15/06/03 (B202) Les Roitelets (MRD – Comité de Belgique)

« Quand, dans
un Etat, il y a plus d’avantages à faire le courtisan, qu’à
faire son devoir, c’est là en toute logique un Etat perdu »
,
c’est, en substance, ce que Montesquieu a un jour tenu comme propos, …
Qu’a-t-il bien voulu dire ? Quel genre de comportement a-t-il voulu dénoncer ?
Quel rapport au pouvoir a-t-il voulu condamner ? Quelle mise en garde a-t-il
voulu lancer ? Quelle dérive a-t-il voulu fustiger ?

Sans doute, Montesquieu
a-t-il été frappé par l’attitude de certains de ses contemporains
qui, aveuglés par leur soif de pouvoir ainsi que par leurs vaines ambitions,
se montraient plus soucieux de plaire plutôt que de s’acquitter honnêtement
des devoirs de leur charge ? Sans doute, Montesquieu s’est-il ému de
la manière peu scrupuleuse dont certains de ses pairs assuraient la
gestion des Affaires de l’Etat ? Sans doute, Montesquieu a-t-il été
indigné par l’arrogance ainsi que par la flagornerie de certains de
ses condisciples bien plus empressés d’attirer les faveurs d’un plus
puissant qu’attentifs aux besoins de ceux qu’ils avaient à administrer ?

Et aujourd’hui, …
Le monde a-t-il vraiment changé ? Imaginons un instant que Montesquieu
sorte de son sommeil éternel, apparaisse parmi nous, et observe à
nos côtés cette réalité qui forme notre quotidien,
… Montesquieu éprouverait-il le même sentiment ? Montesquieu
serait-il autant qu’il a pu l’être en son temps également frappé
par les mêmes errements, par les mêmes travers, par les mêmes
carences ?

J’incline à le
croire car les Hommes, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, demeurent encore
et toujours trop souvent obsédés par leurs propres désirs,
succombent trop facilement aux charmes de la flatterie, se laissent trop rapidement
piéger par leur propre vanité,… Ces tendances s’avèrent
d’autant plus préjudiciables lorsque l’on se trouve être en charge
du bien-être commun, lorsque l’on s’est vu confier la périlleuse
responsabilité de protéger la dignité de ses pairs, lorsque
l’on a accepté de prendre part aux destinées de la Cité,
…

Qu’est-ce à dire ?
Il y a quelques mois de cela à présent, une amie assistait au
sein d’un des Districts de l’Intérieure à la « passation
des pouvoirs » entre l’ancien et le nouveau Commissaire de la République.
Elle fut, en tant qu’observatrice expatriée, particulièrement
impressionnée par la liesse populaire qui entourait une cérémonie
qui, selon elle, ne devait au départ connaître guère plus
de développements qu’un petit entrefilet dans un journal national.
Le déploiement de moyens fut d’autant plus inattendu que la ville où
se tînt cette cérémonie lui semblait connaître une
situation socio-économique particulièrement critique. Elle pensait
alors très naïvement que, confronté à ces importantes
difficultés, aux prises avec d’énormes problèmes, il
était de bon aloi de faire montre d’une certaine retenue plutôt
que de donner dans l’ostentatoire, … Elle pensait de manière par
trop candide qu’une ville laissée depuis trop longtemps à l’abandon
par l’Etat allait réserver un accueil mitigé à celui
qui est supposé assurer sa représentation en son sein, …
Elle pensait à tout le moins qu’une population en état de survie
permanente allait faire preuve d’une certaine réserve à l’égard
d’un Représentant de l’Etat dont on sait trop combien, en dépit
peut-être d’une bonne volonté, les moyens qui lui ont été
alloués sont dérisoires, … Il n’en fut rien et l’accueil
fut à la mesure des espoirs d’avenir meilleur ressentis par la population
locale, …

Cette situation bouleversa
profondément notre expert car elle prit alors conscience du caractère
particulièrement cynique que pouvait revêtir cette cérémonie,
… Quel sens cela pouvait-il avoir de consacrer autant d’énergie,
de mettre autant de soin, dans la préparation et l’organisation d’une
cérémonie d’ intronisation, alors qu’à quelques mètres
à peine du lieu de ladite cérémonie, au même moment,
le maigre corps médical était en grève dans l’indifférence
générale depuis près de deux jours en raison du non-paiement
des salaires ?

Quelle importance peut-on
réellement accorder à cette manifestation alors que la population
ne peut même pas compter sur un service public minimal garanti ? Quel
intérêt cela peut-il représenter de danser et chanter
en l’honneur d’un nouveau vassal alors que ce dernier hérite d’un domaine
où le néant fait figure de seule richesse ? Quelle est l’exacte
portée d’un tel déferlement de passions si ce n’est celle qui
consiste à faire allégeance dans l’espoir de pouvoir par après
bénéficier des largesses du nouveau représentant du Prince ?
Quel est le crédit que l’on peut accorder à ces applaudissements
et ces acclamations dès lors que, au même instant, un aréopage
d’obligés et de courtisans attendaient plus loin patiemment le retour
du nouveau roitelet afin d’introduire auprès de lui leurs doléances ?

Quelle est la sincérité
de ces cris de joie bien davantage motivés par la perspective d’obtenir
des privilèges que par la sincère reconnaissance et estime portées
à l’égard d’un Commis de l’Etat au sens le plus noble du terme ?
Soyons de bon compte et admettons que cette cérémonie dite de
« passation de pouvoirs » relevait davantage de la mauvaise farce
et ne méritait donc pas que les cours dispensés dans les établissements
scolaires soient suspendus, …!


Quand donc les Citoyens de ce pays qui fut jadis le berceau de l’humanité
comprendront-ils qu’ils ne doivent plus rien attendre ni de l’Etat ni de quelque
autre autorité étrangère et que la seule voie qui leur
est offerte est celle de la reprise en main de leur propre destin ? Quand donc
les Citoyens de ce pays aux décors naturels si riches et variés
intégreront-ils le fait qu’il est pour eux bien plus valorisant de
puiser dans leurs propres ressources pour construire leur avenir plutôt
que de miser sur tel ou tel autre financement émanant de je ne sais
trop quel organe de coopération au mal développement ?

Quand donc les Citoyens
de ce pays dont la jeunesse désœuvrée et désorientée
est si nombreuse daigneront-ils accorder un plus grand intérêt
à leur propre héritage historique plutôt que de jurer
uniquement par une certaine grande puissance européenne ?

Quand donc les Citoyens
de ce pays au carrefour d’influences spirituelles et culturelles si différentes
parviendront-ils à prendre la réelle mesure de leur importance
dans un univers où le manichéisme ambiant nous fait trop souvent
perdre de vue le caractère composite de notre identité d’Homme ?

Je ne cesse de me poser
ces questions sans pouvoir y trouver une réponse. Ce pays qu’est Djibouti
est mon pays natal, c’est pourquoi je suis profondément tourmenté
par la crise importante qu’il traverse depuis une dizaine d’années
et ce d’autant que les potentialités sont vastes. C’est ainsi que,
je forme le vœu pieux que la société civile et non plus
l’Etat-momie, puisse très rapidement le sortir de l’ornière.
Il ne s’agit que d’une question de volonté, que d’une résolution
ferme à prendre, que d’un premier pas à poser sur le chemin
du Salut.

C’est là un grand
défi à relever, mais c’est là aussi, le seul qui vaille
la peine, … Tout le reste n’est que pure vanité, que vain espoir,
que futile attente, …


Le Comité du MRD en Belgique