30/04/03 ( B195) Procès à Djibouti d’un témoin-clé de l’affaire du juge français Borrel (AFP)

DJIBOUTI,
29 avr (AFP) – Le procès par contumace d’un ancien officier de gendarmerie
djiboutien, Mohamed Saleh Alhoumekani, témoin-clé dans l’affaire
du juge français Bernard Borrel, retrouvé mort en octobre 1995 à
Djibouti, s’est ouvert mardi dans la capitale djiboutienne, rapporte le correspondant
de l’AFP.

Réfugié
en Belgique, Mohamed Saleh Alhoumekani, dont le témoignage a mis en cause
implicitement l’actuel président djiboutien Ismaël Omar Guelleh dans
l’hypothèse d’un assassinat du juge français, est accusé
de « diffamation et de dénonciation calomnieuse » devant la chambre
correctionnelle de Djibouti.

La
police et la justice djiboutienne avaient dès le début de l’affaire
conclu à la thèse du suicide par immolation. Mais la veuve du juge
Borrel, Elisabeth, a toujours clamé que son époux, dont le corps
a été trouvé à moitié carbonisé au bord
d’une piste au milieu du désert, avait été victime d’un « assassinat
politique » .

M.
Alhoumekani est jugé par contumace à Djibouti à la suite
de plaintes du chef de la Sécurité Nationale, Hassan Saïd Khaireh,
et du chef d’état-major de la gendarmerie de Djibouti, Mahdi Ahmed Cheikh,
qui l’accusent de « fausses déclarations ».

M.
lhoumekani, membre de la garde présidentielle au moment des faits, a affirmé
avoir entendu, le jour de décès du juge, une conversation au cours
de laquelle un groupe de cinq hommes, dont MM. Khaireh et Cheikh, annonçait
à M. Guelleh, alors directeur de cabinet du président djiboutien
Hassan Gouled Aptidon, que « le juge fouineur était mort » et « qu’il
n’y avait pas de trace ».

Ce
procès s’ajoute aux multiples développements et rebondissements
qu’a connu cette affaire depuis plus de sept ans.

Car,
parallèlement, la justice française, saisie par la veuve de M. Borrel,
a ouvert une instruction judiciaire et au moins trois juges français, accompagnés
de policiers, se sont rendus à Djibouti depuis 1997, dans l e cadre de
commissions rogatoires.

Et,
à la demande de Mme Borrel, au moins deux expertises médico-légales
en France, après exhumations du corps, ont infirmé la thèse
des autorités djiboutiennes, concluant que l’hypothèse du suicide
était peu probable, voire impossible.

En
outre, en décembre 2002, une enquête de la chaîne de télévision
française privée Canal + affirmait que le magistrat avait été
tué parce qu’il était en train de remonter la filière d’un
attentat commis à Djibouti en 1990 au Café de Paris (un mort, 11
blessés), lieu de rendez-vous de nombreux Français. Le gouvernement
djiboutien avait alors aussitôt vivement protesté auprès des
autorités françaises contre la diffusion de cette émission.

La
chambre correctionnelle de Djibouti a entendu dans la seule matinée de
mardi une douzaine de témoins, dont des gendarmes qui étaient de
garde le jour du décès du juge Borrel au palais présidentiel
ou en faction au poste de gendarmerie à l’entrée du Gou bet, petite
localité à proximité de laquelle le corps avait été
retrouvé.

Le
procès de cet ancien gendarme permettra de « démonter la machination
tendant à présenter le président de Djibouti comme l’instigateur
de la mort du juge Borrel », avait estimé en février dernier
une source judiciaire proche du dossier.

L
avocats de Hassan Saïd Khaireh et Mahdi Ahmed Cheikh sont maîtres Hasna
Barkat et Alain Martinet du barreau de Djibouti et Francis Szpiner, du barreau
de Paris.

« Le
noeud de l’affaire réside dans des déclarations répétitives
de personnes en délicatesse avec leur administration », a simplement
commenté à l’AFP Me Szpiner.