12/06/07 (B399) Nouvel Obs / Affaire Borrel : Chirac mis en cause. (Info lectrice)

Des documents
prouvent que l’ex-président français aurait aidé
son homologue djiboutien à accéder au dossier concernant
l’assassinat du juge, allant ainsi à l’encontre de la volonté
de la justice française.

Des documents saisis au Quai d’Orsay et consultés par l’AFP, suggèrent
un soutien du président Jacques Chirac à son homologue de
Djibouti pour accéder au dossier judiciaire sur la mort du juge
Borrel, où des responsables djiboutiens sont mis en cause.

Interrogé par l’AFP, l’entourage de l’ancien président a
déclaré qu’il « ne souhaite évidemment pas commenter
des documents dont il n’a pas connaissance ».

Au coeur des documents saisis au quai d’Orsay, et à la Chancellerie,
figurent des notes sur la préparation puis sur les retombées
d’une rencontre à l’Elysée le 17 mai 2005 entre Jacques
Chirac et le président Ismaël Omar Guelleh, durant laquelle
l’affaire Borrel est longuement abordée.

« En sortant de son entretien avec le PR (Président de la République),
IOG (Ismaël Omar Guelleh) avait quasiment compris que cette histoire
de CIJ était une formalité et qu’après un échange
de courrier, ils (ndlr, les Djiboutiens) auraient le dossier dans les
15 jours », écrit notamment, le 29 juillet 2005, un membre
de la direction d’Afrique du Quai d’Orsay à son directeur.

La France suggère à
Djibouti de porter plainte

Les deux présidents
évoquent la possibilité d’une plainte devant la Cour Internationale
de Justice (CIJ) qui sera finalement déposée par Djibouti
contre la France huit mois plus tard afin d’obtenir une copie de l’enquête
française sur la mort du juge.

Dans cette plainte, Djibouti reproche à la France la violation
d’une convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière
pénale de septembre 1986.

Auparavant, la justice djiboutienne avait demandé à deux
reprises à la France la transmission du dossier judiciaire sur
la mort du juge Borrel, tué en 1995 à Djibouti, sans obtenir
satisfaction malgré des engagements pris par la Chancellerie et
le Quai d’Orsay. La juge Sophie Clément, chargée du dossier,
s’y était à chaque fois opposée.

Une note de l’ambassadeur de France à Djibouti, dont l’AFP a eu
copie, montre que c’est l’Etat français qui a le premier suggéré
à Djibouti d’attaquer la France en justice pour faire plier la
juge. « Ils réfléchissent à notre idée
de recours à la CIJ », écrit le 25 juin 2005 le diplomate
en rendant compte d’un entretien avec son homologue djiboutien.

« Une seule ombre
au tableau: l’affaire Borrel »

Le soutien de la France à
Djibouti transparaît également dans les notes de travail
de la direction Afrique du quai d’Orsay, destinées à préparer
la rencontre Chirac-Guelleh du 17 mai 2005.

« Nous sommes votre premier partenaire au développement, votre
premier partenaire commercial. Nos relations sont excellentes à
tous points de vue. Il n’existe qu’une seule ombre à ce tableau:
l’affaire Borrel », écrivent les diplomates en invitant Djibouti
à la « surmonter ».

Toujours selon des documents auxquels l’AFP a eu accès, des conseillers
de Jacques Chirac lui proposent, dans un argumentaire, d’assurer à
son homologue djiboutien que sa « colère est parfaitement compréhensible ».

« Nous avions pris l’engagement de vous transmettre ce dossier. Malheureusement
les services de la Chancellerie avaient mal évalué les conséquences
d’une telle transmission. Dominique Perben pourrait être poursuivi
par Mme Borrel pour forfaiture », poursuit l’argumentaire en assurant
« que les autorités françaises font le maximum de ce
qui est en leur pouvoir ».

Djibouti saisira finalement la CIJ le 12 janvier 2006 afin d’obtenir la
communication du dossier Borrel et aussi l’annulation de convocations,
en qualité de témoins assistés, de hauts représentants
de l’Etat djiboutien, dont Ismaël Omar Guelleh.