02/06/06 (B352-B) Journal l’Humanité : Le président djiboutien joue la carte de la famine et de la torture …. (Sous la plume de Jean Chatain) (Article signalé par plusieurs lecteurs)

Rubrique International
Article paru dans l’édition du 1er juin 2006.

Lien avec l’article original :

Le président djiboutien joue la carte de la famine


Djibouti.

Ismael Omar Guelleh organise le blocus alimentaire. Arrestations par dizaines. La torture est monnaie courante dans les prisons.

Président depuis 1999 de Djibouti, où depuis trois décennies est mise en oeuvre une politique de marginalisation des populations Afar, Ismael Omar Guelleh avait tenté, l’an passé, de se forger une image d’homme de la réconciliation nationale avec la pantalonnade du 8 avril 2005 : une présidentielle qui, n’étant précédée ni d’une révision des listes électorales, ni de la moindre garantie de transparence sur les conditions de campagne et de vote, voyait le sortant rester seul en lice pour se succéder à lui-même.

Afin de sauver la face, il faisait proclamer une participation supérieure à 84 % du corps électoral, chiffre d’autant moins à prendre au sérieux que l’opposition, lors des législatives de janvier 2003, avait officiellement obtenu 40 % des suffrages exprimés, et ce dans des conditions déjà fortement opaques.

Cela n’empêchait pas l’Élysée d’adresser ses félicitations à l’homme fort d’un pays qui accueille la principale base militaire française à l’étranger. Désormais elle est voisine, la « guerre contre le terrorisme » aidant, d’une base américaine. Djibouti, porte-avions français depuis l’indépendance est devenu porte-avions multinational… Une situation que Guelleh sait utiliser, jouant alternativement une carte ou l’autre.

Ce qui lui permet de renouer avec ses vieux démons.

Depuis le 12 mai, le chef d’État djiboutien a décrété le blocus alimentaire et sanitaire des districts de Tadjourah et d’Obock. Plus de 2 000 soldats, commandés par le colonel Abdo Abdi Dembil, ratissent la zone, prenant pour cible une population déjà sinistrée par plusieurs années de sécheresse.

Objectif affiché, l’éradication de la tendance dite « radicale » du FRUD (Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie), celle ayant refusé de prendre pour argent comptant le « traité de paix » avancé par la présidence le 12 mai 2001.

Les districts du nord sont aujourd’hui coupés du reste du monde.

Des stocks de nourriture ont été saisis en plusieurs endroits, alors que la menace de famine est omniprésente. Des dizaines de personnes ont été arbitra ement incarcérées à Obock, Tadjourah ou dans les prisons de la capitale. Nombre d’entre elles sont soumises à la torture.

Parmi les noms transmis par l’opposition, ceux d’Aramis Mohamed, Mohamed Ali Ahmed, Abdallah Bourhan, Bourhan Mohamed, Ali Houmad Mohamed, Ali Mohamed Alsalé, Abakari Mohamed, Hanifa Assé…


Jean Chatain