17/10/04 (B268) RSF : SOMALIE / Un journaliste mis en joue et menacé par la milice d’un président autoproclamé à Mogadiscio.

Quatre miliciens aux ordres
de l’homme d’affaires et dirigeant politique Abdinur Ahmed Darman ont gravement
menacé et brutalisé un journaliste somalien, à l’entrée
d’un camp de réfugiés de Mogadiscio, dans la matinée
du 16 octobre, sous les yeux d’une de ses cons¦urs.

« Reporters sans
frontières, une fois de plus, s’insurge contre le règne de la
terreur qu’entretiennent les chefs de factions en Somalie, en toute impunité.
Le businessman et dirigeant du parti de la République de Somalie unie
(USRP), Abdinur Ahmed Darman, devrait respecter le travail des journalistes
somaliens, dont le courage honore ce pays dévasté par treize
ans d’anarchie et de guerre. La façon dont ses hommes de main ont brutalisé
et menacé un journaliste augure mal de ses intentions pour la Somalie
», a déclaré l’organisation de défense de la liberté
de la presse.

Facilitateur d’affaires
et chef de l’Etat autoproclamé

Autoproclamé président
de la Somalie en juillet 2003 devant 5000 partisans réunis à
Mogadiscio, Abdinur Ahmed Darman et sa milice privée exercent un pouvoir
sans partage sur certains quartiers de la capitale et une partie du sud du
pays. Homme d’argent plus que chef de guerre, Abdinur Ahmed Darman, qui à
son retour d’exil en 2003 affirmait être un « facilitateur d’affaires
», a été accusé, dans un rapport de l’ONU, d’être
impliqué dans l’impression de fausse monnaie. Il est l’un des derniers
chefs claniques à refuser de reconnaître l’autorité du
président Abdullahi Yusuf, qui a prêté serment devant
le nouveau parlement somalien réuni au Kenya, le 14 octobre.

Abdullahi Yassin Jama,
journaliste de Radio Banadir, et Zeynab Abukar Mohammed, journaliste de HornAfrik
Radio, recueillaient le témoignage de civils réfugiés
au « Camp Bosnia », dans la capitale somalienne, après
que leurs maisons avaient été dévastées par des
pluies torrentielles. « A la fin de notre reportage, a raconté
Abdullahi Yassin Jama, quatre hommes armés se sont plantés à
l’entrée du camp et m’ont interpellé. Ils m’ont dit : ‘Montre-nous
ton magnétophone et ton enregistrement, et si nous entendons un seul
mot sur le gouvernement d’Abdullahi Yusuf, tu perdras la vie.’ » Lorsque
sa cons¦ur Zeynab Abukar Mohammed a vu qu’il avait été
interpellé par les quatre miliciens, elle s’est cachée derrière
un kiosque.

Selon le récit
qu’Abdullahi Yassin Jama a fait au Somali Journalist Network (Sojon), un observatoire
somalien de la liberté de la presse, un des miliciens aurait alors
placé le canon de son arme sur sa tête, après l’avoir
plusieurs fois giflé. Alors que, dans son enregistrement, une femme
déclarait qu’elle espérait que le « gouvernement somalien
au Kenya » lui accorderait « un nouveau logement », le journaliste
s’est enfui en courant, essuyant les tirs de Kalachnikov des miliciens d’Abdinur
Ahmed Darman. De son côté, Zeynab Abukar Mohammed a attendu le
départ des miliciens pour quitter le camp de réfugiés
et rejoindre sa rédaction. Tous deux sont aujourd’hui en sécurité.

Ecouter les journalistes
somaliens

Face à cette brutalité
et à l’impunité dont jouissent les hommes en armes en Somalie,
Reporters sans frontières réitère son appel aux parlementaires
et au nouveau Président à ne pas gâcher l’opportunité
qui s’offre à eux. « Puisqu’il s’agit de reconstruire le pays,
il ne faut pas le faire au détriment de journalistes qui, en dépit
de la violence permanente, continuent de faire leur travail, a conclu l’organisation.
La presse somalienne doit être non seulement protégée,
mais également soutenue et écoutée par ceux qui ont la
charge de créer une nouvelle Somalie. »

Leonard
VINCENT
Bureau Afrique / Africa desk
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