10/06/06 (B354_A) Situation en Somalie : les informations contradictoires se succédent dans les agences de presse et les media. (Infos lecteur)
_______________________________ Note de l’ARDHD
Après la prise de Mogadiscio par les milices islamistes, nous n’avions pas accordé un grand crédit aux déclarations selon lesquelles, ces forces n’auraient pas l’intention de tenter de s’emparer du pays tout entier et que leurs dirigeants privilégiaient la négociation avec l’autorité gouvernementale temporaire.
Après une victoire et la démonstration de force, on ne s’arrête pas en chemin, d’autant plus que l’on craint que l’adversaire qui a perdu une bataille, n’en profite pour se réorganiser et pour tenter de son côté de regagner le terrain perdu.
Il semble que l’actualité de ce jour nous donne raison.
_______________________________________________ Le Monde
A Balad, les islamistes somaliens rêvent de parachever leur conquête (Jean-Philippe Rémy)
LE MONDE | 10.06.06 | 15h02 • Mis à jour le 10.06.06 | 16h06
Entre les pans de murs troués d’impacts par les combats qui se sont déroulés ici depuis que la guerre civile a éclaté en Somalie, à la fin des années 1980, l’herbe a eu le temps de pousser. Au final, il ne restait plus grand-chose à ravager à Balad, quand les milices y ont combattu à nouveau, début juin.
Verrou défendant le nord de Mogadiscio, la petite ville a été le théâtre d’une confrontation majeure entre les tribunaux islamiques, qui vont de victoire en victoire à Mogadiscio depuis février, et leurs ennemis de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), coalition de chefs de guerre, qui s’est partagé jusque-là le contrôle de la capitale et de ses environs.
Balad est finalement tombée après trois heures de combats, le 4 juin, lorsque les forces de Musa Sudi Yalahow ont dû abandonner la ville et se replier vers Johwar, plus au nord, tenue par Mohammed Dheree, autre pilier de l’Alliance des chefs de guerre. Depuis, les tribunaux laissent entendre qu’ils se préparent, d’un instant à l’autre, à poursuivre leur offensive jusqu’à Johwar.
A quelques kilomètres de la sortie de la ville, sur la route rectiligne et déserte qui continue vers le nord, voici la position la plus avancée des tribunaux islamiques. Quelques "technicals" (véhicules tout-terrain équipés d’armes lourdes) à l’arrêt, renforcés par un blindé, relique de l’aide militaire russe au temps où la Somalie de Siad Barré était dotée à la fois d’un Etat et d’une importance géostratégique.
Vendredi 9 juin, une seule chose semble bouger sur le front de Balad, c’est l’air surchauffé de la mi-journée, qui tremble au-dessus de la route crevassée. Les premiers combattants de l’ARPCT se trouvent à 40 kilomètres. Entre les deux positions, il n’y a que des paysans préoccupés surtout par leurs semailles, alors que de grosses pluies viennent de mettre un terme à la sécheresse. Mais si la décision était prise, l’offensive pourrait être lancée en deux temps, trois mouvements. Les camps des environs regorgent de miliciens des tribunaux islamiques, et ce ne sont ni les armes, ni les sources de financement qui font défaut.
Le cheikh Maolin Hashi, commandant du groupe de miliciens désormais maître de Balad, s’abstient de livrer des détails trop précis sur la prise de la ville. Fatalement, puisqu’il a passé la première partie des combats dans le camp adverse, celui du chef de faction Musa Sudi. Sa sympathie, depuis longtemps, allait aux tribunaux islamiques. Mais les relations complexes entre les clans empêchaient son revirement. C’est seulement au moment où se préparait l’offensive vers Balad qu’il a finalement changé de bord, offrant la ville, qu’il était supposé défendre, aux tribunaux.
Depuis, il ne fait plus mystère de ses intentions. "Notre but est que les tribunaux islamiques dominent toute la Somalie", affirme-t-il, devant un poster épinglé dans le quartier général de la milice, en ville, représentant une scène du pèlerinage à La Mecque.
Le cheikh a l’intention de réformer les moeurs des habitants de Balad, en commençant par interdire le khat, les tiges d’arbuste que les Somaliens mâchent pour en tirer des effets proches de ceux des amphétamines.
Le khat, intégré depuis des temps immémoriaux dans la culture somalienne, est l’une des cibles prioritaires des groupes religieux les plus rigoureux. Selon le cheikh Maolin Hashi, "le khat est une drogue, interdite pour un musulman. Nous allons bientôt annoncer qu’il faut arrêter de consommer du khat à Balad". S’il a réellement l’intention de faire appliquer cette mesure, il y a fort à faire. Ses propres miliciens sont les premiers à quémander un peu d’argent pour acheter la "drogue".
La plupart d’entre eux ne risquent pas de porter de longues barbes comme certains des commandants. Adolescents à peine pubères, ils peuvent tout juste s’essayer à la moustache. Ils sont, avant tout, la chair à "technicals" de la guerre en Somalie, durs au mal, capables d’être cahotés des heures à l’arrière d’un pick-up, jambes pendant à l’extérieur, kalachnikov coincé entre les cuisses, sans se plaindre ni jamais perdre une tong ou, plus important, une arme ou une paire de fausses Ray Ban.
Ahmed "Adi" Mohammed Issak, l’un d’entre eux, a deux idées en tête. D’abord, trouver du khat pour faire passer l’interminable après-midi. Ensuite, si possible, reconquérir la région de Mogadiscio, qui était la "propriété" de son clan, les Matan, voici plusieurs siècles, avant d’être "colonisée" par d’autres clans, comme celui de Musa Sudi. "Toute cette région, de Johwar à Mogadiscio, était notre territoire autrefois, avant qu’on nous le vole. Même le port d’El-Maan est à nous, on doit reprendre tout ça", affirme-t-il, approuvé par le groupe des miliciens.
Jean-Philippe Rémy
______________________________________ AFP
Somalie : les tribunaux islamiques demandent
la reddition des chefs de guerre
Par Ali MUSA ABDI
MOGADISCIO (AFP) – Le président des tribunaux islamiques de Mogadiscio, cheikh Sharif Sheikh Ahmed, dont les milices ont pris le contrôle lundi d’une grande partie de la capitale somalienne, a appelé samedi à la reddition de ses rivaux, les chefs de guerre, qui ont rejeté cette demande.
"Nous leur donnons du temps pour se corriger, nous avons envoyé des chefs coutumiers pour les persuader de se rendre pacifiquement", a déclaré cheikh Sharif Sheikh Ahmed en référence à l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), composée de chefs de guerre appuyés par les Etats-Unis.
"Nous sommes ici pour la paix et nous n’aimons pas la guerre. Si les chefs de guerre ne se rendent pas, tout le monde sait ce qu’il va se passer", a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse à Mogadiscio, au siège de la coalition des tribunaux islamiques.
Mais les chefs de guerre ont immédiatement rejeté cet appel à la reddition.
L’un d’eux, qui se trouve dans le quartier de Karan, dans le nord de la capitale, protégé par le puissant sous-clan Abgal, a affirmé à l’AFP que "Sheikh Ahmed parlait en son nom propre sans représenter la vaste majorité du peuple somalien".
"Nous l’appelons à s’abstenir de recourir à la violence et nous l’exhortons à se joindre à la population dans le nord de Mogadiscio", a-t-il ajouté, en référence à la résistance que les milices islamistes rencontrent dans cette partie de la capitale.
"Si nous sommes attaqués, nous nous défendrons", a-t-il prévenu, affirmant que cheikh Sharif Sheikh Ahmed n’avait pas envoyé de chefs coutumiers négocier.
Les milices islamistes ont annoncé lundi avoir pris le contrôle de Mogadiscio, qui était aux mains des chefs de guerre rivaux depuis le début de la guerre civile en 1991. La ville est tombée au terme de près de quatre mois de combats qui ont fait au moins 347 morts et 2.000 blessés. Il s’agit de l’une des batailles les plus sanglantes en quinze ans de guerre.
Les milices des tribunaux islamiques rencontrent cependant une résistance dans le nord de la capitale.
Des chefs de guerre de l’ARPCT se sont aussi repliés dans leur fief de Jowhar, ville située à 90 km au nord de Mogadiscio, où ils ont renforcé leurs positions vendredi en prévision de nouveaux combats avec les milices des tribunaux islamiques.
Samedi, la situation était cependant calme à Mogadiscio et Jowhar, selon des témoins.
Lors de sa conférence de presse, cheikh Sharif Sheikh Ahmed a une nouvelle fois rappelé qu’au sujet de la loi coranique, "c’est au peuple somalien de décider" et que son mouvement n’était "contre aucun pays", en référence aux Etats-Unis.
De leur côté, les Etats-Unis ont proposé de créer un "groupe de contact sur la Somalie", destiné à "promouvoir l’action concertée et la coordination pour soutenir les institutions fédérales transitoires de Somalie", reconnaissant ainsi implicitement l’échec de leur alliance avec les chefs de guerre pour freiner la montée des islamistes dans ce pays.
Par ailleurs, à Baïdoa, siège des institutions somaliennes de transition, le gouvernement a déployé samedi des troupes au lendemain de violences entre milices rivales qui ne semblent pas liées aux combats de Mogadiscio, a-t-on appris de source officielle.
Au moins 300 hommes armés selon le gouvernement, au moins 1.500 selon des témoins, sont arrivés dans cette ville située à environ 250 km au nord-ouest de Mogadiscio.
Les violences de vendredi à Baïdoa, qui ont fait sept morts, ont éclaté après la décision du gouvernement d’aider les autorités locales à démanteler les barrages routiers illégaux, où les miliciens rackettent la population. Samedi, aucune violence n’était signalée à Baïdoa.
________________________________________ AFP
Somalie: le gouvernement déploie des forces à Baïdoa, siège des institutions
BAIDOA (AFP) – Le gouvernement somalien de transition a déployé des troupes à Baïdoa, siège des institutions et théâtre vendredi de violences entre milices rivales qui ne semblent pas liées aux combats de Mogadiscio, a-t-on appris samedi de source officielle.
De récents affrontements ont opposé dans la capitale Mogadiscio les milices islamistes à l’alliance de chefs de guerre soutenue par les Etats-Unis. Les milices islamistes contrôlent désormais la majeure partie de cette ville après près de quatre mois de combats sanglants.
"Environ 300 militaires ont été déployés (à Baïdoa) pour démanteler les barrages routiers qui sont mis en place par quelques miliciens", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Abdirahman Nur Mohamed Dinari, à Baïdoa, ville située à environ 250 km au nord-ouest de Mogadiscio.
"Quand ils auront fini de démanteler les barrages, ils les remettront immédiatement à la police à Baïdoa", a-t-il ajouté.
Mais selon plusieurs habitants, les troupes seraient au moins au nombre de 1.500 à Baïdoa, où siègent les institutions politiques somaliennes en raison de l’insécurité à Mogadiscio.
Baïdoa était cependant calme samedi, selon ces mêmes sources, au lendemain de violences entre milices rivales qui ont fait sept morts et éclaté après la décision du gouvernement d’aider les autorités locales à démanteler les barrages routiers illégaux, où les miliciens rackettent la population.
"La tâche de cette force à Baïdoa est d’apporter la paix, rien de plus, rien de moins", a déclaré M. Dinari.
De telles violences sont fréquentes en Somalie, pays pauvre de la Corne de l’Afrique en guerre civile depuis 1991.
Les affrontements de vendredi ont opposé des miliciens loyaux au président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed et des hommes armés aux ordres d’un commandant du clan Raharwein qui domine les régions Bay et Bakol où se trouve Baïdoa, selon des témoins. La plupart des miliciens de M. Yusuf viennent de la région du Puntland (nord), d’où est originaire le président.
La présence des hommes de M. Yusuf a accru les tensions à Baïdoa, les milices locales se plaignant que des combattants venus du nord prennent leur travail.
Samedi, le gouvernement était réuni à Baïdoa pour parler de la sécurité dans cette ville. "Une réunion a lieu entre le président et des membres du gouvernement", a déclaré un ministre sous couvert d’anonymat, précisant que cette réunion était consacrée à la mise en place d’une force de sécurité permanente à Baïdoa.
La Somalie s’est dotée en 2004 d’un gouvernement, qui s’est jusqu’à présent montré incapable de rétablir l’ordre.
Par ailleurs, la situation était calme samedi à Jowhar (90 km au nord de Mogadiscio), dernier fief de l’alliance de chefs de guerre soutenue par les Etats-Unis et qui avait renforcé vendredi ses positions en vue d’une possible offensive des miliciens islamistes, selon des témoins.
Vendredi, Washington a proposé vendredi de créer un "Groupe de contact sur la Somalie", reconnaissant implicitement l’échec de son alliance avec les chefs de guerre pour freiner la montée des islamistes.
"Nous appelons à la réunion d’un Groupe de contact sur la Somalie pendant la semaine du 12 juin –la semaine prochaine– à New York", a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Sean McCormack.
Les Etats-Unis avaient soutenu financièrement ces derniers mois les chefs de guerre qui se disputent depuis des années ce pays en proie à l’anarchie, dans l’objectif de faire échec aux islamistes qu’ils accusent d’abriter des terroristes.
______________________________________________ REUTERS
Une milice islamiste fait route vers Jowhar, en Somalie
MOGADISCIO (Reuters) – Quelques jours après avoir pris le contrôle de Mogadiscio, une milice islamiste somalienne faisait route vendredi en direction du dernier bastion des chefs de guerre laïcs, Jowhar.
Les chefs de guerre, qui se sont regroupés au sein d’une coalition, sont réputés bénéficier du soutien de Washington et leur déroute marque un revers pour la politique étrangère des Etats-Unis.
Ces derniers ont appelé à la tenue la semaine prochaine à New York d’une conférence internationale visant à définir la stratégie à suivre en Somalie et qui réunirait des responsables onusiens, européens et africains.
Selon des habitants de Jowhar, les miliciens, qui ont pris lundi le contrôle de la capitale somalienne d’où ils ont chassé les chefs de guerre, se sont rapprochés pendant la nuit de jeudi à vendredi de cette localité située à 90km plus au nord.
"Nos forces ont avancé en direction de celles des chefs de guerre", a déclaré Siyad Mohamed, l’un des chefs de la milice islamiste.
ACCROCHAGE A BAÏDOA
Quant aux maîtres de Jowhar, renforcés par des alliés vaincus par les islamistes, ils ont avancé vers le sud jeudi, jusqu’au village de Qalimoy.
"La coalition (de chefs de guerre) a pris les armes qui lui restaient ainsi que des miliciens de la ville pour renforcer leur défense à Qalimoy après avoir appris que les tribunaux islamiques progressaient en direction de Jowhar", a rapporté Abdi Warsame, un agriculteur.
Pour le milicien islamiste Siyad Mohamed, "si leurs mouvements se poursuivent, nous n’aurons pas d’autre choix que de les attaquer parce qu’ils s’apprêtent à nous attaquer".
Cinq personnes au moins ont été tuées dans un affrontement survenu à un poste de contrôle de Baïdoa, entre des miliciens locaux et la garde du président d’Abdoullahi Youssouf, a déclaré un porte-parole du gouvernement intérimaire.
Youssouf n’était pas présent au moment de l’accrochage dans cette ville abritant le gouvernement intérimaire de Somalie, qui ne semble pas lié à la chute de la capitale aux mains des milices islamiques.
La victoire des islamistes, à l’issue de trois mois de combats qui ont fait 350 morts, a chassé de Mogadiscio les chefs de guerre pour la première fois depuis qu’ils ont renversé en 1991 le dirigeant militaire Mohamed Siad Barre.