05/03/07 (B385-A) LE FIGARO Éthiopie : cinq étrangers toujours introuvables.
Un
officiel éthiopien a accusé des militaires érythréens
de l’enlèvement. Les autorités d’Asmara ont démenti.
Les touristes britanniques et éthiopiens disparus en Éthiopie
ont-ils été enlevés par des militaires érythréens
? La question restait posée hier, après les déclarations
d’un officiel éthiopien. Ismaël Ali Sero, qui dirige la région
administrative de l’Afar, a accusé samedi l’armée érythréenne
d’avoir enlevé les touristes. Selon lui, les soldats venaient du camp
militaire d’Arat, en Érythrée, et ont incendié quatre
véhicules et deux maisons avant de regagner leur pays en emmenant leurs
otages.
Le ministre érythréen de l’Information, Ali Abdou, a vivement
réagi, dénonçant « une pure invention »,
ajoutant : « L’Érythrée n’a rien à voir là-dedans.
Ça s’est passé à l’intérieur du territoire éthiopien.
» Toujours selon le ministre, « le régime éthiopien
essaie d’exploiter cette affaire à des fins politiques. Ils font sauter
des bombes et accusent ensuite l’Érythréen. C’est une mise en
scène éthiopienne ».
Ces échanges verbaux concernent les personnes disparues jeudi dans
la région inhospitalière de l’Afar et toujours portées
manquantes en fin d’après-midi : cinq Britanniques, parmi lesquels
figureraient des diplomates de l’ambassade à Addis-Abeba, et huit Éthiopiens,
chauffeurs et traducteurs.
Cinq autres Éthiopiens appartenant apparemment au même groupe
ont été retrouvés samedi par une patrouille éthiopienne
près de la frontière de l’Érythrée, selon l’agence
de presse éthiopienne ENA. L’agence n’a pas précisé si
ces cinq personnes avaient été relâchées par leurs
ravisseurs ou si elles avaient réussi à s’échapper. ENA
cite un responsable des forces de sécurité, selon lequel «
les cinq Éthiopiens ont rejoint les forces de sécurité
éthiopiennes après avoir atteint la frontière érythréenne
en venant de Hamedala ».
Quant aux sept touristes – quatre Français, un Suisse et deux Monégasques
– dont on était sans nouvelles dans la même région, ils
ont été retrouvés hier. « Ils sont désormais
à Mekele, où un représentant de notre ambassade a pu
les rencontrer », a précisé le ministre français
des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy.
Le gouvernement britannique s’est refusé à tout commentaire
sur les accusations formulées par l’Éthiopie à l’encontre
de l’Érythrée, précisant qu’il avait dépêché
une équipe sur place.
Une guerre d’usure
Côté éthiopien, on restait hier très prudent. La
déclaration du responsable de l’Afar est considérée comme
une gaffe, et l’on préfère attendre la libération des
Britanniques avant de se prononcer, à la demande de la Grande-Bretagne.
C’est après le dénouement que l’on devrait savoir si l’Éthiopie
pointe officiellement du doigt l’Érythrée, son ex-allié
devenu ennemi.
Des proches du gouvernement font pourtant monter la pression, comme le professeur
Kinfe Abraham, président de l’Institut international éthiopien
pour la paix et le développement. « Si c’est confirmé,
ce kidnapping va désigner de manière évidente l’Érythrée
comme un pays terroriste », affirme-t-il.
La tension entre les deux États date de la fin des années 1990.
Le premier ministre éthiopien Meles Zenawi après avoir chassé
le « négus rouge » Mengistu, en 1991, avec l’aide de son
allié érythréen Issaias Afewerki, a accordé l’indépendance
à ce dernier.
Qui s’est retourné contre lui dans une guerre sanglante de 1998 à
2000, pour quelques arpents de terre frontalières. Aujourd’hui, l’Éthiopie
refuse de reconnaître le tracé établi par l’ONU et l’Érythrée
s’est lancée dans une guerre d’usure par procuration, en soutenant
la plupart des mouvements irrédentistes éthiopiens.
L’Afar a été le théâtre d’un soulèvement
indépendantiste dans les années 1990.
La possibilité d’un nouveau conflit entre
l’Éthiopie et l’Érythrée alimente périodiquement
les conversations diplomatiques, mais hier, on en restait à la guerre
des mots.