21/10/07 (B418) Blog de Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération – Du rififi à Djibouti: la France contestée (Info lectrice)
On l’oublierait presque, tant l’armée française s’y sent chez elle, mais Djibouti est un Etat indépendant et souverain depuis trente ans. Or, samedi, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de la capitale pour protester contre la France. Une manifestation officielle et considérable à l’échelle d’un pays de 700 000 habitants.
Au nombre de 15 à 20.000, selon les sources, les manifestants criaient « Honte à toi, Sarkozy », « Trop, c’est trop », « Touche pas à mon Président » ou « Justice raciste ». Au centre de la polémique, la procédure judiciaire engagée par des juges français dans le cadre de l’affaire Borrel, du nom de ce magistrat français retrouvé mort en 1995. Des mandats d’arrêt ont été lancé par la juge Sophie Clément contre le chef des services secrets et le procureur général de la République de Djibouti. Ce dernier, Djama Souleiman a même expliqué que « comparée à l’affaire Borrel, l’affaire Dreyfus est un épiphénomène ! »
Mais le principal personnage visé par les magistrats français est le président de la République lui-même, Omar Guelleh. Evidemment, celui-ci n’apprécie pas et il a fait, samedi, donner ses fidèles en les incitant à descendre dans la rue. Dans le même temps, la justice djiboutienne donne sa propre version de l’affaire, mettant en cause un réseau pédophile impliquant des expatriés français. Ambiance.
Au delà de cette affaire, qui contribue à dégrader considérablement les relations entre les deux pays, tout le problème est celui de la présence militaire française dans la Corne de l’Afrique. Grâce à Djibouti, Paris dispose d’un avantage stratégique certain tant pour les interventions en Afrique, au Moyen-Orient qu’en Océan Indien. Les Américains ne s’y sont pas trompés, puisqu’après le 11 septembre, ils se sont installés dans le pays, comme les Français.
Les moyens militaires français à Djibouti sont conséquents avec 2900 hommes au total. Deux régiments (5ème RIAOM, 13ème DBLE), un détachement de forces spéciales (commandos marine), des moyens aériens importants avec dix Mirage 2000, dix hélicoptères, un Transall et un Atlantique 2. Et également un port qui accueille régulièrement des sous-marins ou le porte-avions. Du sérieux, qu’il serait très embêtant de perdre. A moins, qu’au final, il ne faille accepter de payer un loyer beaucoup plus cher à l’Etat djiboutien.