05/02/03 (B183) A lire dans Jeune Afrique trois articles …

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Le président Ismaïl
Omar Guelleh ne s’y est pas trompé : le 11 septembre 2001, dès
l’annonce de l’attentat contre les tours jumelles du World Trade Center, il
a compris que l’avenir de son pays était en train de se jouer. Aussitôt,
il a réuni ses principaux collaborateurs.

Il y avait là,
entre autres, Dileita Mohamed Dileita, son Premier ministre ; le général
de brigade Zakaria Cheick Ibrahim, chef d’état-major des Forces armées
; et Hassan Saïd Khaireh, le patron de la sécurité intérieure,
son homme de confiance depuis toujours (voir p. 41). Tous sont tombés
d’accord pour ne pas laisser passer l’occasion. Leur minuscule pays, il est
vrai, n’a pas vraiment été gâté par la nature.

Largement désertique,
il ne produit à peu près rien et ne dispose que de deux atouts
: la situation exceptionnelle de son port, relié par une ligne de chemin
de fer à Addis-Abeba, en Éthiopie, et une présence militaire
française qui décourage les convoitises de ses grands voisins
et constitue une manne financière non négligeable. Depuis l’indépendance,
en 1977, le régime djiboutien a intelligemment tiré profit de
ces deux atouts, même si, dans les années quatre-vingt-dix, le
soulèvement des Afars, l’un des cinq grands groupes ethniques du pays,
a indiscutablement retardé le décollage économique. «
Nous avons la baraka », jure Guelleh.

De fait, quelques mois
après le déclenchement de l’insurrection afar, le régime
de Mengistu Haïlé Mariam, le Négus rouge, tombe à
Addis-Abeba. L’Éthiopie est amputée de sa partie septentrionale,
l’Érythrée, et, du même coup, privée de sa façade
maritime. Pour le port de Djibouti, l’aubaine est d’autant plus belle que,
à partir de 1997, Éthiopiens et Érythréens ont
la très mauvaise idée de se lancer dans une guerre atroce. Le
volume des marchandises transitant par le port de Djibouti augmente sensiblement,
ce qui, financièrement, permet de compenser l’augmentation (de 6 000
à 16 000 hommes) des effectifs de l’armée djiboutienne. La pacification
du nord du pays à peine achevée, c’est l’avenir de la base militaire
française qui, à son tour, commence à poser problème.
En 1995, Jacques Chirac, nouveau locataire de l’Élysée, fait
du redéploiement des forces militaires françaises à l’étranger,
en Afrique notamment, l’une de ses priorités.

La base de Bangui, en
Centrafrique, est fermée, et le nombre des soldats français
à Djibouti est ramené de 3 500 à 2 700 hommes. Plus grave,
la durée de leur séjour est très sensiblement réduite
: de deux ans à quatre mois. Du coup, officiers et sous-officiers n’ont
plus besoin de faire venir leur famille. Pour Djibouti, le manque à
gagner est considérable. C’est dans ce contexte qu’interviennent les
attentats du 11 septembre. Dans les heures qui suivent la tragédie,
les autorités djiboutiennes dénoncent l’opération terroriste,
expriment leur sympathie au peuple américain et affichent leur disponibilité
à participer à la nouvelle guerre qui s’annonce. Au début
de 2002, les premiers soldats étrangers qui débarquent à
Djibouti sont les Allemands. Parmi eux, une centaine de commandos, qui s’entraînent
dans les environs d’Arta. Hormis le Kosovo, c’est la première intervention
d’envergure de la Bundeswehr depuis 1945.

À l’issue de la
première patrouille de la marine allemande au large des côtes
somaliennes, le commandant du corps expéditionnaire décide de
fêter l’événement, mais, ne disposant pas encore d’un
quartier général à terre, reçoit ses invités,
diplomates et hommes politiques, à bord d’un destroyer. Au général
Alain Bévillard, commandant de la base française, l’officier
allemand confie, non sans émotion : «

Vous vous rendez compte,
nous travaillons de concert, depuis près de cinquante ans, à
la construction de l’Europe, mais c’est la première fois que nos forces
armées participent à une opération conjointe. »
Les Allemands sont plus spécialement chargés de surveiller le
golfe d’Aden et les côtes somaliennes, de manière à prévenir
un éventuel afflux de combattants d’el-Qaïda fuyant les bombardements
américains en Afghanistan.

Mais aussi de préparer
la mise en place de la Combined Joint Task Force (CJTF) dans la Corne de l’Afrique.
Qu’est-ce que la CJTF ? Ses contours sont encore flous, mais sa mission, telle
que la définit le Pentagone, est on ne peut plus claire : surveiller
les espaces aérien, maritime et terrestre de six pays africains (Érythrée,
Éthiopie, Djibouti, Kenya, Somalie et Soudan) et d’un pays du Moyen-Orient
(le Yémen). En cas de besoin, elle devra intervenir pour éliminer
toute menace terroriste contre les intérêts des États-Unis
et de leurs alliés. Mais l’administration américaine jure qu’elle
n’a nulle intention de s’installer durablement à Djibouti et que la
mission de la Task Force évoluera en fonction des décisions
politiques que les membres de la coalition seront amenés à prendre.
Il n’empêche : Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense,
a bien précisé que les troupes américaines pourraient
rester à Djibouti « pendant plusieurs années ».

En réalité,
le Pentagone envisageait depuis longtemps (bien avant le 11 septembre) de
s’installer dans la région. L’objectif était évidemment
de contrôler Bab el-Mandab, la porte méridionale de la mer Rouge,
point stratégique sur la route du pétrole. Oussama Ben Laden
leur a fourni l’occasion rêvée de mettre leurs projets à
exécution. Face à la péninsule Arabique et à ses
immenses réserves d’hydrocarbures, la Corne de l’Afrique est en effet
une zone de transit pour les organisations terroristes opérant en Afghanistan.
« Ses caractéristiques géographiques leur offrent une
grande marge de manoeuvre », estiment les stratèges de Washington.
Le 26 juillet 2002, le général Tommy Franks, commandant en chef
des forces américaines dans la région du Golfe, rend visite
à Guelleh, qui le reçoit dans sa résidence privée,
à Haramous.

Il veut s’assurer que
Djibouti ne voit pas d’inconvénient au stationnement de troupes au
sol, sur son territoire. Hormis les soldats allemands, les forces de la CJTF
(plusieurs centaines d’hommes, essentiellement américains et espagnols)
se trouvent en effet sur des navires de guerre croisant au large. Le QG des
opérations est installé pour sa part à bord du destroyer
USS Mount-Whitney. Deux mois plus tard, près d’un millier de GI’s débarquent
à Djibouti. Ils appartiennent au bataillon du QG de la IIe division
de marine, basée à camp Lejeune (Caroline du Nord), celle-là
même dont les quinze mille hommes ont été, le 11 janvier
dernier, envoyés en renfort dans le golfe Persique, en prévision
d’une frappe contre l’Irak.

En quatre mois, les Américains
dépenseront 8,7 millions de dollars pour rénover les installations
aéroportuaires et aménager le pas de tir. Le 11 décembre,
c’est au tour de Rumsfeld de faire escale à Djibouti. Au cours d’un
entretien de deux heures avec Guelleh, tous les sujets sont passés
en revue. Tous ? Enfin presque. Les questions qui fâchent, notamment
les histoires de gros sous, sont soigneusement laissées de côté.
« Nous devons d’abord convaincre le Congrès », s’excuse
Rumsfeld. « Faites vite, nous avons un besoin urgent d’aide au développement
», lui répond Guelleh.

Peu familiers de ce genre
de transaction, les Djiboutiens envoient deux juristes suivre un stage de
formation à… Washington. Rendez-vous est pris en janvier 2003, pour
une rencontre Guelleh-Bush destinée à mettre au point un accord-cadre
de coopération militaire. En attendant, Rumsfeld nomme le général
John Sattler au poste de chef d’état-major de la CJTF, avec résidence
à Djibouti. La réputation de stabilité de Djibouti n’empêche
pas les Américains de craindre une opération d’el-Qaïda
contre leurs intérêts dans le pays. James Beamer, un diplomate
accrédité à Djibouti, se veut pourtant rassurant : «
Nous faisons confiance aux militaires français, qui connaissent parfaitement
le terrain et font du bon boulot », explique-t-il.

Comment les Français
vivent-ils le débarquement de l’armada américaine ? L’état-major
se montre fort discret sur la question, mais l’on évoque, ici ou là,
quelques frictions

. Avec leurs gros sabots
et leur obsession sécuritaire, les Américains ont quelque peu
bouleversé les habitudes du camp Lemoine, qu’ils partagent avec les
légionnaires français. Officiellement, tout va bien, mais les
Djiboutiens sont conscients d’un changement d’attitude chez leurs partenaires
français. « C’est vrai qu’ils ont toujours manifesté leur
solidarité avec la population djiboutienne, mais nous avons l’impression
que l’arrivée des Américains a renforcé cette volonté
de coopération. Depuis quelques mois, ils mettent les bouchées
doubles en matière d’éducation. Plusieurs projets sociaux ont,
par exemple, été inaugurés. » Au fond, pour les
Français, Djibouti est un peu comme une vieille épouse délaissée
qui redevient séduisante dès lors qu’elle est courtisée
par un autre.

CHERIF
OUAZANI,
envoyé spécial

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Ismaïl
Omar Guelleh : les Américains, Ben Laden et moi

Elu à la présidence
de son pays en avril 1999, Ismaïl Omar Guelleh est un ancien chef des
services de sécurité. Il sait donc de quoi il parle lorsqu’il
évoque la lutte antiterroriste. Les attentats du 11 septembre 2001
ont mis en évidence l’importance stratégique de Djibouti, qui,
en raison de sa position géographique, contrôle le golfe d’Aden
et Bab el-Mandab, par où transite une grande partie du pétrole
consommé dans le monde. C’est sans nul doute ce qui explique que, le
21 janvier, George W. Bush l’ait reçu en grande pompe à la Maison
Blanche, en présence du ban et de l’arrière-ban de son administration.
Honneur assez exceptionnel, tous les ténors en effet étaient
là, du vice-président Dick Cheney au secrétaire d’État
Colin Powell, en passant par la patronne du Conseil national de sécurité,
Condoleezza Rice, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld,
et son adjoint Paul Wolfowitz. Deux semaines avant son voyage aux États-Unis,
le président Guelleh avait reçu l’envoyé spécial
de J.A.I.

J.A./L’INTELLIGENT : Vous
avez rencontré à de nombreuses reprises les responsables américains.
Que vous ont-ils dit ?


ISMAÏL OMAR GUELLEH : Une totale franchise a présidé à
ces rencontres. Tous les sujets ont été abordés sans
tabou, et en premier lieu, bien sûr, la lutte mondiale contre le terrorisme.
La première visite d’un membre de l’équipe Bush remonte au 11
décembre 2002. Donald Rumsfeld a saisi l’occasion d’une tournée
régionale pour superviser l’installation du nouveau chef du corps expéditionnaire
américain, le général John Sattler, qui coordonne par
ailleurs l’action de l’ensemble des troupes de la coali on stationnées
à Djibouti. Rumsfeld m’a appris que le président d’un pays voisin
lui avait proposé d’installer chez lui les troupes américaines,
mais il a décliné l’offre, estimant que Djibouti présentait
davantage de garanti es de stabilité.


J.A.I. : Djibouti compte pourtant une importante communauté yéménite
à l’égard de laquelle les Américains seraient fondés
à nourrir certains soupçons…

I.O.G. : Ce sont avant
tout des Djiboutiens et nous en répondons. Vous savez, ces gens-là
sont très différents des Yéménites du Yémen,
qui baignent, c’est vrai, dans un climat propice au développement des
idées intégristes. Le moins que l’on puisse dire est que les
autorités de Sanaa se sont longtemps montrées fort laxistes
avec les islamistes, n’hésitant pas, lors de la guerre de sécession,
en 1994, à les instrumentaliser. Ayant largement contribué à
la victoire du président Ali Abdallah Salah sur les socialistes, ceux-ci
sont devenus incontournables et se sont retournés contre le chef de
l’État. Des partis islamistes comme el-Islah, qui contrôle le
Parlement, ont créé une situation qui ressemble fort à
celle qui prévaut en Arabie saoudite. Un exemple ? L’université
théologique, créée à Sanaa avec le concours financier
de richissimes hommes d’affaires, forme chaque année plusieurs centaines
de prédicateurs. Or toutes les mosquées du Yémen sont
pourvues d’un imam. Que peuvent faire ces diplômés, sinon sombrer
dans l’action subversive ?


J.A.I. : Ne risquent-ils pas de s’intéresser, un jour, à Djibouti
?

I.O.G. : Nous veillons
à prévenir toute contagion. Nous sommes un pays 100 % musulman,
mais cela ne nous empêche pas de construire des églises. Comme
vous le savez, aucun lieu de culte n’a été attaqué.


J.A.I. : Êtes-vous en mesure de déjouer d’éventuelles
opérations d’el-Qaïda ?

I.O.G. : Nous avons la
baraka. En un quart de siècle, nous n’avons connu qu’une seule action
terroriste, en 1987. Elle était le fait d’un Tunisien agissant de manière
apparemment isolée L’homme, vous vous en souvenez, a déposé
une mallette piégée à la terrasse d’un café fréquenté
par les légionnaires français. Il a été immédiatement
identifié, a rrêté, jugé et condamné. Il
vient d’ailleurs d’être libéré.


J.A.I. : Pas de « syndrome de Mombasa », donc ?

I.O.G. : Non. Contrairement
à Djibouti, le Kenya est un grand pays, difficile à surveiller.
D’autre part, les intérêts israéliens y sont considérables,
ce qui est de nature à susciter des actions terroristes.


Pourtant, de nombreux étrangers résident à Djibouti,
sans parler de la présence militaire américaine… Je vous répète
que ce pays, qui est presque une ville-État, peut aisément être
sécurisé. Faites confiance à nos services spécialisés
!


J.A.I. : Qu’attendez-vous de votre coopération avec les Américains
?

I.O.G. : Beaucoup de choses.
J’ai expliqué à nos interlocuteurs que nous souhaitons de leur
part une plus grande implication dans le développement économique
de Djibouti. En outre, il n’est pas question que les Français, qui
sont là depuis 1977, soient astreints au paiement d’une redevance et
pas les Américains .


J.A.I. : Combien avez-vous demandé ?

I.O.G. : Nous n’en sommes
encore qu’au stade des négociations. Nous avons dépêché
deux juristes à Washington en vue de la rédaction d’un document
qui servira de cadre à la coopération militaire entre nos deux
pays.


J.A.I. : Quel sera le montant de la redevance ?

I.O.G. : Sincèrement,
je ne suis pas encore en mesure de vous le dire. En revanche, je peux vous
confier qu’il sera plus important que celui qu’acquittent les Français
[130 millions de dollars, NDLR]. Reste que l’essentiel, à nos yeux,
est le renforcement des relations politiques.


J.A.I. : La présence, depuis plusieurs mois, de près d’un millier
de soldats américains n’a eu, semble-t-il, aucune incidence sur l’économie
locale. Les commerçants se plaignent que lesdits soldats ne consomment
rien sur place et évitent soigneusement de ortir… I.O.G. : C’est
ridicule. Allez du côté de l’aéroport, vous verrez qu’ils
ont prolongé la piste d’atterrissage et construit de nouveaux hangars.
De nombreux marchés ont été confiés à des
entreprises de travaux publics djiboutiennes.


J.A.I. : Négocierez-vous avec les États-Unis en tant que pays
ou en tant que chef de file de la coalition ?

I.O.G. : Comme avec les
Allemands, qui sont là depuis février 2002, nous discuterons
avec les Américains dans un cadre bilatéral et, en aucun cas,
multilatéral. Les Espagnols, qui, eux aussi, sont présents à
Djibouti, seront logés à la même enseigne, de même
que tout membre de la coalition qui décidera de se joindre à
la Task Force.


J.A.I. : Djibouti est membre de la Ligue arabe et cette institution a clairement
affiché son hostilité à d’éventuelles frappes
contre l’Irak…

I.O.G. : J’ai été
très clair avec Rumsfeld : en l’absence d’une résolution du
Conseil de sécurité de l’ONU, aucun avion décollant de
Djibouti ne devra participer au bombardement de l’Irak ou de tout autre pays
arabe. I l a parfaitement compris notre position et m’a confirmé que
les troupes américaines stationnées chez nous ne participeront
qu’à des opérations contre el-Qaïda.


J.A.I. : Le 3 novembre, un avion sans pilote Predator a bel et bien décollé
de Djibouti avant de frapper une cible au Yémen !

I.O.G. : L’opération
ne visait pas un État arabe, mais Sinane el-Harithi, un ressortissant
yéménite membre d’el-Qaïda. Et celui-ci a bien cherché
ce qui lui est arrivé : quatre jours auparavant, il avait assassiné
quatre gardes du corps du fils du chef de l’État. Si le gouvernement
du Yémen ne l’a pas pleuré, pourquoi voulez-vous que je verse
des larmes de crocodile ?


J.A.I. : Votre partenariat avec les États-Unis vous donne-t-il les
moyens d’essayer d’empêcher la guerre ?

I.O.G. : Nous sommes convaincus
de la nécessité d’une résolution onusienne, mais il faut
être réaliste : les Arabes ne sont pas de taille à se
mesurer Washington. La Jordanie, par exe mple, vient de se voir promettre
une aide de 1 milliard de dollars. Comment voulez-vous qu’Abdallah II proteste
contre d’éventuelles frappes sur Bagdad ? Pour leur part, l’Arabie
saoudite accueille sur son sol deux bases américaines (plus de cinquante
mille hommes, au total) et le Qatar vient de signer un accord militaire avec
les Américains qui ne souffle mot de l’Irak. Dans ces conditions, je
ne vois pas en quoi la présence de soldats américains à
Djibouti serait une trahison de la cause arabe.

Propos
recueillis par
CHERIF OUAZANI

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L’homme
du président

Natif de la ville d’Ali
Sabieh, Hassan Saïd Khaireh est né en 1951. Il a 20 ans lorsqu’il
s’engage dans la police nationale. Six ans plus tard, Djibouti accède
à l’indépendance. C’est à cette époque qu’il fait
la connaissance de celui qui, vingt-deux ans plus tard, deviendra le chef
de l’État : Ismaïl Omar Guelleh.

Dans l’ombre de celui-ci,
inamovible patron des services de sécurité, il fera toute sa
carrière. Dès 1978, il est l’un des premiers fonctionnaires
affectés au Service de documentation et de sécurité (SDS),
nouvellement créé. Sa loyauté envers Guelleh et son esprit
d’analyse concourent à en faire le numéro deux. En 1985, Guelleh
est nommé chef de cabinet du président Aptidon et Khaireh lui
succède tout naturellement la tête du SDS. Le 8 juin 1999, au
lendemain de l’élection de son mentor à la présid ence,
il est nommé chef de la Sécurité nationale. À
ce titre, il chapeaute le SDS et la redoutable Force de police nationale (FPN),
le corps d’élite du régime.

Marié et père
de trois enfants, cet Issa longiligne aux cheveux plus sel que poivre est
désormais impliqué dans toutes les décisions importantes
et participe notamment aux rencontres entre Guelleh et le général
John F. Sattler, le patron de la Combined Joint Task Force (CJFT).

Bien entendu, il s’efforce
de convaincre son interlocuteur que la sécurité est parfaitement
assurée dans le pays. « Le taux de criminalité y est très
faible et plus de 75 % des détenus sont des ressortissants étrangers,
éthiopiens et somaliens en premier lieu », plaide-t-il. Mais
c’est précisément ce que redoutent les Américains : une
immigration non contrôlée en provenance d’un pays à haut
risque.

Dans leur collimateur,
le mouvement baptisé El Itihad Islami Somalia, auteur du double attentat
du 28 novembre, à Mombasa. « Nous savons que vingt mille réfugiés
somaliens sont établis chez nous. Nous savons aussi que, chaque jour,
une cinquantaine d’Éthiopiens et de Somaliens franchissent illégalement
la frontière. Mais nous contrôlons la situation, l’ordre public
n’est pas menacé. »

Les Américains
en sont-ils convaincus ?

« Ils sont là
et nous nous entendons très bien. Aussi bien qu’avec nos amis français
», répond Khaireh. Qu’attend-il de l’installation de la Task
Force à Djibouti ? D’abord, une formation pour une cinquantaine de
ses hommes ; ensuite, la livraison de matériel de surveillance électronique
afin de rendre les frontières du pays moins « poreuses ».
Quand il aura obtenu ce qu’il attend, alors, oui, Hassan Saïd Khaireh
sera un chef de la Sécurité nationale heureux.

Ch.O.