04/11/05 (B323) Radio-Trottoir : en direct du théâtre des Marionnettes, Guignol, le méchant et le fourbe s’adresse à vous, en direct ! Impertinents, prière de s’abstenir de rire, sinon c’est Gabode ! (Correspondant de l’ARDHD à Djibouti)

« NIN NAAG KA CABSOODA,
SHACBIGIISI WA IN KA CABSOODO »

Qui a peur d’une femme,
doit avoir peur de son peuple

Au-delà de tout ce qui se dit ou s’écrit en français, c’est souvent dans les langues nationales que l’on saisit le mieux les réalités djiboutiennes. Surtout quand les propos sont tenus par les dirigeants.

Ainsi, les djiboutiens avaient été profondément choqués par ceux tenus par le Chef de l’Etat, Président du RPP, lors d’une récente réunion « ramadanienne » du comité central de ce parti. La retenue à laquelle invite l’Islam, au moins en ce mois béni, n’a servi à rien.

C’est donc médusés que les téléspectateurs de la RTD ont entendu Ismael Omar dire, à propos de la veuve Borrel : « cette femme, c’est une épreuve qu’Allah nous impose » (Naag ayu Ilaah nagu sallidey). En Islam, Allah ayant toujours raison, c’est au fautif qu’il fait subir des épreuves. Donc, en toute logique l’affaire Borrel serait imposée à Ismael Omar par Allah pour le punir de quelque faute. Si ce n’est plus !

Faiblesse du chef de l’Etat que l’opposition djiboutienne n’a pas manqué d’utiliser à son profit, au moins pour masquer sa propre inaction.

Lors du meeting de l’UAD tenu le jour de la fête de l’Aïd, marquant la fin du Ramadan, un des orateurs s’est écrié : « Voyez l’affaire Borrel. Ismael Omar a peur d’une seule femme, qui plus est, est étrangère. Il doit donc avoir encore plus peur de son propre peuple. Debout et chassons-le ! »

Effectivement, à la seule vue d’une situation sociale explosive marquée par de nombreuses manifestations populaires, parfois violentes, Ismael Omar a normalement de quoi avoir peur. C’est peut-être à cause de cette peur qu’il a tenu, en langue somalie, des propos malchanceux pour le pays et fatals pour lui lors du cocktail offert en son Palais ce fameux jour de l’Aïd. Qu’on en juge : « Si j’avais été informé de la date et de l’heure de la manifestation (de Balbala, NDLR), j’y aurais personnellement participé. »

Rien que ça : un chef d’Etat avouant qu’il aurait pris part à la contestation populaire de son action, avouez que même Hugo Chavez n’a jamais été aussi loin dans son populisme. Qui est certainement moins démagogique que celui du numéro un djiboutien, tout ce qu il y de mal élu, avec l’aval de l’ancien président du Conseil constitutionnel, actuellement humilié en public.

Lequel, se reprenant aussitôt, a salué l’énergique action des forces de sécurité intérieures et extérieures ( Nabad Sugid en version originale), ainsi que de la Gendarmerie dans la brutale répression de ces manifestations d’insubordination civique.

Pourtant, nul n’ignore ici que la manifestation de Balbala s’est soldée par la mort tragique d’un manifestant tué d’une balle dans le dos par un élément de la Police : Arme et Gendarmerie n’ont rien à y voir.

D’où les spéculations des djiboutiens :

1) citer les forces de défense et de sécurité dans ce contexte revient à glorifier son premier responsable qui tient piètrement le devant de la scène face à la Justice française. Pourtant, l’Armée est fortement perturbée par le récent assassinat du chef de poste de Galafi, un sous-officier d’origine issa Saad-Moussa, froidement abattu par un autre soldat, pour des motifs inconnus.

2) citer la Gendarmerie revient à occulter le fait que l’interpellation officielle des meurtriers présumés des derniers assassinats (celui d’un médecin et celui d’une fonctionnaire, tous deux d’origine issa Saad-Moussa), n’a pas empêché les sanglantes représailles à l’encontre de toute la communauté Oromo, essentiellement immigrée.

Pour leur part, les djiboutiens retiennent deux choses :

1) Ismael Omar est encore capable de raconter n’importe quoi pour se justifier. Le téléphone arabe fonctionnant bien ici, chacun se souvient des promesses qu’il a faites à Obock durant la campagne électorale présidentielle de 2005. Où il racontait que du pétrole avait été découvert dans cette région, qu’il avait déjà conclu un accord avec une importante société pétrolière pour son extraction et que la mise en valeur de cette inestimable ressource naturelle commencerait dès sa réélection. Lui et son gouvernement auraient dû le rappeler à tous les Djiboutiens et plus particulièrement au syndicat des taxis et autobus, et à tous les Djiboutiens, dont la grève a perturbé la Capitale il y a quelques jours de cela.

2) qu’Ismael Omar sera le dernier à se préoccuper de la misère sociale, lui qui autorise une telle opacité dans la gestion des deniers publics fortement renfloués par des bases étrangères dont les Etats propriétaires se montrent capables de tant d’aveuglement à son égard. Car, il a beau prétendu avoir voulu manifester aux côtés de ses concitoyens de Balbala, il a aussitôt rectifié ses propos démagogiques pour contester le bien-fondé de cette grogne populaire, prétextant que la dégradation des conditions de vie en république de Djibouti était la faute aux riches de la planète.

Sans oublier le fait que, pour l’opinion publique djiboutienne, il se serait récemment rendu au royaume d’Arabie Saoudite uniquement pour récolter le zakaat, c’est-à-dire l’aumône religieuse. Déjà qu’il avait promulgué un décret obligeant tous ses compatriotes à verser cette aumône à l’Etat, si en plus il fait main basse sur celle qui vient de l’extérieur ! C’est tout simplement le détournement public d’un précepte religieux.

Allah, au secours !
Illahow, na soo gaadh !

Un représentant de l’ARDHD
à Djibouti