21/03/11 (B596) 1967 – 2011 – Le combat continue (Par Cassim Dini)

L’année dernière, Mahdi Ibrahim et moi avons été invités à Ottawa par nos amis Hassan Aden et Houssein Andoleh afin de participer à la commémoration des événements du 19 mars 1967. A cette occasion, j’ai constaté à quel point toutes les composantes de la diaspora djiboutienne se sentaient concernées par ce douloureux épisode de notre Histoire commune, au sens où nous avons tous été, peut-être à des moments et dans des contextes différents, victimes du fait colonial.

Un consensus s’était dégagé: pour comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui et y faire face, nous devions éviter les pièges d’une instrumentalisation du passé à des fins de justification ou de contestation des discriminations actuelles. En clair, lorsque cela sera possible au pays, laissons les véritables historiens faire leur travail pour expliquer avec rigueur et impartialité les différentes phases de peuplement de ce qui est aujourd’hui notre patrie à tous: la République de Djibouti. Voilà pour ce qui est du passé.

Mais ce qui a été le plus frappant, et le plus prometteur pour la suite, c’est la nécessité unanimement reconnu d’une action unitaire de la diaspora contre la dictature. Et là, l’image que mes compatriotes du Canada ont envoyée à notre Peuple par leur mobilisation et leur soutien sans faille est exemplaire. A tel point que, tyran en tête, le régime se bouscule sur les ondes locales d’Ottawa!

Alors, quel parallèle entre 1967 et aujourd’hui? Celui qui m’intéresse ici est le ressort de la révolte. En mars 1967, le Peuple n’a eu besoin de personne pour manifester son rejet du système colonial. Aujourd’hui non plus, il n’a pas à être constamment encadré dans la rue par des responsables de l’opposition pour dire à Ismael Omar «Hirou» (il comprendra, c’est la version amharique du célèbre “dégage”). Je crois que si les femmes et les enfants manifestaient tous les jours et les jeunes tous les soirs (avec tout ce que cela suppose), l’appareil répressif, vite surmené, ne saurait plus où donner de la tête.

Cette constance dans le harcèlement, ajoutée à l’établissement d’un équilibre de la terreur (je ne comprends pas ceux qui supplient les militaires de ne pas tirer sur des civils) peut conduire à une sorte d’effondrement institutionnel, première phase d’un renversement complet du régime. Je crois qu’une révolution mentale doit s’accomplir (comme les Tunisiens l’ont fait en quelques jours): le militant qui obéit à un parti doit devenir le citoyen qui assume ses responsabilités. Là réside la clé de la victoire et je suis persuadé que mes compatriotes en sont largement capables.

Aucun peuple au monde n’a jamais demandé à une dictature l’autorisation de la renverser !

C’est malheureusement ce qui se passait à chaque demande de manifestation de l’opposition civile. Ce qui doit se passer ne peut absolument pas relever d’une quelconque légalité concédée par le régime. La Liberté s’arrache, mais ne se négocie pas. Il faut être encore plus déterminé que le dictateur, partir du principe qu’il n’y a rien à négocier avec lui et surtout agir en conséquence.

L’enjeu, c’est de restaurer fierté collective et dignité individuelle, pas de remplacer untel par untel. Pour mettre en place les institutions démocratiques, chaque communauté devra choisir les plus intègres d’entre elle, surtout des femmes neuves et des hommes neufs. C’est possible, il ne faut pas avoir peur de la liberté!

Cassim Ahmed Dini
19 Mars 2011