10/01/09 (B533) Monsieur Philippe Seguin s’en est allé. Décès de l’homme de courage, profondément républicain et «empêcheur de tourner en rond ». (Bouh Warsama)
Retrouvez l’intégralité des chroniques de Bouh Warsama : lien | Le décès de Monsieur Philippe Seguin, le 07 janvier 2010 au matin, a semé le trouble et souvent la tristesse dans toute la classe politique française comme dans bien des milieux. Ce fut la journée des beaux hommages rendus à un homme, à un grand serviteur du pays parfois lointains. Il est dit que dans le milieu de l’intelligentsia parisienne on entendait presque parfois quelques murmures du genre « l’emmerdeur flamboyant s’en est allé », propos ponctués par une forme de « ouf ! » de presque soulagement. |
Pourtant l’immense majorité des louanges ont salué en lui un homme de caractère dont la seule ambition fut de servir le pays mais aussi cette Afrique qu’il aimait tant.
Monsieur Philippe Seguin ce fut aussi une grande liberté de parole, des colères mémorables et une originalité ouvertement délaissés par les acteurs et actrices (surtout les comédiens ) de la scène politique française.
S’il restera longtemps dans les mémoires c’est qu’il prit bien soin de ne jamais faire comme tout le monde, de ne pas suivre tel un mouton. Avec sa mort, le Premier Ministre François Fillon perd son père spirituel en politique, mais aussi son mentor avec lequel il a partagé de nombreux combats au nom du « gaullisme social ».
C’est avec une grande émotion qu’il lui a rendu un vibrant hommage jeudi matin, les yeux rougis et un sanglot dans la voix, déplorant la disparition soudaine de « l’un des plus grands serviteurs de la France », mais aussi d’un « ami » qui avait une telle « passion de la France » qu’elle le conduisit parfois « à agir de façon frondeuse ».
Il fut le seul véritable rival que Jacques Chirac eut au sein du RPR mais n’eut jamais d’ambition présidentielle ; on ose dire « dommage » !.
Aux nouvelles générations encombrées par le « politiquement correct » et bâillonnées par des techniques de communication préformatées par les conseillers, il n’a cessé d’opposer un verbe haut et hors du temps qui relevait bien plus de Jean Jaurès que des nouveaux oracles du management élyséen.
Depuis son retrait de la vie politique, le « gaulliste social » n’avait plus vraiment sa place sur un échiquier où toutes les valeurs qui fondaient son engagement sont négligées et dévalorisées.
L’impartialité de l’Etat et le soucis du respect des lois comme de la justice qu’il incarnait et sa conception ouverte et dynamique de la nation qu’il défendait s’accommodaient de moins en moins avec la pratique du pouvoir de l’Elysée.
A titre personnel je conserverai de ce grand serviteur de l’Etat français et défenseur de l’Afrique, entre autres souvenirs, la mémoire du contenu de l’entretien particulier qu’il eut en un temps avec Mohamed Djama Elabeh (AMIN).
Entretien cordial et d’une grande simplicité au cours duquel il n’hésita pas à lui apporter officiellement son soutien avec sincérité et formula tous ses encouragements quant aux grandes réformes que comptait lancer le président du PRD d’alors et chef de l’opposition s’il avait accédé aux plus hautes responsabilités de l’Etat djiboutien par la voie démocratique.
Après le décès de Mohamed Djama Elabeh, constat sera fait à la lecture des analyses médicales faites à Paris sur sa dépouille que les ruses et les machinations ténébreuses qui ont été imaginées par Ismaïl Omar Guelleh et la QABYO, l’ont été pour venir en aide à leur lâcheté.
Chronologie.
– 21 avril 1943: Philippe Seguin naît à Tunis. Son père, « Soldat d’Afrique » tombe en Italie sous les balles allemandes. Il devient pupille de la nation française.
– 1965: Il s’inscrit à l’UNR pour soutenir la candidature du Général Charles de Gaulle à l’élection présidentielle
– 1970: Auditeur à la Cour des comptes à sa sortie de l’ENA
– 1971-77: Maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris
– 1973-74: Chargé de mission au secrétariat général de M Georges Pompidou à la présidence de la République
– 1977: Conseiller référendaire
– 1977-78: Chargé de mission au cabinet de Raymond Barre à Matignon. C’est l’homme des dossiers difficiles, notamment sur l’Afrique.
– 1978: Il est élu député RPR de la 1ère circonscription des Vosges où il « écrase » littéralement le candidat de gauche. Par la suite nombre de se opposants oseront l’affronter ouvertement sur le plan politique.
– 1979-83 : Il est élu Conseiller Régional et devient Vice-président du conseil régional de Lorraine
– 1981: Il est réélu député des Vosges. Co-fondateur avec Michel Noir, Charles Millon et François d’Aubert d’un club, le Centre d’études et de recherches constitutionnelles, législatives et sociales (CERCLES). Le quatuor se donne pour mission de réveiller « l’apathie des appareils de leurs partis »
– 1981-86: Vice-président de l’Assemblée nationale
– 1983: Il est élu maire d’Epinal au premier tour des élections municipales et sera réélu en 1989 et 1995 dans les mêmes conditions. Homme affable et d’une grande simplicité, M Philippe Seguin aime les contacts permanents avec ses administrés. Il va profondément réformer et transformer la ville, les Spinaliens lui conserveront toute leur estime qu’ils exprimeront lors des élections.
– 1984-86: Secrétaire national du RPR chargé de la décentralisation
– 1986-88: Il devient Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac
– 1988-89: Vice-président du groupe RPR à l’Assemblée nationale
– 1990: Il réclame avec Charles Pasqua la fondation d’un nouveau rassemblement pour « régénérer le RPR » en s’inspirant « du message du général de Gaulle »
– 1991 : Création avec Charles Pasqua de l’association « Demain la France », qui se veut « un lieu où l’on puisse développer ses idées en dehors de tout enjeu de pouvoir »
– mai 1992: Il prend la tête de la campagne pour le « non » au traité de Maastricht, après un important discours à l’Assemblée nationale
– 3 septembre 1992 : Débat à la télévision avec le président François Mitterrand sur le traité de Maastricht
– 1993: Il est élu à la présidence de l’Assemblée nationale
– juin 1993 : Il appelle à une révolution culturelle » pour lutter contre le chômage, dénonçant un véritable « Munich social »
– 1995: Il anime avec Alain Juppé et Alain Madelin la campagne présidentielle de Jacques Chirac
– janvier 1996: A Aix-la-Chapelle (Allemagne), il appelle la France et l’Allemagne à une « relance politique » de l’Europe pour « sauver le projet de monnaie unique »
– mars 1996: Il prononce un important discours-programme d’Epinal (Vosges) : l’Europe doit se construire autour d' »un projet-politique » et une monnaie unique au service d' »une priorité absolue, l’emploi »
– juin 1997: Il est réélu député des Vosges. Remplacé à la présidence de l’Assemblée nationale par Laurent Fabius (PS)
– 6 juillet 1997: Il est élu président du RPR sans pour cela avoir d’ambition présidentielle. Pourtant le chemin lui est ouvert.
– novembre 1997: Il démissionne de ses fonctions de maire d’Epinal pour se consacrer à la direction du mouvement gaulliste
– mai 1998: Il est élu président de l’Alliance pour la France, créée avec l’UDF et Démocratie libérale
– 13 décembre 1998: Il est seul candidat réélu à la tête du RPR avec 95,07% des voix, première fois qu’un président du RPR est élu au suffrage direct des militants
– 13 février 1999: est investi par le RPR pour conduire la liste RPR-DL aux élections européennes du 13 juin
– 16 avril 1999: L’homme de convictions démissionne de la présidence du RPR, décide de ne plus siéger au conseil politique du parti gaulliste, et renonce à être tête de liste RPR-DL aux européennes de juin. Il estime que le RPR ne représente pas le gaullisme tel qu’il l’entend.
– octobre 1999: Il devient « chercheur-invité et professeur-visiteur » au département de sciences politiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
– mai 2000: Il est investi officiellement candidat du RPR pour les élections municipales à Paris
– 18 mars 2001: Il est candidat de la droite RPR-UDF-DL. Philippe Seguin en butte à la candidature « dissidente » du maire sortant Jean Tibéri, « politiquement trahi de l’intérieur du RPR », il est battu au second tour des municipales à Paris par le socialiste Bertrand Delanoë, au terme d’une difficile campagne électorale. Il est élu conseiller (RPR) de Paris ET devient président du groupe RPR au Conseil de Paris le 21 mars
– 16 avril 2002: Il renonce à se représenter aux législatives de juin
– 6 septembre 2002: Il réintègre la Cour des Comptes. Promu conseiller maître six mois plus tard
– 30 septembre 2002: Il est nommé représentant de la France au conseil d’administration du Bureau international du travail (BIT) à Genève
– 11 octobre 2002: En démissionnant du Conseil de Paris, il abandonne son dernier mandat électif
– 18 juin 2004: Il est élu pour un an président du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT), structure qui chapeaute le BIT.
– juillet 2004: Il devient premier président de la Cour des comptes
– octobre 2005: Commissaire aux comptes de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la Science et la culture (UNESCO)
– janvier 2007 : Il devient Président du Comité des commissaires aux comptes de l’ONU
– juillet 2007: Commissaire aux comptes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)
– Janvier 2008: Commissaire aux comptes de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC)
– février 2008: Il est élu Président de la commission « Grands Stades Euro 2016 »
– février 2008: Président de l’association de préfiguration de la Fondation du Football.
– 07 janvier 2010 : Monsieur Philippe Seguin décède.