09/10/2015 (Brève 485) Selon un article publié par Affaires internationales, IOG aurait refusé de témoigner devant la justice britannique, qui le lui avait demandé, dans le cadre de l’instruction de la plainte qui l’oppose à Abdourahman Boreh.

Selon les auteurs de l’article, IOG pourrait avoir pris cette décision, car il manquerait d’éléments probants pour conforter sa thèse et sa plainte. La justice britannique aurait levé le gel des avoirs de Boreh ….

______________________________ L’article

Dans le cadre de la procédure menée contre Abdourahman Boreh, ancien conseiller et proche du Président de Djibouti, Ismail Omar Guelleh a été convoqué en qualité de témoin devant la Haute Cour de justice du Royaume-Uni et a récemment déclaré qu’il ne répondrait pas à cette invitation. Un recul de la présidence de Djibouti qui ne joue pas en sa faveur alors que la prochaine élection présidentielle du pays se déroulera dans quelques mois.

Condamné à 15 ans de prison pour terrorisme

Tout a commencé devant les tribunaux djiboutiens. Ancien conseiller et proche du Président Guelleh, Abdourahman Boreh, homme d’affaires franco-djiboutien, a été Président de l’autorité des ports et de la zone franche (APZF) entre 2003 et 2008. En 2008, il a fait l’objet d’une plainte des autorités djiboutiennes pour évasion fiscale et insolvabilité frauduleuse. Un différend avec les services fiscaux qui l’a contraint à quitter le pays la même année.

Il s’est d’abord exilé à Dubaï, où il avait déjà résidé et commencé à construire sa fortune dans les années 1990, puis au Royaume-Uni. Ce n’est pourtant pas la procédure engagée par le gouvernement en 2008 qui aura mené à la condamnation de l’homme d’affaires. Accusé d’avoir participé à l’organisation d’un attentat à la grenade dans un magasin de Djibouti en mars 2009, Abdourahman Boreh a été condamné par contumace à 15 ans de prison en 2009 par un tribunal de Djibouti.

Les tribunaux britanniques ordonnent la levée du gel des avoirs

Les autorités djiboutiennes ont décidé de porter l’affaire devant les tribunaux britanniques en demandant le gel des avoirs de Boreh à hauteur de 77 millions de dollars, et la divulgation au gouvernement de Djibouti ainsi qu’à la Haute cour de la nature de ces actifs ainsi que leur emplacement. En mai 2013, en France, la justice a autorisé la République de Djibouti à faire geler les avoirs d’Abdourahman Boreh sur le territoire français pour une somme totale de 23 millions d’euros.

La Haute cour de justice britannique a quant à elle rejeté les accusations de terrorisme et ordonné la levée du gel de 100 millions de dollars. En cause, notamment, la falsification des retranscriptions de conservations téléphoniques censées avoir été enregistrées le lendemain de l’attentat. Me Peter Gray, avocat britannique associé au sein du cabinet Gibson, Dunn & Crutcher mandaté par le gouvernement de Djibouti pour mener les procédures devant les tribunaux britanniques, a reconnu avoir falsifié ces preuves et parle d’une « erreur spectaculaire », comme le rapporte The Lawyer.

Le gouvernement Guelleh avait mandaté ce cabinet américain de rang mondial pour sa présence dans plusieurs villes à l’international dont Paris, Londres et Singapour, où la République de Djibouti entendait entamer des procédures de gel des avoirs. Aujourd’hui, la Haute cour de justice du Royaume-Uni souhaite entendre le Président de Djibouti au sujet des accusations de corruption contre Abdourahman Boreh. Un retournement intéressant quand on sait les liens qui ont uni les deux hommes. Il jette de nouveau le doute sur l’administration Guelleh, déjà accusée d’avoir détourné des fonds à des fins personnelles, notamment dans une affaire de subventions supposées financer la création de l’entreprise de la fille de Guelleh, entreprise qui n’a finalement jamais vu le jour.

IOG refuse de témoigner : sa candidature en 2016 menacée ?

Abdourahman Boreh n’a cessé de dénoncer les motivations politiques du gouvernement Guelleh. Nommé en avril 2013 « délégué itinérant de l’Union pour le salut national (USN) », coalition regroupant tous les partis d’opposition et qui se dit « le véritable vainqueur des élections législatives de février 2013 », Boreh représente en effet un opposant politique de taille contre Guelleh, à la tête du pays depuis 1999. Plusieurs observateurs voient dans cette saga judiciaire une bataille pour la présidence.

La fortune d’Abdourahman Boreh lui permettrait en effet de concurrencer l’actuel chef d’État en 2016. Une candidature de l’actuel président qui est d’autant plus mise en danger qu’il a finalement refusé de témoigner dans le juge britannique, laissant ainsi libre court à toutes les interprétations concernant les raisons de ce refus. La théorie la plus probable étant que, manquant d’éléments probants contre Abdourahman Boreh, le président djiboutien a préféré ne pas laissé son sort décidé par un tribunal occidental sur lequel il n’a aucun pouvoir.

A la tête du pays depuis 16 ans, Guelleh n’a toujours pas affirmé clairement son intention de briguer un nouveau mandat. Une révision constitutionnelle serait nécessaire pour qu’il puisse se présenter une quatrième fois consécutive, mais cette difficulté ne l’avait pas empêché de se présenter lors des précédentes élections, qui avaient déjà nécessité une révision de la Constitution djiboutienne. Un diplomate américain a finalement le dernier mot : « Djibouti est moins un État qu’une ville commerciale gouvernée par un seul homme, Ismail Omar Guelleh ».