06/03/02 La Radio Télévision Djiboutienne (RTD) joue-t-elle son rôle ? (Lecteur)

Symbole
de la pensée unique, la télévision est
une invention du XXe siècle, une invention tout à
fait innocente dans ses débuts.

Cependant,
de nos jours, cette télévision a changé,
gagné de l’importance. Elle est même devenue une
arme des plus dangereuses et des plus meurtrières. Sa
force et son danger résident dans le fait de sa présence
dans les foyers. Les gens se sont tellement habitués
à cette boîte magique qu’ils leur est devenu impensable
de s’en passer, ne serait-ce que quelques instants, à
tel point que s’en est devenu inquiétant.

A travers
la télé, l’homme peut se distraire, se cultiver,
s’instruire et s’informer. En effet, ce dernier point, qui est
l’information, constitue l’élément capital sur
lequel se base le programme de la télé.

A
quoi sert l’information ?

Quels sont
les enjeux et les retombées d’une information ? L’histoire
a montré de façon incontestable l’importance et
le danger d’une information à travers la télévision.
La guerre du Golfe en est l’exemple le plus vivant. Les Américains
se sont bien gardés de faire la même erreur commise
pendant la guerre du Vietnam, guerre perdue car trop médiatisée.
Lors de la guerre du Golfe, ils ont préféré
commencer par contrôler totalement la circulation de l’information
en donnant l’exclusivité à la chaîne CNN,
moyennant des conditions très strictes et une complicité
sans état d’âme.

Les Américains
avaient bel et bien saisi que l’information pouvait à
elle seule déterminer le sort d’une guerre, alors ils
ont vite fait en sorte qu’elle devienne un allié et non
un ennemi.

Pourquoi
les gouvernements ont-ils si peur de l’information ?

Dans un
pays dit démocratique, une information peut faire tomber
des gouvernements, des présidents ou des ministres. L’information
a besoin de l’opinion publique pour faire son effet. Elle doit
arriver à cette dernière pour jouer son vrai rôle.
Oui, dans les pays démocratiques l’opinion publique c’est
le vrai pouvoir. Ici, à Djibouti, il y a certainement
une opinion publique naissante, elle grandit, apprend, se forge,
prend de l’importance petit à petit ; sa présence
et son danger sont largement pris en considération. Non
pas pour établir un dialogue et une nouvelle façon
d’aborder les choses, mais pour contrecarrer et faire face à
cet élan de démocratie et de liberté.

Le pouvoir
en place depuis toujours dispose de gros moyens pour faire apparaître
les choses comme il le veut lui, pour imposer sa vérité
à lui, pour cela il y a la RTD, un simple outil de propagande,
une télévision au service du pouvoir. Ce dernier
utilise la RTD pour diffuser des informations traitées,
censurées, maquillées, bref, totalement déformées.

En voulant
bien jouer ce rôle mesquin, la RTD est en train d’écrire
une page noire de son histoire triste. Elle ne peut prétendre
être une télévision publique, puisque le
Président lui-même a dit que la RTD est au service
de l’Etat, c’est-à-dire du pouvoir. Peut-être qu’il
voulait dire au service du gouvernement, chose inadmissible
et illégale dans un pays dit démocratique.

Je suis
désolé mais je pense sincèrement que la
RTD ne peut appartenir à un gouvernement, ni à
un pouvoir ni à aucune personne même si c’est le
Président de la République lui-même. Une
télévision publique ne peut pas être à
la disposition de certaines personnes et ne peut être
partisane d’aucun groupe ni d’aucun parti. Si un parti ou un
gouvernement veut instrumentaliser une télévision
pour y véhiculer ses propres idées, il n’a qu’à
créer une télé privée avec son propre
argent et non avec celui des contribuables.

On dit partout
que nous sommes dans un pays libre, indépendant, démocratique
; on dit aussi que le peuple djiboutien est maître de
ses décisions et bien personnellement, je ne vois rien
de tout cela, je crois qu’on dit beaucoup de choses et de mensonges.

On a raconté
tant de mensonges à la télévision djiboutienne
que personne aujourd’hui ne la croit.
LA
RTD n’a pas encore compris que le temps des mensonges et de
la propagande à la stalinienne est révolu. En
continuant à vivre dans un temps complètement
dépassé, elle n’a fait qu’épuiser son crédit
et la confiance que l’opinion lui accordait. Les années
de parti unique sont restées très nostalgiques
pour beaucoup de personnes. Ces mêmes personnes regrettent
le temps où le peuple applaudissait et criait à
une apparition ou au passage de certaines personnes.

Ces mêmes
personnes regrettent amèrement l’ère de Staline
où tout était facile, l’ère où il
suffisait d’apparaître sur le petit écran, prononcer
quelques phrases apprises dans les coulisses et taper avec la
main sur le bureau, l’ère où une seule personne
à elle seule, au nom de je ne sais quel mensonge, dirigeait
tout un pays et un peuple avec une main de fer, sans prendre
la peine de demander l’avis de ce peuple. Je crois que la nostalgie
est très nocive pour notre santé.

Avec la
nouvelle ère de la parabole et des centaines de chaînes
de télévision, je crois que le mensonge ne peut
plus passer pour une vérité.
Nous
assistons à la pluralité dans les médias.
L’opinion arrive mieux à discerner le mensonge de la
vérité. Tant mieux. La télévision
djiboutienne ne ressemble en fait qu’aux autres télévisions
des Etats arabes et africains, symbole de la dictature, du despotisme,
de la pensée unique et d’un régime autoritaire.

La télévision
n’est pas en fin de compte le miroir de sa société
mais celui du régime en place. Elle est utilisée
pour de basses besognes, instrumentalisée pour diviser
afin de mieux régner, utilisée pour semer le doute
et le mensonge, la différence et la haine, pour prolonger
les souffrances des Djiboutiens, leurs malheurs et leurs tragédies.
Tant que ce régime stalinien existera, la RTD n’aura
de rôle à jouer que celui d’être au service
de ce régime et non au service du peuple et de la vérité.