16/01/09 (B482) AfarIssas -> Santé à Djibouti : la démission de l’Etat.
La société djiboutienne va mal, dit-on. La crise, présente dans tous les secteurs de la vie sociale, économique et politique, est devenue le lot quotidien. En fait, y a-t-il une vie à Djibouti au-delà de la crise sanitaire ? Au-delà du régime en place ? Malaise et tensions sociales, paupérisation insidieuse, insoutenable inconfort de la vie en ville et en campagne, gestion aberrante du denier publique
Vol au-dessus du chaudron Djiboutien.
Nous sommes en 2009, dans un pays situé à la Corne de l’Afrique de l’Est : Djibouti. Nous nous rendons comme si nous étions des patients dans le dispensaire Paul Faure, dans un centre de maternité puis dans un service de l’hôpital Peltier, tous deux situés à Djibouti-Ville.
C’est l’occasion de montrer les difficultés d’une médecine dont le schéma est imprégné par le modèle occidental, mais qui fonctionne dans les conditions de dénuement total à l’image du pays. Le décalage entre l’image que patients et soignants ont de la médecine avec le mythe d’un âge d’or colonial et la dure réalité alimente les frustrations et crée des tensions permanentes entre infirmiers et malades.
A l’entrée de ces centres de santé, on peut lire ceci : » Dirigez-vous à la caisse « .
De quelle caisse s’agit-il quand on sait que le malade ne dispose pas assez de temps, ni d’argent pour accéder les locaux d’un centre de santé ? Est-ce à dire qu’en cas d’un accident, l’ambulancier devra d’abord passer par ce service ?
A l’hôpital Peltier, à l’entrée, le patient doit préparer la monnaie. Il est accueilli par une nuée de rabatteurs qui lui proposent de le « guider » dans les méandres de l’hôpital, et qui n’hésitent pas, pour le convaincre de la « qualité » de leur service, à lui faire part de leur propre diagnostic. Ici, tout se monnaie.
Le rabatteur, véritable cicérone et maître des lieux, vous proposera « son » médecin, qui se trouve être en consultation dans son « cabinet privé ». Qu’à cela ne tienne, votre guide pourra vous y conduire, d’autant que ledit « cabinet privé » est situé dans l’enceinte même de l’hôpital ! Du coup, le médecin vous réclamera des honoraires plus élevés que ceux auxquels vous donne droit votre carnet hospitalier, puisqu’il s’agit d’une « consultation privée »
Sur la somme perçue par ce médecin, une commission sera reversée au . Ministre de la santé actuelle : M. ABDALLAH ADILLAHI MIGUIL. Hallucinant
Mieux vaut ne pas avoir besoin d’une hospitalisation de longue durée, car la « chaîne » de faux frais et de commissions diverses ajouterait à votre état un diagnostic supplémentaire.
Deuxième lieu, le dispensaire Paul-Faure où tout se vend. Jusqu’au moindre service. Tout se passe comme si ces derniers souhaitaient la mort de tous les patients (??) .
Paradoxe.
Dans cette institution sanitaire, le médecin est roi et ne vous reçoit que si vous aviez préalablement acheté . un ticket à la caisse. Quelquefois, le patient est obligé de se rendre dans une clinique privée où travaille le même médecin pour recevoir des soins appropriés et qui est situé .au sein du dispensaire Paul-Faure ( tous les après-midis)
Dans les salles d’hospitalisation, les meubles coloniaux et les patients se disputent l’espace. L’infirmier qui assure le suivi de votre traitement ne revient que si vous l’avez » motivé » au préalable, c’est le terme utilisé ici. Les médicaments prescrits ne se trouvent que dans les bureaux des médecins. N’allez surtout pas les chercher ailleurs, vous seriez abandonnés à vous-mêmes.
Troisième lieu décrit, le centre de maternité Dar El Hanan situé dans un quartier populaire et qui souffre des mêmes pénuries en moyens. Toutes les femmes en cours d’accouchement doivent avoir sur elles la somme exacte requise avant l’accouchement. Et l’on est étonné des rapports de confiance qui se nouent entre les futures mères et les sages-femmes.
Quelquefois, certaines d’entre elles sont obligées d’accoucher à domicile en famille avec les risques que cela comporte : accouchements non hygiéniques, sans suivis Ni les patients ni les soignants ne sont marqués par cette image qui exacerbe les conflits d’un État à la fois « providence » et « défaillant »
Les drames humains sont devenus l’ordinaire de la relation entre les patients et le secteur hospitalier.
Exemple récent :
Un homme ayant conduit son épouse à l’hôpital a dû en ressortir, après quelques heures, pour aller chercher les médicaments destinés à soigner son épouse. Pendant qu’il attendait à l’extérieur de la pharmacie de garde un malfaiteur a tenté de lui arracher son porte feuille et l’a poignardé. Il a eu la force de revenir à son point de départ, l’hôpital, où il est décédé des suites de ses graves blessures.
Mort, tout compte fait, parce qu’il n’y avait pas à l’hôpital de médicaments pour soigner son épouse Des drames comme celui-là, il s’en produit tous les jours à Djibouti.
A cause de l’extraordinaire absence de conscience professionnelle d’un personnel soignant qui a érigé en système le mercantilisme, le cynisme et le mépris des usagers.
Dans notre pays, l’insécurité sanitaire a atteint des sommets. Le pire, c’est qu’on s’y est habitué, imperceptiblement.
Toutes les villes et campagnes de Djibouti sont victimes de cette pratique devenue le lot quotidien, devant les yeux inertes de nos dirigeants. À l’heure où j’écris cette vérité contre la politique des soins de santé primaires a Djibouti, ces quelques exemples et cas vécus, illustrent un développement sanitaire à double vitesse. Que faire? A vous de juger !!
Afarissas
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