01/01/2024 (Brève 2334) RFI : Pourquoi la Chine ne rejoint pas la coalition américaine en mer Rouge ?

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L’Operation Prosperity Guardian (OPG), la coalition de volontaires dirigée par la marine américaine, devrait être activée dans les prochains jours. Alors que plus de 20 pays se joignent à la mission menée par les États-Unis contre les militants Houthis qui poursuivent leurs attaques contre les navires commerciaux liés à Israël en réponse à l’assaut contre Gaza, la Chine, elle, ne s’y rallie pas.

Plusieurs raisons poussent la Chine à rester en retrait, à commencer par un positionnement vis-à-vis du conflit bien différent de celui des États-Unis. Depuis que la guerre entre Israël et Gaza a éclaté, les responsables chinois ont tenu plusieurs réunions avec leurs homologues iraniens afin d’éviter que le conflit ne s’étende.

L’Iran soutient aussi le Hezbollah, un groupe militant basé au Liban au lourd passif d’escarmouches frontalières avec les forces israéliennes – le Hezbollah qui soutient aussi le Hamas. Lors d’une réunion tenue au début du mois, le ministre iranien des Affaires étrangères a accusé les États-Unis, principal soutien d’Israël, de ne pas comprendre pleinement les risques d’escalade.

En ce qui concerne le conflit, la Chine préconise un cessez-le-feu et une solution à deux États, projetant ainsi son alignement sur les pays arabes et musulmans.

++ Intérêts chinois dans la mer Rouge

Avant tout, la Chine possède sa première base navale à l’étranger, située à Djibouti. Les actions des Houthis se concentrent principalement autour du détroit de Bab el-Mandeb, qui relie la mer Rouge au golfe d’Aden, le long de la côte yéménite. Il s’agit d’un corridor unique en son genre, relié au canal de Suez, qui relie l’Europe et l’Asie.

Le canal de 193 kilomètres, l’une des voies navigables les plus fréquentées au monde et la route maritime la plus courte entre l’Europe et l’Asie, fait passer près de 12% du commerce mondial, dont 30% de l’ensemble des mouvements de conteneurs.

Les assauts des Houthis se sont intensifiés depuis la mi-novembre, poussant les principales compagnies maritimes, notamment les compagnies européennes CMA CGM, Maersk et Mediterranean Shipping, ainsi que le géant public chinois Cosco et la compagnie taïwanaise Evergreen Marine, à suspendre les transits par Bab el-Mandeb.

++ Raisons pour rester en retrait

D’une part, malgré l’impact fort probable des attaques sur les chaînes d’approvisionnement chinoises, Pékin pourrait ne pas prendre part à la campagne de lutte contre la piraterie tant que la sécurité des navires chinois n’est pas réellement menacée. Et pour le moment, selon les informations diffusées par les Houthis au Yémen, ils comptent attaquer des navires liés à Israël et des navires de l’État israélien, de sorte que les intérêts de la Chine ne sont pas menacés.

D’autre part, rejoindre la coalition menée par les États-Unis reviendrait, aux yeux de Pékin en tout cas, à un aveu de faiblesse quelque part. Mais pas que. Elle craint aussi que cela montre un alignement avec la position des États-Unis par rapport à Gaza. Faire partie d’un plan militaire américain sera perçu par les institutions politiques et militaires chinoises comme une « capitulation devant les intérêts américains » et une « humiliation de la Chine ».

Il s’agit aussi de préserver son image envers les pays du Sud, qui sont du même côté que la Chine sur la crise de Gaza, comme en témoignent de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies.

Par :Clea Broadhurst