28/04/05 (B295) RFI : Affaire Borrel : la première juge de l’affaire témoigne.

Myriam Viargues est la première juge d’instruction de l’affaire Borrel. A Toulouse, pendant un an et demi, elle a tenté de démêler les fils d’un dossier « difficile ». Elle s’exprime aujourd’hui pour la première fois. Pour dire ses doutes, ses convictions et… ses regrets.

RFI: Vous avez été la première juge d’instruction du dossier Borrel, qu’est-ce qui vous apparaît prioritaire, dès le début, pour essayer de comprendre les causes de la mort de Bernard Borrel ?
Myriam Viargues :
A l’évidence, il était indispensable de procéder à l’exhumation en vue de l’autopsie du corps de Bernard Borrel, puisqu’il était nécessaire d’avoir des éléments au niveau médico-légal. C’est ce que je fais, en désignant non seulement un médecin légiste, mais puisque nous savions qu’il y avait eu une immolation par le feu, je désigne aussi un expert en incendie pour assister à l’autopsie et travailler avec le médecin légiste.

RFI: Cette autopsie est réalisée… quand disposez-vous des résultats ?
Myriam Viargues :
J’ai périodiquement rencontré les experts qui m’ont tenu au courant de leur travail. Ils avaient besoin d’éléments sur les lieux où avait été découvert le corps de Bernard Borrel. Et ce n’est que plusieurs mois après, que j’ai pu entrer en possession d’une copie de la procédure qui avait été faite au moment de la découverte de la mort de Bernard Borrel, que j’ai pu leur donner ces éléments. Cela a aussi contribué à retarder les choses.

RFI: Le rapport d’experts conclut que Bernard Borrel n’a pas pu s’asperger d’essence, n’est ce pas ?
Myriam Viargues :
C’est le sens des conclusions des experts.

RFI: L’autre aspect de votre enquête, c’est d’explorer la vie publique et privée de Bernard Borrel.
Myriam Viargues :
J’ai délivré une commission rogatoire aux gendarmes de la Brigade de recherche de Muret, qui ont entrepris un certain nombre d’investigations, qui, toutefois étaient relativement limitées, puisqu’elle ne pouvaient s’exécuter que sur le sol français. Mais qui ont permis d’avoir quelques éléments sur sa personnalité, sa vie. C’était un magistrat unanimement reconnu comme un très bon professionnel. Quelqu’un de rigoureux dans son travail, très attaché à sa famille, très attaché à son rôle de père de famille, c’est le portrait qui ressortait de cette enquête. En tout cas, pas le moindre élément défavorable concernant sa vie privée ou professionnelle.

RFI: Quelles conclusions –provisoires- pouvez-vous tirer à partir de ces éléments ?
Myriam Viargues :
Les conclusions provisoires, c’est qu’il est fort probable que Bernard Borrel ne s’est pas suicidé et qu’il faut continuer les investigations. Et ce qu’il faut faire, c’est à l’évidence se déplacer à Djibouti pour enquêter sur place. La question se pose alors pour moi de savoir si à Toulouse, avec les moyens que nous avons, nous sommes capables d’effectuer ces investigations. Et moi, en toute franchise, je me dis que non et qu’il vaut mieux que je sois dessaisie de ce dossier, au profit de collègues parisiens. Et je pense à ce moment-là bien sûr, aux collègues de la section antiterroriste qui eux ont l’habitude de travailler sur ce type de dossier. J’en parle avec le parquet et la réponse qui m’est donné, venant du parquet général, c’est qu’il n’est pas favorable à un dessaisissement. A l’époque, j’ai l’impression que le parquet n’est pas convaincu que Bernard Borrel ne s’est pas suicidé et donc ne voit pas l’utilité de continuer des investigations et donc de se dessaisir du dossier.

RFI: A l’époque, on a beaucoup dit qu’Elisabeth Borrel, le veuve du juge Borrel, était un peu folle, qu’elle n’arrivait pas à se relever de cette mort tragique…
Myriam Viargues :
Pas du tout, pas du tout. Elisabeth Borrel est en grande souffrance, c’est une évidence, mais elle est toujours parfaitement cohérente dans tout ce qu’elle explique, tout ce qu’elle dit. Elle sait donner des arguments, des explications convaincantes. Même si elle le fait parfois avec tellement de conviction qu’elle peut paraître excessive. A aucun moment je n’ai douté de la santé mentale d’Elisabeth Borrel. Jamais.

RFI: Vous avez fait des demandes d’acte auprès des autorités djiboutiennes ?
Myriam Viargues :
Effectivement, dès le début du dossier, j’ai fait une commission rogatoire internationale par laquelle je demandais aux autorités djiboutiennes de me transmettre non seulement la procédure établie sur place, tous les actes faits sur place et un certain nombre d’indications sur les lieux de découverte du corps de Bernard Borrel. Je n’ai jamais eu de réponse à cette commission rogatoire internationale et, à ce jour, à ma connaissance, il n’y a toujours pas eu de réponse.

Propos recueillis par David Servenay

Article publié le 27/04/2005