16/01/09 (B482) 24 Heures (Lausane – Ch) – Les islamistes, grands gagnants du retrait éthiopien de Somalie.
Ravagée par la guerre civile depuis 18 ans, la Somalie n’est pas qu’un repère de pirates. Pays pauvre parmi les pauvres, elle est aussi le théâtre d’un conflit qui dépasse ses frontières.
Ils étaient intervenus fin 2006 pour reprendre Mogadiscio et le sud du pays aux combattants des Tribunaux islamiques. Hier, les derniers soldats éthiopiens ont quitté la capitale somalienne. S’il faut en croire leurs chefs, ils devraient bientôt avoir définitivement quitté le pays où, comme d’autres avant eux, ils n’ont pas réussi à rétablir le calme.
Et encore moins à renforcer le fragile gouvernement de transition qui ne contrôle plus que quelques poches dans la capitale et la ville de Baidoa, où siège le parlement.
Un pays sans Etat
Ce retrait (pour ne pas dire cette retraite), des soldats éthiopiens «va renforcer un peu plus la pagaille dans ce pays sans Etat ni pouvoir central, qui est en fait divisé depuis longtemps en trois zones (voir carte), et où 3 des 9 millions d’habitants dépendent de la nourriture du Programme alimentaire mondial (PAM)», explique le professeur Philippe Hugon, spécialiste de l’Afrique et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.
Mais, ce qui est sûr, poursuit le chercheur, c’est que le départ des Ethiopiens qui étaient intervenus à la demande des Etats-Unis «est un succès pour les Tribunaux islamiques, et en particulier pour leur faction la plus extrémistes que sont les shebab». Ces derniers n’ont d’ailleurs pas attendu longtemps, hier à Mogadiscio, pour s’emparer de la plupart des positions abandonnées par l’armée éthiopienne. Désormais bien seule et toujours aussi mal équipée, la force de paix de l’Union africaine (AMISOM) déployée depuis mars 2007 dans la capitale n’a pas osé bouger.
«Il faut bien comprendre que sans intervention massive sous mandat de l’ONU de troupes étrangères bien équipées, le conflit qui oppose seigneurs de la guerre et islamistes a de beau jour devant lui», assure encore Philippe Hugon.
La piraterie contrôlable
Et la piraterie qui sévit aux larges des côtes? Pour le chercheur de l’IRIS, elle n’est évidemment qu’un épiphénomène d’un conflit bien plus profond qui dépasse les frontières somaliennes. «Pour ce qui est de la piraterie, je pense qu’avec le déploiement des navires de guerre auquel on assiste actuellement et quelques actions ciblées dans les ports où se replient les pirates, on devrait assez facilement la juguler, affirme Philippe Hugon. En revanche, venir à bout des islamistes et autres shebab sera une tout autre affaire, car je vois mal quel pays serait prêt à envoyer les troupes nécessaires à une telle action.
Surtout pas les Américains qui ont tous en mémoire l’humiliation de leur expédition d’octobre 1993, immortalisée dans le film, «La chute du faucon noir».
Mais, conclut Philippe Hugon, il ne faut pas s’y tromper:, «avec la mainmise croissante des islamistes sur le pays, la Somalie est un pays désormais aussi porteur de risques que l’Afghanistan».