10/06/06 (B354_A) Un lecteur nous adresse un conte inspiré probablement de la Fable de la Fontaine : « Le loup et le chien ». A déguster avec plaisir et sans modération.
Ce sont les retrouvailles à Djibouti de deux amis d’enfance.
1 – Le premier, Sougueh Daga-Dalole vit en brousse, dans un environnement sain (respect et liberté).
2 – Le second, Hassan Danessté, a quitté la campagne, préfèrant émigrer vers la vie modeme du centre urbain d’un pays voisin ( pouvoir et mensonge).
Sougueh Daga-dalole : ( oreille trouée) le sage.
Salut vieux , on ne t’a pas vu souvent ces derniers temps. Depuis que la dynastie a pris le pouvoir de la manière que tout le monde connait en appliquant des techniques dépassées de fraude massive pour détourner les voies du peuple ; Il parait que tu as changé totalement tes convictions et que tu joues maintenant dans la cour du mafiosi.
Cela fait presque dix années que nous ne nous étions pas revus ; depuis il y a eu beaucoup de changements, le temps est précieux et des nouvelles têtes sont apparues : ce sont elles qui régentent désormais notre pays maudit.
Hassan Danessté ( le profiteur )
Mais non, mon ami, c’est le petit Oflé de I’Oued, le fils du rail de Diré-Dawa qui dirige maintenant le pays tout entier.
Moi, sous ses directives, j’assume de grandes responsabilités au service du clan. Par exemple, ces derniers temps je suis très occupé. J’abats un boulot énorme :
– la décoration du palais
– les invitations pour les coktails et les dîners,
– les brosses à reluire,
– les blagues et les passages absurdes au pays de Kotou pour donner de l’énergie
au Roi,
– le ramassage des fonds spéciaux par différents moyens : pas toujours facile de convaincre les Djiboutiens de payer des impôts spécifiques, mais je me donne les moyens pour cela, car je sais beaucoup de choses sur leur vie et leurs bénéfices,
– le paiement de la pension accordée par le Roi aux principaux dignitaires ; certains en veulent toujours plus et je dois calmer leurs appétits.
Sougueh, Daga-dalole :
Frère, tu n’es plus le petit gugusse gabe que j’ai connu il y a une quarantaine d’année à Diré-dawa ; te rappelles-tu le Kamir, ce gâteau dur de Waris, la voisine de Hafad-issé. Tu en raffolais. Ah que de bons moments on a passé tout ensemble durant notre jeunesse. Celui qui se fait passer pour Roi, maintenant, jouait souvent avec nous, lorsqu’il n’était pas occupé à garder les chameaux.
Mais je me souviens un jour, le fameux nobé-nobé, tu sais le conducteur du train Assajok quand il a tué le troupeau de chameaux qui broutaient non loin de la gare.
Le jeune Oflé il criait comme un forcené et il l’avait menacé : « quand je serais grand, c’est moi qui te tueras et j’écraserai alors tous ceux qui se mettront en travers de mon chemin ». On avait mis sa crise de folie sur le compte du désespoir pour la perte de ses chameaux.
Hassan Danesté :
Oubli le passé ! Réveille-toi ! C’est du passé. Maintenant il n’y a plus de famine.
On doit vivre comme il faut en profitant du pouvoir de notre ami. Sais-tu que je ne t’ai jamais oublié et que tu es resté mon meilleur ami. Pour te le prouver et pour te faire plaisir, j’aimerais t’inviter à dîner au Palais d’Haramousse chez le Roi et la Reine.
Sougueh Daga-dalole :
Ah, oui, pourquoi pas ! Mais que mange-t-on au Palais royal ?
Hassan Danesté :
C’est toujours un régal. De la viande de chameau et des cuisses de grenouilles importées directement et à grand frais du pays de Kotou. Ahamade, le Chef cuisinier du Palais les prépare à merveille. Il est aussi sorcier : c’est un peu le diable du Palais d’Haramousse
Sougueh Daga-Dalole :
Ca c’est vraiment dommage car je suis végétarien. En tout cas, je te remercie infiniment pour cette invitation. Mais comprend moi ! Je raffole des légumes qui poussent à Galbed Gountti, mon pays natal, dans le secteur de Hadka-Saré.
Depuis mon arrivée au nouveau pays du Roi, j’entend des rumeurs qui sont véhiculées par les habitants de ce pays, sur les places et dans les quartiers.
Est-il vrai que parmi les plats mijotés à Haramousse par les grands chefs Kotou, une grande partie est distribuée aux leaders politiques de l’opposition, aux membres des autres clans sui ne sont pas au pouvoir et aux pauvres bédouins qui arrivent de loin ?
Frère, veux-tu me commander un plat chez Haricot Maané de I’avenue 13 ?
Hassan Danesté :
Je vais faire le nécessaire pour te mettre à I’aise et te donner une nourriture saine, comme tu l’aimes, mais je t’en prie, arrête de consommer le Bouri-Danbaass et cesse de cracher sur le tapis en soie.
Sougueh Daga-Dalole :
D’accord, mais où va-t-on manger ?
Hassan Danesté :
Mais chez le Roi, je te l’ai dit. C’est ce gigantesque Palais qui a été construit par les diables et dont les fondations ont été préparées et surveillées par des sorciers venus du pays voisin. Ils étaient tous dirigés par le Roi.
Sougueh Daga-Dalole :
Je ne supporte pas de manger dans une pièce fermée. C’est la saison des allergies ; trop
de luxe m’étourdirait avant la fin du repas. Je ne peux pas tomber malade en ce moment, car mon guérisseur est loin, il est à Galbed-Gountti .
Hassan Danesté:
Ne t’en fais pas pour cela ! On a des médecins formés en Ethiopie, en Somalie et en Afrique du sud. Ils disposent de tout le matériel médical nécessaire pour traiter toutes les affections.
Sougueh Daga-Dalole :
Frère, tu me surprends vraiment.
Je croyais qu’en Afrique du sud, on achetait seulement des chars blindés ou des armes pour conserver le pouvoir en terrorisant le peuple sans défense.
En Ethiopie, il y a une grande école installée qui sert pour accompagner les personnes âgées. On m’a dit que les hommes y portaient de grandes barbes et qu’ils utilisaient souvent des fétiches et des mixtures spéciales pour empoisonner les gens loyaux et honnêtes.
En Somalie, la capitale est divisée en quatre zones par des malfaiteurs armés et c’est la guerre civile.
Hassan Danesté :
Oublie tout cela, mon frère ! N’y penses plus ! Le monde évolue. Par exemple le Roi et ses Warabas utilisent désormais des techniques modernes pour assurer des périodes de repos de longue durée aux citoyens ; Il suffit que le Roi estime qu’ils pensent trop. Cela les guérit souvent et parfois même définitivement. Ne pense pas à cela, c’est une
affaire trop compliquée pour un bédouin comme toi.
Sougueh Daga-Dalole :
Tu as peut-être raison, mais aujourd’hui, quelque chose me dit que je ne suis pas entre de bonnes mains.
Qu’importe, à avoir entendu tes arguments, je suis prêt pour cette invitation chez le Roi chamelier.
Est-il vrai qu’Haramousse soit un sanctuaire ou plutôt un lieu de culte où je devrais me prosterner devant notre ancien camarade des rues pour obtenir son pardon ?
Hassan Danesté :
Ecoute-moi bien, mon cher Sougueh, pendant le dîner, il y aura toutes sortes de jeux dans la salle de réception. Certains invités se plaisent à pratiquer le nudisme. Si l’un d’entre eux baissait son pantalon, je te demanderai de garder ton calme et de ne pas réagir.
Après tout, nous sommes en été et il fait très chaud, ici. C’est une habitude que
certains dignitaires pratiquent pour prouver leur totale soumission au Roi .
Sougueh Daga-Dalole :
Ca c’est extrêmement grave ! Se déshabiller devant une foule des gens, mon ami, moi je ne pourrais pas le supporter. Chez moi, en brousse, on n’a jamais entendu parlé de chose pareille. Tes paroles louches et insupportables me coupent l’appétit à l’avance.
Hassn Danesté :
Ne le prend pas comme cela, je t’en prie. C’est simple et les gens sont gentils et connus à l’avance. C’est juste un petit jeu qui est organisé au Palais par le Roi ou par la Reine et dignitaires et mafiosi y prennent un grand plaisir. Cela leur permet, chacun à leur tour d’apparaître décontractés devant la famille royale. Le but est seulement de demander pardon pour des contrats jûteux au Chef du régime, qui absout les courtisans en échange d’une participation significative dans les bénéfices de leurs affaires.
Sougueh Daga-Dalole :
Arrête de perdre ton temps, mon frère.
Mille mercis pour ton invitation, mais je vais être en retard, car je dois partir dans une heure. Mon chameau est resté attaché à Bal-Balla avec son chargement en nourriture. Dans 5 jours j’arriverai à mon campement de Galbed- Gountti.
Je t’assure qu’aussitôt mon arrivée je rassemblerai la communauté pour lui raconter mon étrange séjour à Djab- Bouti. Au préalable, j’aurais informé le conseil des Sages présidé par le grand Cheik DIRANEH (yeux-rouges)
Il ne me reste plus qu’ à te remercier de m’avoir ouvert les yeux.
G.O.A.
Amérique du Nord