10/10/2021 (Brève 1926) Extrait de ‘DJIBOUTI. LA DIPLOMATIE DE GEANT D’UN PETIT ETAT’ Ou comment la stratégie d’investissement de la Chine peut asphyxier un état.

Lien avec l’article : https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2020-1-page-327.htm

Extrait de l’ouvrage de Sonia LE GOURIELLEC, publié chez De Boeck Supérieur.
et signé par Jean-Pierre Listre, membre du comité scientifique de la revue CAIRN
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« Nouvelles routes de la Soie » (BRI – Belt and Road Initiative) en Afrique au point de choisir Djibouti, ce point particulier dans la Corne de l’Afrique, pour y établir des infrastructures portuaires et ferroviaires considérables sur l’une des routes maritimes parmi les plus fréquentées, en vue d’en faire une tête de pont vers l’Afrique de l’Est, si prometteuse.

Du coup, en 2017, la Chine a implanté sa première base militaire permanente à l’étranger avec, dit-on, une capacité d’accueil à terme de 10 000 soldats. Par ailleurs, de nombreux projets de développement sont financés sous forme de prêts par la Chine.

Et même si Djibouti veille à varier ses bailleurs de fonds avec les pays du Golfe, il se pourrait que cette initiative ambitieuse et envahissante des Nouvelles routes de la soie s’avérât, à la longue, funeste pour Djibouti, malgré son espoir de considérer la Chine « comme un vecteur lui permettant de réaliser ses ambitions ».

La pénétration chinoise est « classique » : commençant par des dons « agréables » (le palais du Peuple en 1985, quelques infrastructures socio-administratives utiles, etc.), elle évolue vers des investissements de plus en plus lourds et hégémoniques opérés par des géants chinois dans le domaine de la construction, des télécommunications, des services, etc., pour finir par des implantations portuaires hautement stratégiques pour la Chine, dont les contrats sont particulièrement pesants pour les finances de Djibouti.

De 2012 à 2020, les investissements chinois à Djibouti seraient de l’ordre de 14 milliards de dollars, ce qui n’est pas peu pour un pays dont le PIB est de 3,3 milliards de dollars.

La soutenabilité de la dette – contractée exclusivement auprès de l’Export-Import Bank of China, parfois accordée à des conditions très dures (LIBOR + 3 % pour le chemin de fer, par exemple) – peut devenir problématique.

À une échelle autre, bien sûr, la situation du puissant voisin éthiopien ne serait d’ailleurs pas très différente… Et s’il apparaît que les intérêts nationaux convergent globalement entre Djibouti – qui se veut « dynamique » – et la Chine, les facteurs de risques pour l’avenir sont réels car l’auteur relève tout de même une nette « dysmétrie », certes acceptée par le régime djiboutien, mais grosse de difficultés à venir.

Beaucoup de Djiboutiens pensent d’ailleurs que « tout va trop vite ».

Et puis, en cas d’aggravation de la situation internationale, leur « petit bout de terre » stratégiquement placé et très dépendant de la Chine, risque d’être entraîné dans des conf lits qui le dépassent.

Sonia Le Gouriellec conclue en craignant qu’alors Djibouti soit placé « en position de vassalité » vis-à-vis d’une des grandes puissances.