25/08/03 (B209) Même La Nation, traditionnellement inféodé au pouvoir central, ne peut s’empêcher de publier un article sur la tragédie engendrée par les décisions du pouvoir. Signe d’une contestation populaire latente ???

Tragédie non seulement pour les étrangers jetés brutalement à la porte du pays, mais aussi pour les familles djiboutiennes, attachées à leur personnel par des liens plus profonds que celui d’employeur-employé …

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Témoignage, extrait de La Nation

En ce lundi 11 août,
exactement 20 jours avant la date butoir, Madino a décidé de
faire sa valise, pour regagner son pays d’origine. Du fond de son cœur,
elle ressent une certaine amertume. Pourquoi diable ce pays qui l’a tant protégée
et dont elle ne peut évaluer l’amour qu’elle porte pour lui, la rejette
t-il subitement ?

Dur, lorsque tant d’années
de présence sont vouées à l’échec. Dur de retourner
à une terre qui, certes l’a vue naître, mais demeure étrange
à certains égards. Car de son pays d’origine, elle n’en garde
qu’un vague souvenir.
Dur, ce destin qui s’acharne contre elle. Dur, dur
et dur….

Elle se pose mille et
une questions, malheureusement celles-ci s’avèrent sans réponse.

Elle sait que son voyage
est inévitable. Elle prend la voie routière avec résignation.
Pauvre  » Mano. »

Les Waberis qui ont été
avertis à l’avance ne peuvent contenir leur chagrin.

L’émotion est
vive, la raison ne croit plus le départ de celle qui, durant six ans,
a porté à bout de bras cette famille, faisant siennes toutes
les préoccupations du ménage. Celle qui a partagé avec
eux leur bonheur, mais aussi les a soutenus (du moins moralement) durant les
moments difficiles.
Car les Waberis ont traversé pas mal d’épreuves
dures, et heureusement le couple s’en est sorti soudé. Ce départ
précipité de  » Mano  » plonge le foyer dans une existence
précaire. Voici comment dès le premier jour d’absence de Madina,
le quotidien de la famille Waberi subit un bouleversement.

Papa et Maman, d’habitude
matinaux, ne se sont pas réveillés. Les enfants aussi. Il est
déjà 8 heures. Mais que se passe t-il ? Pourquoi ce retard inhabituel
? Pardi, Mano la “pendule” est partie. Papa est fâché
, son petit déjeuner n’est pas encore prêt. Le plus petit des
enfants ne cesse de pleurer. Il a passé une nuit blanche. Il est abasourdi
par l’absence de celle qui le berçait et le cajolait.

La mère , faute
d’espacement de naissance, ne peut s’occuper de tout ce monde. Elle éprouve
aussi toutes les peines du monde pour entrer dans la cuisine. Avec les produits
cosmétiques dont elle use et abuse, elle a peur pour sa peau. Elle
a déposé auprès de toutes ses amies un avis de recrutement
d’une  » bonne « . Aucune réponse : la nouvelle politique d’immigration
est passée par-là…. Les jours passent. Le calvaire des
Wabéris va crescendo. Père et mère ne s’adressent plus
la parole. Les enfants en pâtissent.

Aucune lueur d’espoir
ne se profile à l’horizon. Le self service est toujours de mise. Avec
son malheur que l’on connaît. Le fainéantisme djiboutois aidant,
la maison est sens dessus dessous. Ah, Mano que tu es loin ! Maudite soit
cette nouvelle forme de chauvinisme qui t’a emportée.

KENEDID
IBRAHIM