donnateurs comme la France
verseront encore de l’argent dans les caisses personnelles de Monsieur.
Comment expliquer
ce choix de caprice de Monsieur ?
A mon avis un seul
mot explique tout : la paranoïa. C’est une maladie qui entraîne
une dégénéressance mentale de la personne; elle perd
sa lucidité et est soumise à tous types d’influence.
Pour conclure le vingt-cinquième
anniversaire se présente comme la célébration d’un
système de gouvernement et de ses chefs, de la corruption, de la
malversation…
25 ans de mascarade
ou de spectacle d’Etat, qui n’est en fait qu’une agrégation d’ethnies,
de clans et de sous-clans très fragile,
25 ans de manipulation
de tout genre,
25 ans de tueries,de
violations sexuelles et des droits de l’homme.
A n’en pas douter
c’est le plus triste anniversaire de
l’indépendance.