05/06/2016 (Brève 802) Actu Economie / Djibouti : le bilan économique du président Guelleh remis en question
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Fraichement réélu à la tête de Djibouti, le président Guelleh doit aujourd’hui faire face aux critiques de ses partenaires historiques et gérer les conséquences désastreuses de ses précédents mandats sur l’économie du pays.
Un leadership contesté
Le 8 avril dernier, Ismaïl Omar Guelleh a remporté l’élection présidentielle de Djibouti avec 86,68 % des voix. C’est la quatrième fois que le scrutin est favorable à IOG, avec un résultat qui peut aisément laisser croire à un véritable plébiscite dans les urnes.
Un plébiscite que beaucoup contestent pourtant, critiquant le camp Guelleh de n’avoir pas permis la mise en place d’un processus électoral transparent, comme réclamé par l’opposition mais également par le Parlement européen.
Pour garantir cette transparence, l’Union Européenne a proposé d’envoyer une délégation d’experts afin de superviser l’élection. Une proposition que les autorités djiboutiennes ont rapidement refusée, même si elles ont finalement consenti à laisser des observateurs issus de l’Union africaine inspecter partiellement le dépouillement des votes.
Ces derniers ont d’ailleurs remarqué de nombreuses irrégularités, les procès-verbaux n’ayant notamment pas tout été rendus publics. Ces points d’interrogation, tout comme les déclarations des partis d’opposition accusant les assesseurs d’avoir interdit l’accès au bureau de vote de plusieurs de leurs représentants, n’ont cependant pas empêché la validation de la victoire d’IOG,
C’est donc de manière contestée que le président Guelleh reprend les rênes du pouvoir pour cinq années supplémentaires. L’image d’IOG se détériore chaque jour un peu plus, entachée par une politique de répression menée à l’encontre de l’opposition qui empêche un sursaut démocratique tant espéré par les Djiboutiens.
Critiqué dans son pays, il l’est désormais de plus en plus à l’étranger, ses alliés historiques n’hésitant pas à questionner leur soutien vis-à-vis d’un président qui a du mal à gérer son pays comme il se doit, d’un point du vue politique, social mais surtout économique.
La Chine, qui a largement financé la dernière campagne du président Guelleh, n’a cessé de multiplier les gestes financiers en faveur de Djibouti. Que les investissements proviennent de banques ou d’entreprises privées chinoises, Guelleh a trouvé dans l’Empire du Milieu une véritable cash machine qui lui a permis de lancer des vastes projets d’infrastructures.
Une dette extérieure qui ne cesse de se creuser
La générosité de Pékin est bienvenue dans un pays qui cherche à se développer au plus vite, mais elle reste aussi largement intéressée. En 2017, la Chine prévoit d’installer une base militaire près du port de Djibouti qui devrait accueillir 10 000 militaires chinois, du jamais vu.
Pourtant, l’alliance stratégique qui unit les deux pays est aujourd’hui mise à mal par les inquiétudes de la Chine quant aux capacités de remboursement de Djibouti, l’ère Guelleh ayant fait sombrer le pays dans une situation économique qui ne cesse de se dégrader.
Guelleh a en effet la dépense facile. Qu’il s’agisse de développer des infrastructures ou de combattre l’opposition, le président n’hésite pas à mettre les moyens pour arriver à ses fins. Et tant pis si cela signifie qu’il faut dépenser l’argent qu’on n’a pas et mettre les comptes du pays dans le rouge.
Aujourd’hui la dette extérieure de Djibouti représente 84 % du PIB national. Pour le Fonds Monétaire International, cette situation fiscale est « insoutenable », avec des dépenses publiques qui font peser sur le pays une pression économique plombant son avenir. Une opinion partagée par l’Union européenne pour qui les conditions entourant le recours aux financements chinois ne vont faire qu’empirer cette dette.
Alors que cette situation nécessiterait que Guelleh intègre davantage de raison dans la gestion économique du pays, il n’en est rien. Le président vient d’engager des poursuites judiciaires, qui risquent de s’avérer coûteuses, contre Facebook. La raison ? Laisser les opposants s’exprimer sur le réseau social.
Drôle de façon de dilapider l’argent public quand on sait qu’il y a tant à faire dans un pays où un quart de la population vit dans la pauvreté, où 60 % de la population est touchée par le chômage et qui traverse actuellement la pire sécheresse des cinquante dernières années.
C’est dans un climat compliqué qu’IOG démarre son nouveau mandat. La gouvernance du président focalise aujourd’hui les inquiétudes de la communauté internationale et de ses partenaires principaux. Une crise de confiance qui se fait également ressentir au sein du peuple djiboutien et qui pourrait coûter cher à Guelleh, tant sur le plan économique que politique.