04/05/07 (B393-B) LIBERATION : En procès dans l’affaire de la plainte en diffamation qu’elle a déposée contre Anne Crenier (ancienne Présidente du SM), la magistrate M-P Moracchini a défendu ses instructions dans les affaires Borrel et Lévy.

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Moracchini, victime ou juge «d’obstruction»
?


Par Jacqueline COIGNARD

Pendant des années, Marie-Paule Moracchini
a été l’une des juges d’instruction de Paris les plus controversés.



Devant le tribunal correctionnel de Lille, durant deux jours, elle a défendu
son bilan. Elle poursuivait en diffamation Anne Crenier, ancienne présidente
du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), qui avait critiqué, dans
un entretien à la revue Golias, en juillet 2000, la partialité
avec laquelle elle avait instruit deux affaires, Borrel et Lévy.

Depuis cet entretien, les dossiers ont suivi leur cours dans d’autres mains
que celle de Marie-Paule Moracchini, dessaisie dans les deux cas. Albert Levy,
le magistrat de Toulon qu’elle cherchait à confondre dans une histoire
de violation du secret de l’instruction, a été relaxé
en novembre. Dans son jugement, le tribunal s’interrogeait, lui aussi, «sur
le fait de savoir si l’enquête a toujours été conduite
avec toute l’impartialité nécessaire». Quant à
l’affaire Borrel, les investigations menées par les juges qui ont succédé
à Moracchini ­ dont la tentative de perquisition à l’Elysée
mercredi ­ ont sérieusement ébranlé la thèse
du suicide qu’elle voulait démontrer.

«Montage».

Selon la veuve du juge Borrel, magistrate elle aussi, l’enquête menée
par Moracchini se résume à un «habillage de la thèse
officielle du suicide : procès verbaux erronés , examens médicaux
orientés, conspiration générale du silence…».
Et de citer le témoignage récent d’une personne qui a assisté
à l’enterrement de Bernard Borrel : «"Ma cannette de bière
tenait toute droite sur le crâne de votre mari tellement il était
enfoncé", m’a dit ce jeune homme. Et le médecin n’aurait
rien vu pendant l’autopsie ?»

Elisabeth Borrel dénonce aussi «l’obstruction»
de l’institution judiciaire et le colportage de ragots : «Je suis scandalisée
par la rumeur exploitée sur la prétendue pédophilie de
mon mari.
Mes fils, un jour, vont lire ça. Alors qu’il n’y
a pas le plus petit début de commencement de preuve.» Me Olivier
Morice, son avocat, explique qu’il aura fallu la nomination d’un nouveau juge
pour que l’instruction retrouve un cours normal, et qu’une deuxième
autopsie «mette en évidence l’enfoncement du crâne, une
fracture du bras lié à un geste de défense, l’intervention
obligatoire d’un tiers, etc.»

Marie-Paule Moracchini, elle, persiste et signe et se sent victime d’un «montage»,
«d’une alliance entre les politiques et les médias, orchestrée
par une formation de la chambre d’accusation de Paris, par le syndicat de
la magistrature, sa présidente et son bureau». Qu’on puisse douter
de son impartialité la révolte : «Quand on travaille jour
et nuit, on a le droit d’être respecté», lance-t-elle.
Elle va donc, pendant plusieurs heures, reprendre ses instructions contestées.

Certes, son enquête dans l’affaire Lévy a été mise
en lambeaux par la cour d’appel de Paris en 1999 mais, selon elle, encore
une fois par des magistrats membres du SM. Certes, Albert Lévy a été
relaxé dans un jugement qui la critique : «Le comportement du
prévenu a été appréhendé sous un angle
psychiatrique [la magistrate avait ordonné une obligation de soins,
ndlr] qu’aucun élément versé au débat ne vient
justifier.» Le tribunal reconnaissait ainsi que la juge avait
voulu faire passer Albert Lévy pour un fou parce qu’il voyait des fachos
partout, dans cette ville de Toulon aux mains du FN.

«Cette décision était orientée car les magistrats
qui l’ont prise sont tous membres du SM ?» l’interroge Me Antoine Comte,
avocat d’Anne Crenier. «Oui», réplique encore Marie-Paule
Moracchini.

Des années plus tard, elle se considère irréprochable,
dans cette affaire, et notamment à un moment où elle a bravé
des ordres venus du ministère de l’Intérieur pour l’empêcher
de perquisitionner chez les RG de Marseille.

Elle maintient qu’Albert Lévy a utilisé la presse dans la lutte
qu’il menait contre le FN à Toulon. Or, pour Moracchini, c’est très
grave. «Moi, je ne parle jamais à la presse», ne manque-t-elle
pas de rappeler toutes les cinq minutes.

Découverte.

Dans l’affaire Borrel, elle est tout aussi fière de son travail. «En
2007, cette affaire a connu des développements importants. Portez-vous
un autre regard sur le passé ?» l’interroge la présidente.

«Pas du tout, et même au contraire.
Je suis certaine que Bernard Borrel s’est suicidé», assène
Marie-Paule Moracchini. Elle l’a su dès son arrivée sur les
lieux de la découverte du corps, dans un ravin, à Djibouti :
«Une question d’atmosphère», «c’est un lieu où
on se suicide», «j’ai compris qu’on se situait dans une démarche
personnelle expiatoire». (*)

Elle revendique cette approche «intuitive» , liée à
sa condition de «vieux magistrat», mais, étant aussi «rigoureuse
et honnête», elle étaye ses flashs par des faits, des éléments
objectifs. Muette pendant les deux jours d’audience, la représentante
du ministère public n’a rien requis. Décision le 27 juin.

(*)
Note de l’ARDHD : on croit rêver en lisant cela … Rappelons que Mme
Moracchini devait être très liée avec Djama Souleiman,
s’il on se réfère au petit mot amical, qu’il avait joint à
l’envoi de la cassette contenant la reconstitution. Qu’elle se soit trompée
au début, c’est humain, mais qu’elle persiste dans son erreur. Cela
semble inacceptable et odieux de la part d’un magistrat … dont on attend honnêteté, impartialité et réserve