29/06/02 Le discours d’Aden Robleh, Président du PND, devant les militants du Parti à l’occasion du 25ème anniversaire

PND
PARTI NATIONAL DEMOCRATIQUE

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LIBERTE – RESPONSABILITE – SOLIDARITE
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B.P : 10204
Tel : 34 21 94
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DJIBOUTI
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Discours
du Président du Parti National Démocratique ( PND),
M. ADEN ROBLEH AWALEH, à l’occasion du 25ème anniversaire
de l’indépendance

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Jeudi 27 Juin
2002

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Militantes,
Militants,
Chers frères et soeurs

Aujourd’hui
c’est un grand jour. Nous célébrons le 25ème
anniversaire de notre accession à l’indépendance.

C’est le 27 Juin 1977 que la lumière de la liberté
a brillé au-dessus de notre peuple. C’était la fin
de la longue nuit coloniale, une nuit qui avait duré cent
vingt ans.

Cette liberté
n’a pas été un cadeau. Elle ne nous a pas été
offerte sur un plateau d’argent. Elle a été conquise
de haute lutte. Elle a été le résultat d’un
combat héroïque. Des hommes et des femmes se sont
sacrifiés pour qu’elle voit le jour. Disons le fatiha à
nos martyrs.

Avec l’indépendance,
notre pays a conquis le droit d’être maître de son
destin. Ce droit s’est concrétisé par la naissance
de notre Etat qui est reconnu par le monde entier.

La question
que nous nous posons ces derniers temps, surtout depuis la signature
des accords de paix entre le gouvernement et le Frud armé,
est de savoir si nos dirigeants sont aptes à abonder dans
le sens de l’Histoire. La question est celle-ci : Sont-ils prêts
à accepter le système démocratique qui constitue
la seule et unique voie du salut, voie d’ailleurs tracée
par lesdits accords ?

Vous vous
souvenez sans doute de ce que je disais lors de la signature de
ces accords. Je faisais part de mon enthousiasme en ces termes,
je cite : " Les accords signés entre le FRUD et le
gouvernement, le 12 Mai dernier, nous annoncent l’avènement
d’un Etat démocratique. Nous appelons de tous nos vœux
la concrétisation de cette promesse…. le Chef de l’Etat
a manifesté de manière sans équivoque son
aspiration à une réconciliation nationale véritable.
Il a ouvert son cœur au dialogue et à la réconciliation.
C’est certainement une marque de courage politique et d’intelligence
". Fin de citation.

A l’époque
où j’avais prononcé ces mots, beaucoup de mes concitoyens
les trouvaient hors de saison.. Ceux-là peuvent aujourd’hui
être rassurés. Au fond de moi-même je n’avais
pas pensé un seul instant que le régime en place
allait accepter ces accords surtout pour ce qui concerne le volet
portant sur les réformes démocratiques. Et pourtant
je ne regrette pas de les avoir prononcés. Il fallait voir
dans mes intentions la recherche de conditions politiques apaisées
et cela d’autant plus que le premier magistrat de l’Etat avait
accepté de manière volontaire lesdits accords.

Tout homme
politique averti ne pouvait pas agir autrement. D’ailleurs, être
opposant n’exclut pas l’échange de bons procédés.
C’est cette même optique qui me guide lorsque je réponds
positivement aux invitations que me lance le chef de l’Etat à
l’occasion de certaines cérémonies commémoratives
comme celle de ce matin à laquelle je viens d’assister.
Les hommes politiques de bord différent ne sont pas des
ennemis mais des adversaires politiques. Entre ces deux notions
il y a une différence de taille. Agir de la sorte c’est
faire preuve d’esprit républicain.

Vous vous demandez à présent, j’en suis sûr,
quel doit être mon sentiment à propos des accords
du 12 Mai 2001, une année après leur signature.
Comme vous le savez, nous autres membres du PND sommes des hommes
et des femmes totalement libres ; nous n’avons jamais craint de
dire ce que nous pensons. Je vais vous dire pourquoi je n’avais
jamais cru et ne croit pas à l’avènement de réformes
démocratiques telles que les choses se présentent
actuellement. La vérité est que l’on ne peut rien
attendre de positif d’un régime enraciné dans des
croyances aussi archaïques comme celles-ci :

– Rejet épidermique
de tout parti d’opposition digne de ce nom ;
– rejet de tout syndicalisme libre ;
– l’adoption du parti au pouvoir comme parti-Etat en mettant à
sa disposition la
radio, la télévision et l’administration publique
;
– la mise hors jeu, en matière économique, sociale
et culturelle de toutes celles et
ceux catalogués " anti-régime " ;
– domestication du système judiciaire ;

L’Etat, par
essence, prend en charge les intérêts communs de
toutes les composantes de la Nation. Son rôle premier est
d’assurer les conditions de vie les meilleurs au peuple dont il
est l’émanation.

Malheureusement,
notre Etat est aujourd’hui un instrument au service de quelques
personnes et d’un clan tribal.

Cette situation
mène inévitablement à la déchirure
du tissu social. Elle est la cause des tragédies africaines.
Là où l’Etat et ses règles sont bafoués,
les lots quotidiens des peuples ont pour noms : l’ethnicisme,
le tribalisme, le clientélisme, la corruption, le mensonge,
la misère intellectuelle et matérielle.

La philosophie
de base de ce genre d’Etat est le système de parti unique,
système que notre pays est le seul à y trouver du
bienfait. Savez-vous que notre pays est le seul en Afrique où
le parlement ne compte aucun député de l’opposition
?

Le système
de parti unique est foncièrement néfaste. C’est
un système qui porte en lui les germes de la désintégration
des nations où il a droit de cité. Il permet :

– la concentration
de tous les pouvoirs dans les seules mains de celui qui fait
office de chef d’Etat ;
– l’émergence de dirigeants médiocres ;
– la prédation du clan tribal du chef de l’Etat en place
;
– l’institutionnalisation de la corruption à tous les échelons
;
– l’instrumentalisation de la police et de la gendarmerie.

Le bilan terriblement
négatif de ces 25 dernières années (absence
d’infrastructures économiques de base, la non revalorisation
de nos ressources minérales, la décrépitude
du système de santé, un chômage qui touche
80 % de la population active, une pauvreté qui tend à
se généraliser, etc., etc.) doit inciter notre pays
à changer de cap.

Ceux qui font,
à l’aube du nouveau siècle, la promotion du système
de parti unique et du monolithisme doivent savoir qu’ils creusent
la tombe de notre chère patrie. La question est de savoir
s’ils sont conscients ou non de cette réalité. Tout
porte à croire qu’ils le sont mais ils n’ont d’yeux que
pour leurs intérêts égoïstes immédiats.
Qu’importe, qu’à terme, leur avenir et celui de leurs enfants
soient réduits à néant. L’exemple de nos
frères somaliens et d’autres pays africains est loin de
les inquiéter. Cela veut dire que le régime en place
n’a pas tiré les leçons de la longue guerre civile
qui a endeuillé notre nation. En refusant d’enrayer les
causes qui ont été à l’origine de cette guerre
fratricide il met en jeu l’existence même de notre pays.
Il ferme les yeux sur cette évidence : que les mêmes
causes produisent les mêmes effets.

Dans ces conditions,
la responsabilité de M. ISMAÏL OMAR GUELLEH est particulièrement
lourde. S’il continue d’imposer le régime actuel il faut
qu’il sache qu’il sera comptable des terribles conséquences
qui ne manqueront pas de se produire.

Le système
démocratique est le seul à même de nous assurer
l’unité nationale, cette unité sans laquelle notre
souveraineté si chèrement acquise risque de disparaître.
Il ne faut pas oublier qu’il y a des pays qui ne nous veulent
pas que du bien. Un pays déchiré peut attirer les
convoitises comme on a pu le constater dans bon nombre de pays
africains dont la République Démocratique du Congo
ou la Somalie soeur.

Evitons de
nous entredéchirer pour ne pas faire le lit de ces convoitises.
Une nation démocratique peut s’opposer comme un seul homme
à toute agression extérieure pour la simple raison
qu’aucune fraction de la nation ne s’estime opprimée ou
exclue par le système démocratique. De plus, un
pays démocratique peut toujours compter sur le soutien
de la communauté internationale. Par contre, un régime
dictatorial ne peut compter ni sur le soutien du peuple ni sur
celui de la communauté internationale. Pour exister, les
quelque six cent mille âmes qui vivent sur cette terre ont
besoin de démocratie.

Ce sont ces
données que notre frère ISMAÏL OMAR GUELLEH
doit intégrer.

Une des règles
fondamentales sur lesquelles repose un Etat digne de ce nom commande
que les gouvernants soient choisis librement par le peuple. Voilà
qui m’amène à dire que les prochaines élections
législatives de décembre 2002 se présentent
comme celles de la dernière chance pour notre pays. Soit
ces élections se dérouleront dans la transparence
la plus totale soit elles se dérouleront comme par le passé
c’est-à-dire truquées et auquel cas notre pays glissera,
à n’en pas douter, sur une pente très dangereuse.
Ce sera la fin de tout espoir de changement pacifique.

Pour que ces
élections soient libres, honnêtes et transparentes
il est indispensable qu’il y ait une Commission Electorale Nationale
Indépendante. Je veux parler d’une véritable CENI
et non cette mascarade qui consiste à changer tout simplement
le nom de l’ancienne commission administrative dénommée
" commission de supervision ". Nous ne pouvons pas ne
pas être scandalisé, à ce sujet, par les propos
d’un haut dignitaire du régime. Ce dernier qui s’exprimait
sur les antennes de la télévision nous a donné
une idée précise sur ce que doit être la CENI.
Pour lui la CENI doit être composée comme suit :

– huit représentants
choisis par trois instances de l’Etat ( deux par le Président
de la République, deux par le premier ministre, deux par
le Président de l’Assemblée Nationale, deux par
le Conseil Constitutionnel) et deux représentants de l’opposition.

De tels propos
relèvent véritablement de l’illettrisme politique.

Le rôle
de la CENI est d’assumer un rôle d’arbitre entre le ou les
partis du gouvernement d’une part et les partis de l’opposition
d’autre part. Sa composition doit être fondée sur
une stricte parité entre ces deux pôles. Sa composition
et son fonctionnement ne dépendent pas du pouvoir en place.

Le rôle
de l’Etat doit être neutre dans cette affaire.

Le Parti National
Démocratique estime de son devoir de présenter ci-après
ce que doit être une Commission Electorale Nationale Indépendante
digne de ce nom. C’est celle qui a cours dans tous les pays soucieux
de transparence électorale. Espérons qu’elle sera
adoptée par notre pays. Il n’est jamais trop tard pour
bien faire.

Commission
Electorale Nationale Indépendante

Article 1
– Il est créé une Commission Electorale Nationale
Indépendante (C.E.N.I.).

Article 2
– La Commission Electorale Nationale est chargé de la supervision
et du suivi des opérations électorales référendaires,
présidentielles, législatives et régionales.

La Commission
Electorale Nationale Indépendante et ses représentations
locales auront pour mission :

– la révision
et l’établissement des listes électorales ;
– la préparation et la gestion du fichier électoral

-l’impression et la distribution des cartes d’électeurs
;
– la mise en place du matériel et des documents électoraux
;
– le déroulement de la campagne électorale ;
– les opérations de délivrance des procurations
de vote ;
– l’implantation et la composition des bureaux de vote ;
– les opérations de dépouillement des bulletins,
d’établissement des procès-verbaux et de proclamation
des résultats.

Article 3
– La Commission Electorale Nationale Indépendante est composée
comme suit :

– cinq (5)
représentants des partis politiques du gouvernement en
place.

– cinq (5)
représentants des partis politiques de l’opposition

– deux (2)
représentants de la communauté religieuse

– deux (2)
représentants des centrales syndicales

– deux (2)
représentants des associations de défense des droits
de l’homme et
des libertés

Article 4
– Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante
sont désignés par leurs structures d’origine pour
leur sens de responsabilité et de rigueur morale et intellectuelle.

Article 5
– Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante
élisent en leur sein un bureau composé ainsi qu’il
suit :
– un (1) président ;
– un (1) vice-président ;
– un (1) secrétaire ;
– un (1) trésorier ;
– un (1) trésorier adjoint

Article 6
– La Commission Electorale Nationale Indépendante dispose
d’un budget pour l’organisation de chaque élection. Ce
budget lui est délégué en totalité
en fonction des besoins exprimés et les moyens mis en œuvre.
La CENI prépare le budget qu’elle soumet au gouvernement.
Elle assure la gestion des ressources financières mises
à sa disposition conformément aux règles
et principes de la comptabilité publique.

La Commission
Electorale Nationale Indépendante est une autorité
indépendante de tout pouvoir politique. Elle jouit de l’autonomie
financière, d’organisation et de fonctionnement.

Article 7
– Il est mis à la disposition de la Commission Electorale
Nationale Indépendante un Comité d’appui technique
composé comme suit :

– un (1) représentant
du ministère de l’intérieur ;
– un (1) représentant du ministère des finances
:
– un (1) représentant du ministère des affaires
étrangères ;

Les membres
du Comité d’appui technique ne sont pas membres de la CENI.
Ils siègent au sein de l’assemblée générale
avec voix consultative.

La Commission
Electorale Nationale Indépendante peut faire appel à
toute personne dont elle juge les compétences utiles.

La Commission
Electorale Nationale Indépendante est responsable de la
gestion des observateurs nationaux et internationaux.

La CENI veille
au respect des lois et règlements en matière électorale
ainsi qu’à l’information des électeurs et prend
toute initiative et disposition concourant au bon déroulement
des opérations électorales.

Article 8
– Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante
sont inéligibles.

Militantes,
militants
Chers frères et sœurs,

Notre parti
est profondément convaincu que notre pays ne connaîtra
ni cohésion nationale ni développement économique
et social tant qu’il n’empruntera pas la voie démocratique.
Pour nous il s’agit là d’une réalité incontournable.
C’est pourquoi nous ne transigerons jamais sur cette croyance.

Je vous remercie
de votre précieuse attention.

ADEN
ROBLEH AWALEH
Président du PND