03/03/2022 (Brève 2051) Courrier International (The Daily Telegraph-Londres) : Djibouti, ce nid d’espions ouvert sur la mer Rouge

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C’est un petit pays de la Corne de l’Afrique à l’emplacement stratégique, au carrefour de trois continents et de routes maritimes mondiales. Cette position inégalée a fait de Djibouti un haut lieu de l’espionnage mondial. À l’ombre des bases militaires française, chinoise et américaine pullulent barbouzes et barbouzeries.

Cette petite nation de la Corne de l’Afrique aux reliefs brûlés par le soleil affiche désormais une des plus fortes densités de bases militaires étrangères du monde. Au cours des dix dernières années, ce pays de moins de 1 million d’habitants s’est transformé en véritable microcosme du nouvel ordre mondial. Les espions y sont légion, et les anciennes puissances occidentales s’y disputent des restes d’influence face à l’emprise croissante de la Chine.

Une soirée dégustation de vins et de fromages à l’hôtel Kempinski, qui surplombe le port, attire toutes sortes de diplomates, de sous-traitants militaires et de soldats – à l’exception, semble-t-il, des Chinois. Les relations sont cordiales, mais tout le monde se surveille. “Tout le monde sait ce que vous faites. Il faut s’habituer à ne pas avoir de vie privée, reconnaît un diplomate étranger. Tout le monde conspire ici. C’est le sport national.”

Des milliers de soldats américains, chinois, français, japonais, espagnols et italiens sont présents à Djibouti et assurent la sécurité d’une aristocratie locale de politiciens corrompus en échange du droit de rester sur ce territoire, le mieux placé de la planète sur le plan stratégique.

Les responsables occidentaux estiment que près de 10 000 soldats pourraient être massés derrière les murs de béton de la base militaire chinoise. Pourtant, vu de l’extérieur, le bâtiment entouré de barbelés et de miradors paraît mystérieusement vide. Personne ne semble jamais en sortir.

“Je passe devant la base tous les jours et je n’y ai jamais vu personne. Qui sait ce qu’ils font là-dedans”, se demande un employé des Nations unies s’exprimant sous couvert d’anonymat.

++ Rivalités américano-russes à Port-Soudan

Djibouti se situe sur le détroit de Bab El-Mandeb, un bras de mer de 25 kilomètres de largeur séparant la péninsule arabique de la Corne de l’Afrique et conduisant au canal de Suez.

Près d’un tiers du trafic maritime mondial passe par ici chaque année, ainsi que toutes sortes de contrebandiers transportant des armes, des drogues ou des êtres humains depuis ou vers le Moyen-Orient.

Nous n’avons pas de pétrole. Notre richesse, c’est notre position géographique”, résume Ahmed Araita Ali, ancien membre du corps diplomatique de Djibouti qui rêve de voir son pays devenir le Dubaï ou le Singapour de l’Afrique.

Disposer d’un accès à la mer Rouge fait partie des marqueurs de statut essentiels pour toute puissance un tant soit peu dominante. Cela fait des années que les Russes tentent d’établir une base à Port-Soudan, mais Washington s’y oppose fermement.